Le PJD a réussi à retirer la question des droits de l'homme de la tutelle du ministre de la Justice pour le confier à Mustapha Ramid. Un dossier extrêmement stratégique pour les islamistes de la Lampe, d'autant que le CNDH prévoit de recommander des révisions modernistes sur l'héritage et la défense des libertés des minorités religieuses et sexuelles. La situation des droits de l'homme au Maroc a été examinée hier pour la troisième fois, dans le cadre de l'Examen périodique universel (EPU) du Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Une fois n'est pas coutume, le ministre de la Justice n'a pas fait le déplacement à Genève pour défendre le bilan du royaume, comme ce fut le cas en 2008 et 2012. Cette année, la mission a été confiée à Mustapha Ramid, le ministre d'Etat chargé des droits de l'homme dans le gouvernement El Othmani. Un département capital pour le PJD. Et pour cause, il devrait permettre aux membres de la Lampe de garder un œil sur un dossier sensible, appelé à connaître une évolution dans les prochaines années… qui n'enchante guère les islamistes. Le Conseil national des droits de l'homme (CNDH) a déjà annoncé la couleur avant même la formation du cabinet El Othmani. Mohamed Sebbar, le secrétaire général du CNDH, avait promis début avril de présenter un mémorandum à la présidence du gouvernement sur les mesures à prendre en matière d'héritage et de protection des minorités sexuelles et religieuses. Freiner les recommandations modernistes du CNDH Des engagements qui tranchent complètement avec les positions conservatrices des «frères» de Benkirane et de certaines parties sur ces dossiers, y compris au sein de l'entourage royal. Aussi, en confiant le département des droits de l'homme à Mustapha Ramid, le PJD tentera-t-il de freiner au maximum l'élan des propositions modernistes du CNDH et ses appuis au sommet de l'Etat et dans la société civile. Ainsi, il s'avère que le ministère de Mustapha Ramid est tout sauf un simple accessoire accordé à une personnalité politique pour lui assurer des revenus financiers conséquents, comme ce fut le cas avec Abbas El Fassi (2002-2007), Mohamed El Yazghi (2007-2012) et Mohand Laenser (2009-2012). Avec le PJDiste aux commandes des droits de l'homme dans le cabinet El Othmani, de nouveaux clashs entre la Lampe et le CNDH sont à prévoir. Pour rappel, le secrétariat général de la formation islamiste avait condamné les recommandations du Conseil d'amender le Code de la famille de manière à accorder aux femmes les mêmes droits dans la formation du mariage, dans sa dissolution et dans les relations avec les enfants, ainsi qu'en matière successorale, en conformité avec l'article 19 de la Constitution et l'article 16 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF). Le PJD avait estimé que le CNDH a dépassé ses prérogatives en «empiétant sur un domaine réservé au Commandeur des croyants».