Le député PI Mohamed El Hafid condamné à deux ans de prison pour détournement de fonds publics    Maroc – France : Une déclaration conjointe pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé    66e Anniversaire de la disparition de Feu S.M. Mohammed V, l'occasion de rendre hommage à la mémoire du Père de la Nation    Réaction de l'Espagne à la nouvelle ligne aérienne Madrid-Dakhla    ONU: Ouverture à New York de la 69è session de la Commission de la condition de la femme avec la participation du Maroc    Elon Musk affirme que la panne de X est due à une « cyberattaque massive »    Pluies et neiges abondantes : Un espoir pour l'agriculture et les réserves d'eau au Maroc    Blé français : 300.000 tonnes attendues au Maroc en mars, mais les stocks restent élevés    Les grands barrages de l'Oriental affichent un taux de remplissage de plus de 49%    Le Maroc parmi les pays les plus sûrs pour l'investissement au niveau mondial    Maroc: près de 2,7 millions de touristes à fin février    Pour son deuxième mandat, Donald Trump accélère sa diplomatie avec le Maroc    La Commune de Casablanca refuse la cession du Complexe Mohammed V et réaffirme sa propriété    Eliminatoires Mondial-2026: Conférence de presse du sélectionneur national Walid Regragui, vendredi à Salé    Le temps qu'il fera ce mardi 11 mars 2025    Fortes pluies parfois orageuses mardi dans plusieurs provinces du Royaume    Viajes exprés a Marruecos: Una nueva tendencia insólita entre los ingleses    Les précipitations ont concerné l'ensemble du Royaume mettant fin à une moitié d'hiver de déficit pluviométrique    Ifrane: Réouverture de plusieurs axes routiers coupés après les chutes de neige    Production télévisuelle marocaine : une arène où la concurrence cède le pas aux arrangements    Le leadership féminin face aux défis économiques : un levier de transformation    Tomates marocaines en France : Rabat et Paris visent un nouveau pacte gagnant-gagnant    La prison locale de Béni Mellal dément le décès d'un détenu souffrant d'une maladie contagieuse    La CNDP réagit après avoir subi une cyberattaque    Tennis : À l'occasion du 8 mars, la CAT a rendu hommage à ses dames dont la Marocaine Dalale Lachkar !    Trafic de psychotropes : Une personne aux antécédents judiciaires et un médecin arrêtés à Berkane    Lancement de « Orange Koora Talents », un programme parrainé par Brahim Diaz    Espagne : plus de 60 % des Marocains en situation régulière non affiliés à la sécurité sociale    Maroc-France : accompagnement de neuf start-up marocaines du jeu vidéo    Les Marocains appelés à privilégier les intérêts de leur pays face aux campagnes malveillantes    Royaume-Uni : Londres veut revoir son système de protection sociale qui "coûte trop cher"    39ème édition du grand prix Hassan II : l'atp 250 de Marrakech de retour du 31 mars au 6 avril    Dubaï : Les designers Hicham Lahlou et Cheick Diallo signent une œuvre d'exception    Salon des élus francophones : A Paris, le Maroc aborde la diplomatie des territoires    Les liens fraternels et stratégiques entre le Maroc et la Côte d'Ivoire mis en relief à Abidjan    Défense : Le Maroc et la France organisent un exercice pour l'élite des parachutiste    Canada : Mark Carney succède à Trudeau à la tête du Parti libéral    Dubaï : Les athlètes marocains dominent la course sur route au 12e Tournoi sportif « Nad Al Sheba »    Amman: réunion des représentants de la Syrie et des pays voisins pour discuter des questions de sécurité    Pyongyang tire plusieurs missiles balistiques    Un Israélien d'origine marocaine nommé porte-parole de l'armée israélienne    Botola D1/J24: La RSB impitoyable devant le MAT !    Botola D1/J24: Le WAC concède le nul face au FUS    Casablanca : Les « Nocturnes du Patrimoine » de retour du 13 au 15 mars    Enfin, nos ftours sans caméras cachées    Brahim Díaz, Jugador Cinco Estrellas Mahou del mes de febrero    MAGAZINE : Villa Carl Ficke, un musée pour la mémoire    La mort de Naïma Samih «est une perte pour la scène artistique nationale», dit le souverain chérifien    









Organisations secrètes marocaines #2 : Ila Al Amam, de l'ombre de la clandestinité aux geôles des années de plomb
Publié dans Yabiladi le 09 - 09 - 2017

Dans cette série mensuelle, Yabiladi fait la lumière sur les organisations secrètes et clandestines qui ont marqué l'histoire du Maroc contemporain. Pour ce deuxième numéro, zoom sur Ila Al Amam, officiellement annoncée le 1er janvier 1972. Ce que peu de Marocains savent, c'est que le mouvement d'inspiration marxiste-léniniste a vu le jour le 30 août 1970. Histoire.
Comme tout pays qui a subi l'injustice et l'oppression du colonisateur, ainsi que la répression postcoloniale, le Maroc a lui aussi disposé de ses organisations secrètes et clandestines. Des groupuscules destinés tantôt à lutter contre le protectorat français et espagnol, tantôt à mener la vie dure à feu le roi Hassan II.
L'ère tristement célèbre de «années de plomb» au Maroc a été précédée par la naissance de plusieurs organisations ayant opéré dans la clandestinité. Leur objectif ? Renverser le pouvoir du roi Hassan II par tous les moyens. Deux mouvements sont célèbres : Le mouvement Ila Al Amam et le Mouvement du 23 mars. Le premier verra le jour le 30 août 1970 dans l'ombre de la clandestinité pour se transformer dès 1972 en un mouvement interdit par les autorités de Rabat. Ila Al Amam, ou plutôt son spectre, poursuivra son activité, même après l'éclatement de son noyau, jusqu'en 1995. Une année qui marquera la naissance d'Annahj Addimocrati, parti politique qui se targue d'avoir hérité du mouvement d'inspiration marxiste-léniniste.
Nous sommes en mars 1965. Les pavés de plusieurs rues de Casablanca sont entachés de sang au lendemain d'une révolte des élèves ayant été lourdement réprimée par les balles des éléments des Forces armées royales (FAR). Plusieurs disparitions et décès sont alors à déplorer. Evénement douloureux de l'histoire du Maroc contemporain, il intervient après une succession d'autres faits marquants : l'organisation, en août 1963, du congrès de l'Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM), le Dahir royal interdisant à l'UNEM d'encadrer des élèves en juin 1963 puis la déclaration, en juin 1965 et pour la première fois dans l'histoire du Maroc, de l'Etat d'exception, avec la dissolution du Parlement.
Une photo de la manifestation du 23 mars 1965 à Casablanca. / Ph. DR
Ila Al Amam et le «droit du peuple sahraoui à l'autodétermination»
La situation est plus que tendue entre la monarchie et certaines formations politiques. Fin octobre 1965, l'assassinat du leader gauchiste Mehdi Ben Barka représentera un tournant décisif dans l'histoire de la gauche marocaine. Sa disparition convaincra certains Marocains d'emprunter la voie de l'opposition armée pour renverser le régime du roi Hassan II. L'autre événement qui contribuera à cette mutation est la défaite des armées arabes en 1967 contre Israël - l'un des derniers clous dans le cercueil de la pensée selon laquelle l'action politique débute au sein des institutions. C'est à cette époque que sont nés plusieurs mouvements prêts à faire appel aux armes pour renverser le système, comme le cas du Tanzim, la branche radicale de l'Union nationale des forces populaires, et dont les membres, à l'instar d'Omar Dahkon, ont été arrêtés, jugés et certains exécutés en 1973.
C'est dans ce climat tendu qu'Abraham Serfaty, Abdellatif Zeroual, Abdellatif Laabi, Raymond Benhaim, Zohour Benchemsi, Amine Abdelhamid et Saïda Menebhi quitteront le Parti de la libération et du socialisme (futur Parti du progrès et du socialisme, PPS) en 1969 pour créer Ila Al Amam. De l'été 1970 jusqu'en 1972, les premières années qui suivent la naissance du mouvement sont marquées par sa réorganisation clandestine au sein des universitaires marocains, comme le rapporte le blog 30aout.info. La fin de l'année 1972 connaîtra une deuxième phase marquée par la répression, les arrestations et la marginalisation des militants d'Ila Al Amam, mouvement désormais célèbre dans les milieux intellectuels et militants du royaume. Cette période, qui s'étalera jusqu'en 1977, verra notamment la position rendue publique par Ila Al Amam quant au dossier du Sahara et la Marche verte en 1975. Le 19 octobre de cette année, Ila Al Amam publie un communiqué pour critiquer la Marche verte et soutenir publiquement «le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination». Ila Al Amam venait tout juste de signer sa lettre d'adieu. On parle alors d'une large série d'arrestations ayant débuté quelques années plus tôt avec des membres peu connus, avant de viser les figures de proue d'Ila Al Amam.
Abdellatif Zeroual et Saïda Menebhi, les martyrs d'Ila Al Amam
En 1973, Abdellatif Zeroual est condamné par contumace à la prison à vie par un tribunal casablancais. Il n'est arrêté que le 5 novembre 1974, en compagnie d'autres militants du mouvement, dans le cadre d'une large vague d'arrestations d'opposants marxistes. Aziz Enhaili, rédacteur en chef de Tolerance.ca, racontait en novembre dernier qu'Abdellatif Zeroual aurait été conduit à Derb Moulay Cherif, célèbre adresse de détention et de torture des prisonniers politiques à Casablanca, pour y être sauvagement torturé pendant plusieurs jours. «Avant qu'il n'en meurt neuf jours plus tard, il a été admis, à l'hôpital Avicenne à Rabat, sous la fausse identité d'Abdellatif Ben Abdelkader El Baroudi. Il avait à peine 23 ans», écrit-il.
Le 16 janvier 1976 à Rabat, les autorités marocaines arrêteront Saïda Menebhi, professeur d'anglais, en compagnie de Rabia Ftouh, Pierra di Maggio et Fatima Oukacha, pour appartenance au mouvement interdit Ila Al Amam. Elle aussi subira des tortures dans le centre casablancais de détention Derb Moulay Cherif. Saïda Menebhi sera jugée au «procès de janvier-février 1977 de Casablanca» avec 138 autres inculpés pour «atteinte à la sûreté de l'Etat». Condamnée à cinq ans de prison, elle sera ensuite incarcérée à la prison de Casablanca et placée à l'isolement. Elle décède le 11 décembre 1977 à l'hôpital Averroes de Casablanca après 34 jours de grève de la faim. Elle n'avait que 25 ans.
Une manifestante portant une photo de Saïda Menebhi. / Ph. DR
D'autres militants sont condamnés lors du procès puis transférés à la prison centrale de Kénitra. Rabia Ftouh, Abraham Serfaty et Fatima Oukacha resteront à la prison civile de Casablanca. Les arrestations se poursuivront jusqu'en 1979, année pendant laquelle Ila Al Amam ne restera qu'une coquille vide. Des membres fuiront le Maroc vers la France, et continueront jusqu'en 1995 de maintenir en vie une organisation déjà morte.
Après 17 ans passés dans les geôles durant les années de plomb, Abraham Serfaty sera enfin libre en septembre 1991. Mais il se voit privé de sa nationalité marocaine et est expulsé du Maroc. C'est d'ailleurs lui qui annoncera officiellement la fin d'une expérience douloureuse et la dissolution d'Ila Al Amam. Certains militants au Maroc annonceront la même année la naissance d'un parti politique, Annahj Addimocrati, qui ne sera reconnu en tant que tel qu'en 2004.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.