Le journal espagnol El País, partenaire de WikiLeaks, a publié jeudi 2 décembre une note du consulat américain de Casablanca décrivant certaines pratiques frauduleuses dans l'immobilier au Maroc. Selon cette note, «contrairement à ce que l'on pourrait croire, la corruption dans le secteur de l'immobilier n'a pas diminué, mais elle s'est davantage généralisée pendant le règne du roi Mohamed VI.» Les révélations de Wikileaks concernant les parties de chasse au Maroc n'étaient qu'un prélude anodin à ce que le site a pu récolter comme informations confidentielles des diplomates américains sur le Royaume. Après les Forces Armées Royales, la corruption dans le secteur de l'immobilier entre en ligne de mire. Ainsi, le journal espagnol El País a publié jeudi 2 décembre une note secrète, envoyée en décembre 2009 par le consulat de Casablanca, qui fait état de pratiques frauduleuses au plus haut niveau du royaume. Le conseiller, auteur de la note, se base notamment sur les explications d'un entrepreneur marocain concernant le «fonctionnement» du secteur immobilier au Maroc. El País, disposant manifestement de plus d'informations que ce qui a été mis en ligne, a par ailleurs donné plus de détails sur cette affaire. Le quotidien explique le cas d'un entrepreneur américain qui aurait voulu investir dans un projet immobilier au Maroc pour une valeur de 220 millions de dollars. Bloqué sur un refus de s'associer à une société appartenant à la famille royale, le projet aurait été retardé de trois mois. On aurait ensuite proposé un marché à l'entrepreneur. Faire profiter une délégation marocaine de ses bons contacts dans un Pays du Golfe en échange de l'autorisation d'être «le seul propriétaire». Un marché conclu, selon les informations d'El País. La note du consulat, classée «secrète», mentionne également une entrevue entre un conseiller américain et un entrepreneur marocain, parmi les plus importants au Maroc (vraisemblablement un promoteur immobilier). Il aurait expliqué à son interlocuteur américain que les décisions concernant les investissements majeurs «sont en réalité prises par trois individus». La note cite le président du Parti Authenticité et Modernité (PAM), Fouad El Himma, Mohamed Mounir Al Majidi (chef du secrétariat privé du roi), et le Roi. L'original en anglais : «XXXXXXXXXXXX made clear to his XXXXXXXXXXXX interlocutors that Morocco's major investment decisions were in reality made by three individuals in the Kingdom: Fouad El Himma the former Deputy Minister of Interior who now heads the Party of Authenticity and Modernity, Mohamed Mounir Al Majidi who is the head of the King's private secretariat, and the King himself.» «Avoir des discussions avec quelqu'un d'autre serait une perte de temps», aurait affirmé cette source, dont le nom n'a pas été publié par El País. La corruption gagne-t-elle du terrain ? Sur un plan plus général, l'auteur de la note fait une appréciation globale de la situation dans le secteur immobilier au Maroc. De plus, un ancien ambassadeur américain au Maroc se serait plaint «de ce qu'il appelait l'épouvantable avidité de ceux proches du Roi Mohamed VI». Un phénomène qui porte «sérieusement préjudice à la bonne gouvernance que le gouvernement marocain tente de promouvoir». En résumé, la note consulaire estime que «contrairement à ce que l'on pourrait croire, la corruption dans le secteur de l'immobilier n'a pas diminué, mais elle s'est davantage généralisée pendant le règne du roi Mohamed VI.» Un jugement lourd sur un secteur clé de l'économie marocaine. Révélations à prendre avec les précautions d'usage Si la note du consulat est classée secrête, cela ne veut pas dire que tous les faits et que tous les noms sont vérifiés. Le cable relate pour une grande partie des témoignages individuels qui doivent bien sûr être recoupés. Comme indiqué dans l'article, il y a également une bonne part des commentaires de El Pais qui ne sont pas présents dans la note. Ont-ils été masqués (paragraphe 3) ? Ou bien proviennent-ils d'une autre source non renseignée ? Néanmoins, l'élément principal que recèle cette note, c'est l'inquiétude des diplomates américains sur la bonne gouvernance au Maroc et des difficultés pour un investisseur étranger de s'installer au Royaume sans passer par la case corruption.