Encore un dommage collatéral des attentats de Paris. Le lycée musulman Averroès est actuellement au cœur d'une vive polémique. Un professeur de philosophie a démissionné la semaine dernière accusant l'établissement de véhiculer des idées islamistes. Le lycée de son côté dément formellement et prévoit de porter plainte. Détails. Atmosphère tendue au lycée Averroès de Lille. Le professeur de philosophie Soufiane Zitouni a démissionné la semaine dernière accusant l'établissement de véhiculer des idées islamistes. Une tribune pro-Charlie Hebdo à la base des tensions? Dans une tribune publiée sur Libération, il s'explique : «les responsables du lycée jouent un double jeu avec notre République laïque : d'un côté montrer patte blanche dans les médias pour bénéficier d'une bonne image dans l'opinion publique et ainsi continuer à profiter des gros avantages de son contrat avec l'Etat, et d'un autre côté, diffuser de manière sournoise et pernicieuse une conception de l'islam qui n'est autre que l'islamisme, c'est-à-dire, un mélange malsain et dangereux de religion et de politique». Alors qu'il travaille dans ce lycée depuis seulement septembre 2014, Soufiane Zitouni dit avoir vécu ses pires moments dans l'établissement depuis la publication sur Libération d'une précédente tribune une semaine après l'attaque contre Charlie Hebdo et l'Hyper casher intitulée : «Aujourd'hui, le Prophète est aussi Charlie !». Le même jour, un collègue l'a pris en aparté pour lui faire des remarques. Appréciant son éditorial, il l'a tout de même mis en garde. «[…] Tu dois savoir que tu vas te faire beaucoup d'ennemis ici, et je te conseille de regarder derrière toi quand tu marcheras dans la rue…», lui aurait-il dit. Un autre enseignant réplique Cette tribune sera mise sur le tableau d'affichage en salle des professeurs, mais retirée à plusieurs reprises par d'autres enseignants mécontents, jusqu'à ce qu'un collègue publie le 20 janvier sur L'Obs Le Plus, ce que Soufiane Zitouni appelle une «réplique», remettant totalement en cause les déclarations de ce dernier et regrettant qu'il considèrent la «majorité des musulmans» comme manquant d'humour parce qu'ils s'opposent à la caricature du prophète. Certains de ses élèves, aussi, lui ont ouvertement reproché cette publication. Selon le professeur de philosophie, ces réactions à sa tribune faisant suite aux attentats ont été la goutte d'eau qui a fait débordé le vase Il décrit ses cinq mois passé au lycée Averroès comme pleins de «mauvaise[s] surprise[s]». Il décrit notamment l'antisémitisme marqué des élèves ou comment ces derniers ne lui trouvait «aucune légitimité» à parler d'islam en raison de sa «non-orthodoxie islamique». «En réalité, le lycée Averroès est un territoire «musulman» sous contrat avec L'Etat… Je ne pouvais donc plus cautionner ce qui se passe réellement dans les murs de ce lycée, hors caméras des médias et derrière la vitrine officielle», écrit l'enseignant, reconnaissant tout de même que les employés et élèves - de ce lycée qui était le 1er de France en 2013 - «ne sont pas tous antisémites et sectaires». Selon le lycée, le prof' voulait «endoctriner» les élèves Cette sortie médiatique a été très mal prise par les dirigeants du lycée musulman de Lille. En conférence de presse vendredi dernier, le directeur de l'établissement, El Hassane Oufker, a rejeté en bloc les propos du professeur qu'il a qualifiés d'«allégations mensongères et calomnieuses », rapporte France 3. «Je pense que M. Zitouni a ouvert des parenthèses entre la philosophie et l'islam. Mes élèves disent qu'il a plus parlé de l'islam que de la philosophie et, à la fin, il n'a plus réussi à fermer cette parenthèse et il a cherché à endoctriner mes élèves à travers sa vision de l'islam», a-t-il déclaré, soulignant qu'il recrute les enseignants «non pas selon leur vision, mais selon leurs compétences». D'après lui, l'école défend des «principes d'ouverture et de tolérance, […] en parfaite symbiose avec les valeurs de la République». Le lycée a l'intention de porter plainte pour diffamation. Le rectorat local va enquêter Pour l'instant, aucune information ne filtre quant à l'évolution de l'affaire ces deux derniers jours. Mais une chose est certaine, l'après attentats de Paris n'est pas très paisible pour les musulmans de France régulièrement confrontés à des remises en cause, et ce, au sein même de la communauté. Après avoir pris connaissance des raisons de la démission de Soufiane Zitouni, le rectorat de Lille a – de son côté – annoncé une mission imminente d'inspection au sein du lycée Averroès, histoire – certainement - de vérifier la compatibilité de ses principes avec ceux de la république.