Si s'opposer à la censure du film était une réaction saine en début de semaine - surtout au vu de la maladresse manifeste du ministre de la Communication - que dire après le visionnage de 3h20 des rushs du film ? Ces mêmes rushs dont le réalisateur et les producteurs du film semblent se désolidariser en menaçant dans un communiqué laconique de poursuites pénales ceux qui "nuiraient à leur film" en les faisant circuler. Dans ce communiqué la menace des producteurs atteint un paroxysme de mauvaise foi et de manipulation. Ces scènes - présentes ou non - dans la version finale du film ont bien été tournées et de nombreuses séquences de pornographie manifeste semblent être en violation flagrantes des dispositions du code de la presse et du code pénal. Vous relèverez que loin d'infirmer l'appartenance ou non de la séquence aux rushs du film, Nabil Ayouch et ses producteurs se contentent de marteler que la scène n'est pas dans le film (comprenez la version finale) mais en créant quand même une certaine confusion à l'heure où de nombreux internautes n'avaient pas encore vu les autres séquences. Quand le dealer menace ses clients Comme des milliers de Marocaines et Marocains, j'ai vu les 3 heures 20 de rushs du film Much Loved, et la séquence de la fellation (clôturée par un anulingus non équivoque) qui avait filtré avant les autres y figure bien achevant d'ôter tout doute aux derniers réfractaires manipulés par le communiqué de la production pensant à un faux. Nabil Ayouch, en menaçant les internautes avec le même ton péremptoire qu'un Bachar el-Assad voulant couper l'internet, semble oublier que cette scène obscène fait de lui, ses acteurs et son équipe des personnes passibles de peines d'emprisonnement. On peut en outre facilement imaginer les conséquences désastreuses sur la "liberté de création artistique". De l'égoïsme, de la provocation, de l'inconscience, de l'irresponsabilité ? Beaucoup de questions demeurent en suspens et malgré ma volonté de démêler le vrai du faux, Nabil Ayouch n'a pas cru devoir donner suite à mes nombreux appels téléphoniques, ayant été au préalable informé de la teneur de mes questions. Néron brûle Rome Que ce soit sur le fondement des articles 59 et suivant du code de la presse qui réprimandent la pornographie ou 483 et 490 sur les atteintes aux bonnes moeurs et l'outrage à la pudeur du code pénal, les bases légales ne manquent pas à un procureur pour poursuivre Nabil et son équipe. D'ailleurs, je ne serais pas étonné qu'à l'heure où j'écris ces mots des sécuritaires à Marrakech se demandent comment ils n'ont pas été informés d'un tournage de ce type. On comprend donc mieux la fébrilité du réalisateur ou la décision d'un Mustapha El Khalfi ayant motivé sa décision d'arguments flous. Comment les services du ministère de l'Intérieur, si prompt à intervenir en plein tournage d'une émission de débat, ont-ils pu laisser se dérouler des semaines de tournage d'un film grand public mais dont certaines scènes sont pornographiques ? Nabil Ayouch n'assume pas son erreur, et est responsable des fuites puisqu'il a fait montre d'un manque de diligence manifeste à protéger les rushs dangereux de son film. Grisé par l'invitation à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, il n'a probablement pas réalisé que dans sa prise de risques inconsidérée, inutile et dangereuse, il provoque avec lui la cristallisation de la haine à l'encontre de ses acteurs et probablement l'augmentation des contrôles des futurs tournages. Surtout, il a trahi le camp dont il a voulu se faire le héraut, donnant du grain à moudre aux discours les plus radicaux. #VisitMarrakech Le noble plaidoyer de départ, répété comme un leitmotiv, faisant de son film une fresque sociale à l'intérêt public salutaire semble être désormais définitivement balayé. En réalité tous ceux qui visionneront ces séquences y verront un enchaînement de clichés et de préjugés mis en scène sans aucun sens esthétique (vulgarité, sorcellerie, vols, etc). La ville de Marrakech, dont la réputation de destination sexuelle est difficile à enlever malgré les efforts, va encore pâtir des effets néfastes de ces fuites ou de ce film. Mustapha El Khalfi qui a assumé l'interdiction, même si elle devait finalement avoir un sacré fondement sécuritaire, doit boire du petit lait. Autre grand bénéficiaire de ce dérapage cinématographique, Mustapha Ramid. Son projet contesté de réforme du code pénal visant à le rendre encore plus liberticide, vient d'obtenir un sacré coup de pouce. Au sein du PJD, Nabil Ayouch doit être "much loved" !