Pour les Marocains, le Mexique c'est souvent la Coupe du monde de football de 1986 qui a vu briller une génération de grands noms du Mountakhab, ou bien les fameuses telenovelas qui meublait la journée avant que n'aparaissent les antennes paraboliques. Rares sont les Marocains qui optent pour ce pays d'Amérique latine pour leurs études. Pourtant Soukayna, Hajar et Nour l'ont fait. Immersion. Aller à l'autre bout du monde, s'immerger dans une culture latine et en ressortir transformé à jamais. C'est le pari réussi de ces trois jeunes marocains qui sont partis faire leur échange universitaire au Mexique. Soukayna, Hajar et Nour ont tous les trois opté pour cette destination exotique pour poursuivre leurs études. Les trois font un parcours de master en école de commerce, respectivement : Esc Pau, EM Strasbourg et Kedge Business School (basée à Paris, Marseille et Bordeaux). La première chose sur laquelle les trois compatriotes sont d'accord c'est qu'ils ne regrettent en aucun cas leur choix de destination. «C'est la meilleure chose que j'ai faite de venir ici», raconte Soukayna, installée à Mexico City depuis décembre 2016 pour un échange de six mois. «C'est tellement différent. Je voudrais rester plus longtemps, mais mon parcours est déjà fixé», regrette la jeune femme de 24 ans. Hajar quant à elle est déjà de retour en France après avoir passé 1 an au Mexique de juillet 2015 à juin 2016, dans la quatrième ville du pays : Puebla. «C'est un pays qui m'attirait énormément depuis longtemps. Surtout qu'il n'y a pas beaucoup de Marocains qui y habitent», se remémore-t-elle. «C'était un challenge pour moi d'y aller. Je voulais apprendre l'espagnol tout en m'éloignant du parcours classique du choix de l'Espagne», précise la jeune femme de 22 ans. Nour quant à lui, en master 2 à Kedge Business School a opté pour le Mexique pour «vivre le dépaysement. L'ambiance latine du pays et le climat à l'opposé de celui de Paris ont également été des atouts déterminants», ajoute-t-il. Installé à Mexico City depuis quelques mois, pour «vivre une expérience unique [qu'il] n'aura peut-être pas l'occasion de revivre.» «La vie n'est pas chère, même moins chère qu'au Maroc» L'une des raisons qui peut pousser des étudiants à s'expatrier dans un pays aussi lointain c'est aussi le coût de la vie. Au Mexique, les dépenses quotidiennes sont beaucoup moins chères que dans d'autres pays. Les jeunes étudiants comparent tout avec leur vie en France. «C'est clairement moins cher qu'en France. Ici je loue pour 130 euros toutes charges comprises (1400 dirhams, ndlr)», dit Hajar. Elle habite en colocation avec trois autres personnes dans une grande maison à deux pas de l'université avec un petit jardin et un garage. «La vie n'est pas chère, même moins chère qu'au Maroc», précise la jeune femme. Nour déclare qu' «en moyenne le loyer coûte 250 euros (environ 2700 dirhams, ndlr)», et concernant les dépenses, «un étudiant de manière générale peut très bien vivre avec 700 euros (environ 7500 dirhams, ndlr), sorties comprises», détaille-t-il avant d'ajouter que certains de ses amis s'en sortent très bien avec un budget de 600 euros par mois (environ 6500 dirhams,ndlr). Soukayna aussi paye 250 euros pour son loyer en colocation avec huit personnes de nationalités différentes (Singapour, République Tchèque et Mexique) dans une grande maison à deux pas de l'université. «Tout est portée de bourse, sauf si tu voyages dans des villes comme Cancun qui sont très touristiques et américanisées», indique Hajar. Soukayna est du même avis : «À Cancun, tout était cher, le loyer, la bouffe, le transport», raconte la jeune Fassie. Ph. Soukayna Surprenant quand même que le Maroc ne soit pas connu des Mexicains. «Il y avait des gens qui ne savaient même pas ou était le Maroc», dit en rigolant Hajar. «Je n'ai jamais senti de racisme. Les Mexicains sont très sympathiques. Ils sont curieux de connaître la religion. Ils ne savent pas ce que c'est qu'un musulman, tout ce que ça implique.» «Ça se rapproche niveau culture et civilisation du Maroc. Ils sont beaucoup plus avenants, plus gentils. Ils viennent vers toi, ils ne te laissent pas dans ton coin», raconte la jeune femme. Durant son échange, elle n'a eu l'occasion de rencontrer une Marocaine qu'une seule fois. Nour a fait les mêmes observations lors de son échange, «Jusqu'ici je n'ai rencontré personne, hors de mon campus, d'origine arabe ou de religion musulmane.» «Mon quotidien c'était de découvrir leur culture» Les trois Marocains profitent de leur échange pour s'immerger à 100% dans la culture mexicaine : «Je mange mexicain, je sors dans des endroits typiques du pays et je fréquente beaucoup de Mexicains», indique Soukayna. Hajar quant à elle résume son échange en une phrase : «Mon quotidien c'était de découvrir leur culture», précise-t-elle. L'immersion continue à travers les nombreux voyages que les trois jeunes marocains font durant les week-ends. Accompagnée d'une amie, Hajar a fait beaucoup de villes du pays avec un sac à dos. Soukayna change d'air dès que possible. «Avec 200 euros tu peux voyager toutes charges comprises», indique-t-elle. Nour quant à lui doit jongler avec la spécialisation difficile qu'il a choisi et ses loisirs : «Le Mexique est vraiment un beau pays avec énormément de régions à visiter et j'essaie de faire de petites escapades de trois jours tous les weekends. Mais j'ai également énormément de travail, le tout est de trouver le bon équilibre.» Le Mexique est tristement connu pour son insécurité, pourtant les Marocains sont plutôt positifs concernant leur expérience dans ce pays d'Amérique centrale. Selon les trois témoignages il faut éviter certains endroits connus pour le trafic de drogue. Soukayna avoue sa peur au début mais avec le temps elle s'est rendue compte que les quartiers qu'elle fréquentait étaient sécurisés. Hajar, qui a longtemps voyagé dans le pays explique le fait d'avoir échappé aux agressions : «Plusieurs personnes me disent que c'est parce que je ressemble aux Mexicains». Nour quant à lui relativise. Pour lui, le Mexique n'est certes pas le pays le plus sécurisé au monde mais «les seules histoires dont [il a] entendu parler concernaient des vols survenus dans la rue, soit très tard le soir, soit très tôt le matin, dans des endroits assez déserts», affirme le jeune homme de 24 ans. «Mais il est vrai que l'on entend également parler de quelques fusillades par-ci par-là, surtout dans les quartiers touchés par le commerce de drogue», ajoute-t-il. La solution est d'éviter de sortir seul et de «privilégier le transport en Uber la nuit.» Nour à la vallée de Bravo, à 150 kilomètres de Mexico. / Ph. Nour Nour se sent vraiment à l'aise dans ce pays puisqu'il ne ressent pas la méfiance des Mexicains à son égard : «Physiquement, les Mexicains me prennent pour l'un d'eux», confie-t-il, «du coup c'est un avantage que j'utilise pour mieux me fondre dans la masse, me balader dans les marchés locaux et les endroits populaires sans être pris pour un touriste», ajoute Nour. Le côté marocain aide beaucoup à s'intégrer confie Hajar : «vu qu'on est très habitués à parler aux gens, à négocier». «Ils sentent en toi un truc qui leur ressemble, du coup les relations sont plus fluides et agréables», déclare-t-elle. Cette expérience a été très bénéfique pour les étudiants. Soukayna envisage de postuler pour des franchises françaises implantées au Mexique pour faire son stage de fin d'études, «j'ai pas besoin de parler espagnol, je n'aurai besoin que de l'anglais», précise-t-elle. Nour est dans l'une des universités les plus prestigieuses d'Amérique latine (Tecnologico de Monterrey, ndlr), ce qui lui permet de travailler parallèlement à ses études : «je travaille actuellement avec trois entreprises dans le cadre de missions de conseil en stratégie», avoue-t-il, fier. Le meilleur exemple n'est autre que Hajar qui dès son retour en France a pu décrocher un stage à la Société générale pour son année de césure. «Lors du recrutement, ce qui leur a plu c'est que je sois marocaine, venue étudier en France, que j'ai été assez courageuse pour partir faire un échange au Mexique», relate-t-elle convaincue. «Ils cherchent des profils qui sont différents, qui n'ont pas fait de parcours classique. Ils voient que tu peux faire la différence avec ta double culture. C'est une richesse.» Hajar à la pyramide Teotihuacan au Mexique. /Ph. Hajar