Le verdict de la chambre criminelle de la cour d'appel de Casablanca dans le cadre du dossier de Fayçal Kimia est tombé jeudi. Le tribunal casablancais a condamné les trois personnes impliquées dans la spoliation d'une villa à Oasis, dont un conservateur foncier, à 10 ans de prison ferme. Un jugement qui annulera aussi les contrats falsifiés utilisés dans l'opération de spoliation et qui donnera surtout espoir aux autres familles spoliées en attente de jugement. La chambre criminelle de la cour d'appel de Casablanca a rendu jeudi son verdict dans un dossier de spoliation datant de 2011. Il s'agit du dossier numéro 1266/2610/2014 concernant une villa située dans le quartier Oasis. Un bien immobilier appartenant à la famille de Fayçal Kimia. La chambre criminelle a condamné à 10 ans de prison ferme chacune de trois personnes impliquées : Boumediane Zaidi, dont le nom figure sur le titre de la villa spoliée, le notaire El Arbi Mouktafi ainsi que l'actuel conservateur foncier à Ain Sebâa-Hay Mohammadi, Abderrahim Amal, poursuivi en tant que fonctionnaire public. Les trois sont reconnus coupables pour «faux et usage de faux documents officiels». Le tribunal a également ordonné l'annulation des faux contrats utilisés. Condamné à 10 ans de prison, le conservateur foncier serait toujours libre «Pour moi, le plus important est l'annulation des faux contrats et que les titres nous reviennent de droit», nous confie Fayçal Kimia, joint par Yabiladi ce vendredi. «Je suis victime de la spoliation depuis décembre 2011», nous rappelle-t-il, en faisant remarquer que ce dossier «a pris beaucoup de temps». «Mais Dieu merci puisqu'il y a un jugement et justice a été faite», enchaîne-t-il. «Pour nous, en tant que victime de spoliation immobilière, il est important de recouvrir et retrouver nos droits réels sur nos biens. En annulant le faux contrat, on retrouve notre droit.» Une source proche de ce dossier, présente lors du procès, ne cache pas son indignation. «C'est scandaleux d'avoir un conservateur foncier qui fait partie de cette bande. Si on fait un recensement de spoliation en comparant les mutations de ce conservateur -puisqu'on a le droit d'évoquer son implication vu qu'il est désormais jugé-, et donc toutes les conservations où il a exercé, on va tout comprendre», nous déclare-t-elle. «Il l'ont laissé falsifier et spolier dans chaque conservation où il a mis les pieds», poursuit notre source. Présente lors du procès du jeudi, elle nous rapporte également avec gravité : «Devant le juge, le conservateur a déclaré –et c'est noté dans les PV- qu'il n'a rien fait et que même sa direction l'a félicité, l'a honoré et lui a confié la meilleure conservation du Maroc, où il exerce jusqu'à aujourd'hui. Ça, ça fait très mal de laisser quelqu'un impliqué dans plusieurs dossiers de spoliation exercer toujours son métier. C'est grave !» D'autres dossiers attendent les trois personnes condamnées Bien qu'il vient d'être condamné à 10 ans de prison ferme, le conservateur serait toujours poursuivi en état de liberté provisoire. «Cela veut dire qu'on le laisse falsifier et spolier d'autres victimes», regrette notre source qui assure que la personne en question est poursuivie dans d'autres dossiers de «faux et usage de faux». De son côté, l'avocat Massaoud Leghlimi nous déclare que le jugement a été rendu hier entre 14h et 15h. «Le docteur Boumediane Zaidi est la personne devenue propriétaire de la villa de Fayçal Kimia. Quant au jugement, il annule les actes falsifiés et radie ces faux actes de la conservation foncière», nous explique-t-il. «Juridiquement, le bien foncier retournera au nom de Fayçal Kimia. Les personnes condamnées comptent faire appel puisque c'est en première instance. Nous aussi nous ferons appel en ce qui concerne les dommages et intérêts», déclare Maître Leghlimi. L'avocat rappelle aussi qu'El Arbi Mouktafi est poursuivi dans un autre dossier, où il a été condamné à 12 ans. «Aujourd'hui, il a sur le dos 22 ans de prison ferme que pour ces deux dossiers. Zaidi est poursuivi dans un autre, reporté au 12 octobre tout comme le conservateur avec une affaire d'une villa spoliée, avec Mustapha Him et Belkacem Laghdaich mais aussi dans d'autres dossiers», nous informe-t-il. «Cela veut dire que ce ne sera pas l'unique jugement rendu à l'encontre de ces gens-là. Mais avec ce jugement, il y a espoir dans la justice au Maroc et toutes les victimes spoliées ont le droit de réclamer leur droit.» «Un triomphe de la justice au profit des victimes» Pour sa part, Mohamed Moutazakki, président de l'Association des victimes de la spoliation immobilière (AVS) parle d'un «triomphe de la justice au profit des victimes». «C'est un soulagement, surtout quand on voit un conservateur condamné à 10 ans de prison pour faux et usage de faux», nous dit-il. «Le plus important c'est qu'on a toujours soutenu qu'il s'agit d'une mafia de procédures administratives et qu'il y a une implication de quelques corrompus ripoux impliqués qui mettent à la disposition de la mafia des documents officiels», enchaîne-t-il. Le président de l'AVS déplore aussi «haut et fort» qu'«Abderrahim Amal soit toujours en exercice». «Au moins qu'il soit suspendu du moment où le juge l'a condamné pour faux et usage de faux», estime-t-il, affirmant que «l'administration devait le suspendre immédiatement». «C'est une aberration que ce monsieur s'occupe toujours de la conservation foncière d'Ain Sebâa», lâche-t-il. Mohamed Moutazakki revient au jugement, rappelant qu'il y a encore 43 titres fonciers spoliés. «Ce n'est qu'un seul dossier dans ces 44 titres où justice a été faite», déclare-t-il. Il rappelle aussi qu'à Casablanca, il existe deux bandes : «Une bande composée de Him, Laghdaich et le notaire El Mouktafi, poursuivis pour 13 titres fonciers et une autre bande avec ce médecin, un autre monsieur et ce conservateur et qui sont poursuivis pour la spoliation de 31 titres fonciers», conclut-il. Le feuilleton judiciaire n'est donc toujours pas terminé.