Rabie Al Ablaq a été admis à l'hôpital en début de semaine après avoir entamé une grève de la faim. Son état s'est aggravé mais le centre hospitalier ne laisse fuiter aucune information et refuse toute visite de ses avocats. Détails. Depuis lundi, de sérieuses inquiétudes gagnent le Comité de défense des détenus du Hirak à Casablanca sur l'état de santé de Rabie Al Ablaq. Et pour cause, il a été admis en réanimation à l'hôpital Moulay Youssef de la capitale économique. Depuis, ses avocats souhaitent seulement s'enquérir de son état de santé. Empêchés par l'hôpital de lui rendre visite malgré leur pression, ils crient aujourd'hui à l'injustice. Rabie Al Ablaq, figure du Hirak, a été arrêté à Al Hoceima et transféré à la prison Oukacha de Casablanca pour avoir participé aux manifestations pacifiques du mouvement contestataire. Suite à l'enquête dont il a fait l'objet, le jeune homme de 34 ans affirme qu'il a été torturé et a subi des sévices corporels, selon son avocat Abdessadek El Bouchtaoui. «Ce sont ces épisodes de torture qui ont principalement motivé sa grève de la faim. Cela fait 39 jours qu'il l'a entamée et ne veut pas l'arrêter.» Son état de santé s'est détérioré au point que «la direction de la prison a eu peur et a décidé de le transporter à l'hôpital», raconte Abdessadek El Bouchtaoui, contacté par Yabiladi. Une grève de la faim en guise de protestation Rabie n'en est pas à son coup d'essai. Il a effectivement tenté une grève de la faim dès son premier jour de garde à vue en juin dernier, qu'il a stoppée 15 jours plus tard suite à l'intervention de sa famille. Au lendemain de Aïd El Fitr, il a décidé de reprendre sa grève, estimant «que sa dignité a été atteinte et qu'il n'accepte pas que ses bourreaux soient toujours libres et continuent d'exercer leur profession», fustige Abdessadek El Bouchtaoui. Après plus d'un mois de grève, l'état de santé du jeune homme se dégrade et l'administration pénitentiaire ne voit pas d'autre issue que l'hôpital. Depuis son admission, personne n'aurait des nouvelles du trentenaire. Ses avocats, qui souhaitent lui rendre visite, nagent dans le flou total. L'hôpital refuse de leur accorder un droit de visite. «Nous nous sommes rendus hier à l'hôpital et avons tenu un sit-in. Nous sommes restés là-bas plus de 6 heures, en vain», raconte l'avocat. Personne n'a daigné donner de nouvelles au comité, excepté «une déléguée régionale du ministère de la Santé qui nous a donné des raisons sur ce refus de visite, mais elles ne nous ont pas convaincus», dit l'avocat. «C'est également le cas du directeur du centre hospitalier.» Un refus qui nourrit de plus en plus la suspicion du comité, au point que ses membres soulèvent maintes questions : «Nous pensons qu'il y a de fortes chances que Rabie soit sous anesthésie et nourri via un sérum pour le laisser dans un état vaporeux», confie l'avocat. «Quand bien même il serait dans un état critique, nous avons le droit de le voir. C'est le cas par exemple d'Imad El Atabi, qui est dans le coma et reçoit la visite quotidienne de son frère.» «Une profonde et incontrôlable hystérie» Le comité semble formel sur ce qu'aurait subi Rabie lors de sa détention et au cours de l'enquête : «Lors du dernier interrogatoire détaillé il y a 10 jours, Rabie ne pouvait pas bouger. Il a fourni des informations choquantes et graves relatives aux sévices qu'il a reçus et des pratiques dégradantes qu'on lui aurait infligé au commissariat d'Al Hoceima et de la part de la Brigade nationale de la police judiciaire», rapplique Abdessadek El Bouchtaoui. «Ces actes ont laissé de graves blessures et ont entaché son bien-être psychologique et moral. Lorsqu'il en parle, il est épris d'une profonde et incontrôlable hystérie.» Les défenseurs se disent même «étonnés du mutisme du parquet général dans cette affaire et des responsables», qui auraient pris connaissance du procès verbal du jeune homme mais n'auraient pas réagi. Dans ce sens, notre interlocuteur rappelle que «le Maroc a ratifié un accord international de lutte contre la torture, qui énonce qu'à la seule écoute d'une rumeur de torture, une enquête doit être ouverte. Or, nous avons son témoignage écrit noir sur blanc dans le PV mais aucune enquête n'a été ouverte». «Le pays suit un chemin dangereux en matière de droits de l'homme et revient de plus en plus, de manière flagrante, à l'époque de l'état policier de Basri et Oufkir», déplore Abdessadek El Bouchtaoui. Et d'ajouter : «Hier, Omar Bouhrate, un autre détenu du Hirak a également été victime de torture, mais plutôt que de lui rendre justice, le parquet général a demandé l'ajout d'un autre motif d'inculpation : fausse déclaration contre la police.» Une partie des défenseurs devait se rendre aujourd'hui sur les lieux accompagnés du président de l'Association médicale des victimes de torture, le Docteur Manouzi. A l'heure actuelle, ils n'ont fait parvenir aucune nouvelle réjouissante à Yabiladi.