Hier matin, au lendemain du bilan officiel de l'opération exceptionnelle de régularisation, les autorités marocaines ont rasé les campements de migrants dans la forêt de Gourougou. Près de 1 200 personnes ont été arrêtées pour être expulsées par avion, selon le Gadem. «Hier matin, [mardi 10 février] plusieurs centaines de membres des forces auxiliaires ont rasé les campements des migrants installés dans la forêt de Gourougou. Environ 1 200 personnes ont été arrêtées», révèle, ce matin Stéphane Julinet, responsable du plaidoyer au Gadem. Le bilan officiel de l'opération exceptionnelle de régularisation rendu public par les ministres délégués à l'Intérieur, à la Coopération et le ministre des MRE et des Affaires de la migration, lundi soir, a signé, le lancement d'une opération exceptionnelle d'expulsion de migrants subsahariens irréguliers. «Toutes les personnes arrêtées ont été contraintes de monter à bord du bus. 24 au total, environ. Elles ont toutes été amenées dans le centre de vacances d'un village à proximité, rapporte Stéphane Julinet, ils y sont restés le temps de leur identification – photo, empreintes, état civil et nationalité. Ensuite, les autorités leur ont donné une paire de baskets neuves – ce qu'elles font avant chaque expulsion, habituellement -. Ceux qui ont été identifiés sont remontés dans des bus. Nous sommes parvenus à suivre certains d'entre eux. 2 convois sont parvenus jusqu'à Errachidia, un convoi à Youssoufia. Nous ne savons rien des autres.» Exceptionnelle par son ampleur «Apparemment, il ne s'agit pas de camps militaires, mais de bâtiments publics qui ont été réquisitionnés pour cela», précise Héléna Maleno, membre du collectif Caminando Fronteras. Les ambassades des migrants concernés sont impliquées. «Nous sommes toujours contactés par les autorités marocaines quand il y a des opérations de sécurisation qui concernent des Sénégalais, pour l'instant ça n'a pas été le cas», affirme le consul général du Sénégal à Casablanca. Cette opération est exceptionnelle par son ampleur. «Les rafles, les arrestations, les destructions de campements dans la forêt de Gourougou n'ont jamais cessé, l'éloignement des migrants vers le centre du pays non plus, cette année, mais c'est la première fois que la totalité des campements est détruite, la première fois qu'autant de personnes sont arrêtées en même temps», insiste Stéphane Julinet. Identifications Elle est aussi originale dans la mesure où les autorités marocaines ont pris le soin d'identifier ceux qu'elles expulsaient. Pour autant «des mineurs sont montés dans les bus, alors que la loi marocaine elle-même les protège», rappelle Stéphane Julinet. De plus, aucune violence n'a été rapportée par les migrants à qui le Gadem a pu parler. «Au moment de l'intervention sur Gourougou, près de 300 personnes tentaient de passer la barrière espagnole. Une trentaine a réussi à passer. Les autres ont été récupérées. 11 environs sont gravement blessées. Elles ont été soignées sommairement avant de monter dans les bus à leur tour», détaille le militant. L'ampleur de l'opération et la direction prise par les convois de bus rappellent les expulsions qui avaient suivies les évènements de Sebta et Mélilia, en 2005, où …. «A l'époque, les migrants avaient été emmenés en bus très au sud du pays, dans des villes qui disposent d'aéroport militaire, pour préparer leur expulsion vers leurs pays d'origine», explique Stéphane Julinet. Il ne s'agirait plus, comme au cours de l'année 2014, d'éloigner simplement les migrants des frontières de l'Europe, mais bien de les expulser. «Nous ne tolèreront plus les campements» «Nous ne tolèreront plus les campements à proximité des frontières», avait indiqué, lundi soir, publiquement le ministre délégué à l'Intérieur, Charki Draiss, en montrant des images de camps rasés. La vidéo montrait également les migrants accueillis et nourris par le Croissant rouge. «On a dit qu'on réservait un traitement inhumain à ces gens-là. La preuve que c'est faux est devant vos yeux. Nous faisons notre possible pour leur assurer un traitement digne», avait-il ajouté. Si aucune violence n'a encore été rapportée, du moins le droit national et international auquel a souscrit le Maroc en signant plusieurs conventions n'est pas respecté. «Aucune notification de la décision d'expulsion n'a été faite aux personnes arrêtées ; leurs cas n'a pas été observé individuellement ; aucun possibilité ne leur a été laissée pour faire appel de la décision …», énumère le militant. «C'est une véritable tragédie migratoire qui se déroule en ce moment au Nord et dans l'Est du Royaume. […] Pourtant, toutes les conditions étaient en place pour permettre au Maroc de concrétiser un travail exemplaire et exceptionnel entamé en 2013 suite à la validation par le chef de l'Etat du rapport du CNDH relatif à la politique migratoire nouvelle», se désole Hicham Rachidi, président du Gadem, dans un communiqué, ce matin. D'autres opérations similaires vont suivre Le ministère de l'Intérieur, a indiqué dans un communiqué parvenu à la rédaction, que l'opération s'est déroulée dans de bonnes conditions avec le concours des autorités administratives locales et des différents corps de sécurité, sous la supervision du Parquet compétent. Il a expliqué qu'elle a permis la libération de plusieurs migrants, notamment des femmes et enfants, qui étaient contraints de vivre au sein de cette forêt par les réseaux de passeurs et de traite des êtres humains. Des opérations similaires seront systématiquement conduites pour évacuer tous les endroits squattés par les migrants qui planifient d'organiser des tentatives d'émigration irrégulière, ajoute le ministère.