Des chercheurs, enseignants et experts en droit ont souligné mardi à Casablanca la nécessité de revoir certains dispositifs de la Moudawana, arguant que le texte adopté en 2004 fait face un certain nombre de défis et de difficultés qui entravent son application. Des recommandations pour pallier les dysfonctionnements ont été proposées. Compte-rendu. Des chercheurs et universitaires se sont réunis mardi à Casablanca lors d'une rencontre organisée par la Faculté des sciences de l'Université Hassan II de Casablanca. Un rendez-vous sous le signe des «Problèmes juridiques et procédurales du Code de la famille, 13 ans après son entrée en vigueur». Les experts ont été unanimes sur la nécessité de revoir certains dispositif de la Moudawana, arguant que le texte adopté en 2004 fait face un certain nombre de défis et de difficultés qui entravent son application. Lors de la rencontre, Abdellatif Koumat, doyen de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Casablanca, a insisté sur les difficultés et les problèmes qui accompagnent l'application effective du Code de la famille. Il a aussi mis en exergue la nécessité d'étudier ces entraves et de les surveiller afin «d'aller de l'avant dans le cadre d'un grand projet communautaire d'une importance majeure pour le présent et le futur». Pour sa part, Mohamed Ikij, enseignant-chercheur à l'Institut supérieur de la magistrature (ISM), a fait le point sur la nécessité d'amender le Code de la famille. «L'amendement du Code de la famille est devenu aujourd'hui une nécessité, compte tenu de l'apparition de plusieurs phénomènes négatifs et de difficultés dans l'application du code», a-t-il dit, affirmant qu'il y a également un «ralentissement de la mise en application des affaires des tribunaux de la famille». «Ces mises en application n'ont pas dépassé un tiers (de l'ensemble des affaires, ndlr) durant les dernières années, surtout quand il s'agit de pensions ou encore de dépenses du divorce. Il existe aussi des phénomènes de contournement du niveau d'application et, malheureusement, le législateur n'a pas mis en place des mesures répressives pour empêcher ces phénomènes.» Des problématiques dues à «la triade de la religion, des coutumes et des traditions» L'enseignant-chercheur reconnaît ensuite «l'existence d'obstacles objectifs, sociaux et économiques à la bonne application des dispositions légales», avant d'insister sur l'urgence d'adopter une procédure afin d'élaborer une loi complète qui regroupe toutes les différentes mesures en rapport avec le Code de la famille. Et d'appeler aussi à «accélérer la modification de la loi sur le Fonds d'appui à la cohésion sociale». De son côté, Khadija Moufid, présidente du Centre des études sur la famille, a fait le lien entre les problématiques d'application du Code de la famille et «la triade de la religion, des coutumes et des traditions». «Est-ce que nous avons besoin d'une loi civile en conformité avec le système international ou d'une loi pour ceux qui veulent un référentiel religieux ?», s'est-elle interrogée. Elle a aussi estimé que «la réalité sociale montrée par les tribunaux et les juridictions de la famille est l'incarnation de la vision du Marocain du rapport entre la relation sociale et la loi.» Pour sa part, la professeure universitaire Fatima Serhan a choisi d'évoquer les dysfonctionnements en matière de détermination des liens de parenté. «Il y a un pouvoir estimatif très étendu quant à la détermination des liens de parenté, d'où la nécessité d'unifier les procédures juridiques et de contrôler ce pouvoir discrétionnaire afin de mettre fin à l'existence de différents jugements dans des cas similaires», estime-t-elle. Elle n'a pas non plus manqué de pointer du doigt ce qu'elle considère comme «socialement problématique» : «Nous continuons d'entendre qu'il relève du droit de l'époux de devenir polygame. Même certains juges se permettent de le dire», s'indigne-t-elle. Plusieurs amendements pour mettre fin aux dysfonctionnements Sa collègue, Souad Bennour préfère quant à elle aborder les dysfonctionnements sous un autre angle, pointant du doigt les disparités s'agissant de l'âge minimum du mariage en fonction des juges et des régions. «Lorsqu'un père décroche l'autorisation pour marier sa fille, il la marie avec la Fatiha ou même avec le contrat et attend jusqu'à ce qu'elle tombe enceinte avant de faire appel à l'article 16 du Code de la famille pour faire reconnaître le mariage. Cet article est une aberration», estime-t-elle. «La mineure doit apprendre, se scolariser et avoir une chance dans la vie. Cet article qui permet de marier une mineure doit être définitivement banni», conclut-elle. Les chercheurs et experts ayant pris part à la rencontre ont émis pas moins de 12 recommandations par rapport à la Moudawana de 2004. On y retrouve un appel à «une procédure pour toutes les questions de la famille, en tenant compte de la nature des personnes et la situation d'urgence appropriée» et à «une police sociale chargée de la mise en œuvre des dispositifs du Code quant à la partie exécutive». Ils appellent également à l'exonération de la mise en application des affaires des frais et des honoraires judiciaires et à l'amendement du Fonds d'appui à la cohésion sociale, «en étendant l'accès et en augmentant le montant fixé pour chaque enfant. Les participants à cette rencontre suggèrent aussi la révision de l'article 49 du Code de la famille sur les conditions de fructification et de répartition des biens acquis pendant leur mariage, pour le rendre plus spécifique et définir les procédures d'application de la répartition. Figurent parmi les suggestions, l'interdiction du mariage avant 18 ans, l'harmonie entre la Moudawana et les autres textes et la mise en place de peine répressive en cas de détournement dans le cadre de mariage.