Après un instant de «victoire symbolique» suite à la décision du gouvernement français de décristalliser les pensions des anciens combattants des ex-colonies françaises, les associations dénoncent le «machiavélisme de l'Etat». Avec les procédures mises en place, il y a un risque que très peu d'anciens soldats coloniaux bénéficieront de la décristallisation. De plus, il n'est toujours pas question d'un effet rétroactif, d'une réparation de l'injustice subie depuis des décennies. Entrée en vigueur le 1er janvier dernier, la loi sur l'alignement des pensions des anciens combattants (décristallisation) n'apporte pas une pleine satisfaction aux associations défendant les droits des soldats coloniaux. En effet, l'ATMF, la CATRED et le GISTI relèvent l'insuffisance de la nouvelle disposition ainsi que son caractère «partiel». Elles relèvent une hypocrisie inacceptable de l'Etat français, un véritable «machiavélisme du gouvernement». La critique formulée dans un communiqué disponible sur le l'ATMF : La loi restitue le droit des anciens soldats coloniaux, certes, mais les dispositifs de cette loi limiteront sans doute le nombre de personnes bénéficiant de la décristallisation. Le communiqué a été formulé après que des représentants de l'ATMF aient rencontré le conseiller social du ministère de la Défense le 7 janvier dernier. Suite à cette réunion, l'ATMF, la CATRED et le GISTI mettent surtout en cause les procédures prévues pour que soient révalorisés les pensions. Ancien combattants des ex-colonies, faites une demande de décristallisation ! En effet, au lieu de décider l'augmentation automatique des pensions des anciens soldats coloniaux au niveau de celle de leurs collègues français, il faudra en faire la demande explicite. L'information doit par conséquent être largement diffusée, alors que le budget prévu dans la loi (budget minimum de 80 millions d'euros), ne prévoit aucune communication sur le sujet pour le moment. Selon le communiqué, le gouvernement aurait seulement «concédé de façon très vague qu'un décret fixerait des mesures d'information des bénéficiaires». Résultat : les 30 000 personnes concernées par la loi (10 000 anciens soldats coloniaux et 20 000 conjoints, selon l'ATMF), devront s'informer et faire la démarche par eux-mêmes, et l'ATMF craint qu'un grand nombre n'aura pas accès à cette information. Quant aux délais, les ayants-droit ont trois ans pour faire la demande de revalorisation auprès de l'administration. Tout cela, alors que, comme l'estime le communiqué, «il suffirait tout simplement de décider d'aligner leurs montants [des pensions versées par l'Etat, ndlr] sur celui des pensionnés français». Mais là ne s'arrête pas la critique. La loi ne prévoit pas d'effet rétroactif, c'est à dire qu'il n'y a pas de plan de compensation de prévu «pour la discrimination opérée pendant plus de 50 ans». Une demande qui a pourtant été formulée depuis longtemps par plusieurs associations. Ce n'est pas une première… Il faut dire que des mesures de «décristallisation» figurent déjà dans plusieurs textes de loi. Seulement jusqu'ici, elles avaient été entachées de discrimination, une «cristallisation masquée». D'abord en 1981, puis 2002, la dernière a été introduite en 2007. Mais elles ont été jugées inconstitutionnelles par le Conseil Constitutionnel «au motif qu'elles instituaient une différence de traitement contraire au principe d'égalité, parce qu'assises sur le seul critère de la nationalité». C'est le 28 mai 2010 que le Conseil Constitutionnel décide de mettre fin aux lois de «cristallisation» des pensions des anciens militaires et fonctionnaires originaires de l'ex-empire colonial français. «Ces lois étaient contraires aux libertés et droits constitutionnels», d'après le Conseil. La décristallisation a donc été introduite dans le projet de loi de finance 2011, afin de rétablir l'équité. Nicolas Sarkozy en faisait l'annonce officielle le 13 juillet dernier. Il avait promis alors une «égalité parfaite». Promesse pas encore tenue. L'ATMF (Association des travailleurs maghrébins de France) Le CATRED (Collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l'égalité des droits) Le GISTI (Groupe d'information et de soutien des immigrés)