Nouveaux rebondissements dans l'affaire du film-documentaire Hercule contre Hermès. Alors qu'il vient d'apprendre que le Tribunal d'Asilah a récemment autorisé le plaignant Patrick Guerrand-Hermès à plaider sans en informer la partie adverse, le réalisateur Mohamed Ulad est visé par une convocation pour comparution au Tribunal de grande instance de Paris. Il risque une mise en examen. Mohamed Ulad est à nouveau sous la pression judiciaire pour son film-documentaire Hercule contre Hermès au Maroc et en France. Le 16 juin prochain à 15 heures il devra répondre d'une convocation pour comparution au cabinet de la vice-présidente chargé de l'instruction au Tribunal de grande instance (TGI) de Paris. Il en a reçu la convocation le 28 mai dernier. Le document – dont Yabiladi détient une copie - cite un ensemble de propos tenus dans le moyen-métrage qualifiés d' «allégations ou imputations de faits portant atteinte à l'honneur ou à la considération de Patrick Guerrand-Hermès». Plaidoirie «illégale» au Maroc ? Pour mémoire, Hercule contre Hermès raconte comment une famille de paysans à Asilah résiste depuis des années contre la vente de leurs terres, face aux présumées «intimidation et pression» de la part de leur riche voisin en la personne de Patrick Guerrand-Hermès, un milliardaire héritier de la célèbre marque de luxe. Selon le TGI de Paris, Mohamed Ulad s'est «rendu complice du délit de diffamation publique envers un particulier» en réalisant et produisant ce documentaire. Parallèlement, l'affaire suit son cours au Maroc. Mais le réalisateur – dans un courrier adressé au président du Tribunal de première instance d'Asilah - dénonce la démarche de ce dernier. En effet, un juge en charge de l'affaire aurait autorisé les avocats de Patrick Guerrand-Hermès à plaider le dossier le 25 mai dernier, alors que «ni moi-même, ni les deux autres accusés : le producteur français du film Hercule contre Hermès, Nicolas Namur et le personnage principal Mrait El Mektiri, ni leurs avocats n'aient été ni convoqués ni par conséquent présents», note M. Ulad dans sa lettre adressée au président du tribunal, demandant des explications. «Cette plaidoirie est totalement illégale», dénonce Mohamed Ulad dans un entretien avec Yabiladi. Des plaintes qui attendent un traitement depuis 4 ans Le réalisateur marocain rappelle qu'au cours de l'une des cinq audiences tenues entre janvier et septembre 2014, le juge leur avait pourtant fait comprendre que l'affaire ne pouvait être plaidée tant que Nicolas Namur n'a pas reçu une convocation. Mohamed Ulad ne comprend pas cette «contradiction», d'autant plus que les avocats de la partie adverse «n'étaient même pas présents» à certaines audiences. Il juge incompréhensible «l'empressement» avec lequel le Tribunal d'Asilah a traité la plainte de Patrick Guerrand-Hermès, alors que les siennes déposées en juillet 2011 contre Olaf Guerrand-Hermès - le fils de Patrick et en octobre 2012 contre deux de ses employés pour agressions lors du tournage n'ont toujours pas été traitées. «Je fais confiance à la justice de mon pays, mais je m'étonne que mes plaintes ne sont toujours pas traitées alors que les plaintes de M. Guerrand sont traitées dans les 15 jours», s'offusque M. Ulad, soulignant qu'il a déjà ainsi subi une «petite dizaine de procès». « A chaque fois qu'il y a un événement ou une actualité autour du film, il m'attaque», explique le réalisateur, cependant perplexe quant à la poursuite initiée à Paris. «Cette fois, il n'y a rien eu de nouveau, je ne comprends donc pas cette démarche. C'est un harcèlement judicaire», dénonce-t-il. «J'ai fait un film honnête» Toutefois, l'homme se réjouit de ce que malgré tout, il arrive à l'emporter sur le milliardaire français. «Cette affaire…. ce n'est pas David contre Goliath. C'est plutôt comme si j'affrontais l'armée américaine avec un couteau. A ce jour j'ai déjà subi une petite dizaine de procès. Cela me prend énormément de temps et d'argent. Or rien qu'en dividendes, les trois familles héritières d'Hermès ont brassé 700 millions d'euros en 2014. Ils ont donc les moyens de me briser les reins», argue M. Ulad. Mais «malgré son bras long, ses milliards et son réseau, j'ai gagné tous mes procès à Casablanca et Asilah», ajoute-t-il. Pour rappel, Patrick Guerrand-Hermès avait porté plainte à Casablanca en novembre 2013 contre Mohamed Ulad et 2M après la diffusion du documentaire. En première instance les deux accusés ont été condamnés, mais en février 2015 la Cour d'appel a relaxé le réalisateur et la chaine publique. Aujourd'hui, l'ouverture du dossier au Tribunal de grande instance de Paris lui est «incompréhensible». Dans sa note, la juge d'instruction lui a clairement fait comprendre qu'elle «envisage [sa] mise en examen». Pour plaider sa cause, Mohamed Ulad a récemment écrit au gouvernement, aux autorités du cinéma marocain, ainsi qu'aux ONG nationales et internationales des droits de l'Homme. Mais il n'a pas encore eu de retour. «J'ai fait un film honnête. Ma seule préoccupation a été de retransmettre la bataille acharnée et persévérante de cette famille paysanne. Je ne m'attaque pas personnellement à Monsieur Patrick Guerrand», insiste le réalisateur.