Deux informations parues côté européen laissent penser que le Maroc profite généreusement des accords de libre échange avec l'UE et prend en parallèle des mesures protectionnistes. Yabiladi change de point de vue et corrige les faits. Les producteurs marocains déverseraient sur la France leurs tomates, à en croire la presse espagnole, étouffant la concurrence ibérique, tandis que son gouvernement établirait des mesures protégeant son propre marché de la concurrence, selon un rapport de la Commission européenne. La situation se révèle bien différente lorsque l'on change de point de vue. Non, le Maroc ne trust pas le marché français de la tomate. «Nous avons effectivement eu vent de cette rumeur qui ne respecte pas la réalité des chiffres », indique Anne Florin, chargée de la communication et des relations extérieures pour Saint Charles International, la plateforme multimodale de transport située à Perpignan qui voit passé une bonne partie de l'import-export européen de fruits et légumes. La part des tomates marocaines dans la consommation totale de tomates (en produits frais) en France est de 36% et elles représentent 57% des importations françaises de tomates, contre 25% pour les tomates espagnoles. Saint Charles International est «la principale porte d'entrée de la tomate marocaine en France avec environ 70% du volume tomate exporté par le Maroc. Le premier partenaire de la plateforme reste cependant l'Espagne si l'on raisonne sur la famille des fruits et légumes globalement», tempère Anne Florin. 3 mesures anti-dumping en un an Enfin, la Commission européenne classe le Maroc parmi les pays les plus protectionnistes du monde, dans son 11e rapport sur les Mesures susceptibles de réduire le commerce. «Les pays les plus actifs dans la mise en place de ces mesures anti-dumping sont l'Inde, suivies par la Chine, le Maroc et l'Indonésie», souligne le rapport. «Ce que je vois dans ce rapport, bien au contraire, c'est trois mesures, seulement dirai-je, dont 2 étaient temporaires», souligne Yasser Y. Tamsamani, professeur-assistant en économie à l'EGE Rabat et chercheur affilié à l'Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE). En cause, trois produits : les tôles d'aciers laminées à chaud, le papier A4 et les barres et tiges. Quand le Maroc décide, en début d'année dernière, de mettre en place des mesures anti-dumping pour les tôles d'aciers laminées à chaud, à la demande de l'industriel marocain Maghreb Steel en grande difficultés financières, l'Union européenne réagit rapidement. «Nous avons des doutes sur l'application de certaines mesures de défense commerciale. Si elles sont mal introduites, ces mesures peuvent avoir un impact important sur nos échanges commerciaux», déclarait ainsi Rupert Joy, l'ambassadeur de l'Union européenne au Maroc en février 2014. "L'élève le plus assidu a les plus mauvaises notes" «Depuis 2008, tous les pays du monde ont eu tendance à se tourner vers des mesures protectionnistes pour tourner la demande interne vers la production nationale. Le Maroc ne s'est pas placée dans cette dynamique et suit à la lettre les recommandations des instances internationales», estime, au contraire Yasser Y. Tamsamani. «C'est le bon élève, il suit avec assiduité les recommandations des instances internationales qui depuis des années l'enjoignent de s'ouvrir au libre-échange international. J'ai plutôt l'impression que l'élève le plus assidu est celui qui a les plus mauvaises notes», ironise-t-il. «Les droits de douanes sont nuls pour les produits industriels importés de l'UE vers le Maroc, mais pour les produits pour lesquels le Maroc dispose d'un avantage comparatif, soit quelques produits agricoles, l'Union européenne oppose des barrières non tarifaires : des quotas, contingents, prix d'entrée, calendriers», rappelle Najib Akesbi, économiste et enseignant à l'Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II. Barrières auxquelles s'est ajoutée la réforme de la Valeur forfaitaire d'importations (VFI) à laquelle est désormais assujettie le Maroc. Elle interdit aux producteurs marocains de vendre leurs tomates en dessous d'un certain prix déterminé quotidiennement. « Le Maroc est un piètre joueur en matière de barrières non-tarifaires. Nous n'utilisons jamais les barrières non-tarifaires au contraire de bien des pays, regrettait ainsi le nouveau ministre marocain de l'Industrie Moulay Hafid Elalamy à Usine Nouvelle, le 5 décembre 2013. Les opérateurs économiques marocains veulent l'ALECA «En 12 ans, le Maroc a multiplié les accords de libre-échange. Celui qui associe le Maroc et l'UE a montré ses limites. Le déficit commercial du Maroc face à l'UE est devenu structurel et le taux de couverture des importations par les exportations a même tendance à baisser», insiste Yasser Y. Tamsamani. Des données que les négociateurs marocains de l'Accord de libre-échange approfondi avec l'UE (ALECA) ont peut être pris en considération. Le Maroc a ainsi repoussé la 5e session de négociation de l'ALECA pour réaliser sa propre étude d'impact. Si le Maroc devait ne jamais conclure l'ALECA, il irait cependant à l'encontre de l'avis général des opérateurs économiques marocains dans leur ensemble. D'après un sondage réalisé récemment par le Centre marocain de la conjoncture 76,7% des opérateurs soutiennent la poursuite de la politique d'ouverture dans le cadre de l'Accord d'association Maroc-UE et son approfondissement. De fait, si le libre commerce a pénalisé les équilibres généraux de l'Etat et renforcé sa dépendance vis-à-vis de l'UE, il a cependant assuré une inflation réduite qui a bénéficié tant aux ménages qu'aux entreprises marocaines.