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Nabil Bouhajra : Itinéraire d'un MRE, de Moulay Idriss à Hollywood
Publié dans Yabiladi le 30 - 06 - 2010

Nabil Bouhajra, Franco-marocain âgé de 32 ans, est producteur cinéma à Paris. Il est né à Moulay Idriss Zerhoun (Meknès) et il a quitté le Maroc à l'âge de 10 mois avec «comme bagage» son «empreinte» et sa «fierté d'être marocain», dit-il.
- Yabiladi : Parlez nous de votre histoire, de vos parcours.
- Nabil Bouhajara : Je suis originaire de Lorraine, et plus précisément des Vosges où j'ai grandi. Mes parents nous ont donné, à mes 2 frères et moi, une éducation basée sur les valeurs marocaines, de l'Islam car ils avaient compris que pour mieux gérer son avenir, il était essentiel de préserver ses racines. C'est pourquoi je suis parfaitement bilingue, Darija et Français. Ce dernier nous le parlions qu'à l'école ou à l'extérieur, à la maison c'était la Darija. Pour nous le Maroc, c'était notre récompense de fin d'année. Si on ne passait pas en classe supérieure, nos parents nous menaçaient avec «pas de Maroc cet été». Cela a réellement contribué à ma personnalité. Venir tous les ans depuis 1979 au Maroc, garder des liens forts avec la famille, les amis, le pays d'origine. Cela nous a aussi motivé dans notre parcours scolaire et professionnel, de rendre fier notre famille et de pouvoir, un jour, transmettre ce savoir que nous avons acquis dans un pays plein d'avenir. Ensuite, mes études m'ont mené à Nancy pour y poursuivre un DUT en Information et Communication, puis une licence. De là, j'ai tenté l'aventure parisienne. Ce qui m'a vraiment fait progresser, c'est lorsque j'ai intégré M6 en stage, en 2003.-
- Comment avez-vous intégré M6 ?
- J'ai travaillé 6 ans, de janvier 2003 à mars 2009 au sein de la branche Cinéma et Distribution de films du groupe M6, SND Groupe M6. J'y suis entré en tant que stagiaire pour valider mon diplôme de fin d'année (Bac + 5 en Management et Stratégie d'entreprise). J'ai découvert un monde totalement nouveau, et passionnant. Je ne dirais pas que j'étais cinéphile ni que j'ai toujours rêvé d'être dans ce milieu. Pour moi, le cinéma était un monde à part. Peut-être car je suis issu d'un milieu modeste et que je n'allais au cinéma qu'avec l'école pour voir des films de 3 heures sur la Révolution française ou sur Napoléon.
Je suis entré chez M6 par le plus grand des hasards. J'étais au bon moment au bon endroit. Etudiant à Nancy en 2001, j'ai rencontré Mathieu Bardel, à l'époque responsable de programmation et promotion des films chez SND Groupe M6, lors d'une de ses tournées promo avec une équipe de film qu'il était venu présenter à Nancy. Nous avions passé une bonne soirée. Nous nous sommes revus en décembre 2002, par hasard, lors d'une avant-première à Paris. On s'est tout de suite reconnu. On s'est revu pour déjeuner lorsque je sortais d'un entretien de stage pas loin de son bureau. Il cherchait un stagiaire, et moi un stage. J'ai passé l'entretien le jour même avec Olivier Chenard, directeur de la programmation et j'ai commencé le 7 janvier 2003. J'ai donc évolué dans une société de distribution de films qui naissait. J'étais en charge de la programmation et de la promotion des films. Cela passait par toutes les étapes, de l'acquisition des films, de la stratégie marketing, mise en place dans les salles, négociations avec les réseaux de salles, la promotion avec l'organisation de tournées promotionnelles avec les acteurs, réalisateurs, producteurs...
C'était vraiment passionnant de passer d'un film à l'autre. Les jours ne se ressemblaient pas car nous avions une ligne éditoriale variée et large. Du film d'action américain, au film français pointu. J'ai eu surtout la chance d'avoir une équipe dirigeante exceptionnelle, Thierry Desmichelle, PDG actuel de SND et M6 interactions, Mathieu Bardel, actuel directeur de programmation SND, qui m'a fait confiance et toujours encouragé. A mon âge, travailler avec des artistes tels que Leonardo Di Caprio, Martin Scorcese, Daniel Day Lewis, Pierce Brosnan, George Clooney ou encore Uma Thurman, faire 6 festivals de Cannes accrédité en tant que professionnel, ... c'était passionnant. Je pense que si on m'a fait autant confiance, c'est que je n'avais pas le syndrome du fan. Pour moi, c'étaient des personnes qui travaillaient avec moi, pour un but commun, la réussite du film.
- Tutoyer l'univers des stars, c'est quelque peu le rêve de millions de jeunes et de moins jeunes. C'était un rêve pour vous aussi ?
- Tutoyer le monde des stars n'a jamais été un rêve ou une raison pour moi de faire ce métier. Car en plus de ma personnalité et de mon éducation, je considère un homme pour ce qu'il est, et non pas en fonction du box office ou de ses ventes d'albums ou du nombre de couvertures de magazines people. Il est vrai que j'ai eu beaucoup plus d'affinités avec les acteurs américains, plus au courant du métier que l'on faisait. Ils savaient que la distribution, chez eux le «Studio», était très puissant et que leur carrière pouvait dépendre d'une bonne ou mauvaise gestion d'un film. Ils étaient très investis dans la promo de leur film. Il y a les autres, qui, je leur rappelais souvent, ne s'imaginent pas la chance qu'ils ont de faire ce métier et qui sont déconnectés du monde réel. Je leur rappelais souvent que ce que nous faisions était une chance, et qu'il fallait profiter de la vie. Nous n'étions pas dans une usine de textile travaillant de nuit pour le SMIC, ou sur des chantiers toute la journée par - 10° degré. C'est juste une question de personnalité, il y a de tout, comme dans tous les autres métiers. Ensuite, il y a toujours l'envers du décor, qui est inhérent à chaque domaine d'activité. Moi, j'ai des principes. Je ne fume pas, je n'ai jamais bu d'alcool ni touché à d'autres substances.
- Et au rayon des anecdotes ?
- Des anecdotes, j'en ai des tonnes (lol). Quelques films sur lesquelles j'ai bossé: Gangs of New York, Lord of War, Iron Man, l'Incroyable Hulk, L'ennemi Intime, Twilight, Je l'aimais, Gomez & Tavarez, People Jet Set 2, Mr & Mrs Smith, Matador, Michael Clayton, PS I love you, Nos Jours heureux, Predictions, Harvey Milk, Underworld, Vaillant, La cité interdite, Shall we dance, Ghost Rider, Nine...
- A quand un transfert d'expertise au Maroc ?
- J'envisage une ou plusieurs aventures cinématographiques au Maroc. Il est nécessaire que des personnes, qui ont appris à faire des choses, viennent les partager ici. Tous les ingrédients sont là! Une superbe lumière, des paysages incroyables et très divers, des personnes motivées. Je pense que les autorités aussi facilitent énormément la création artistique. Je suis en ce moment en train de produire avec mon associé Sébastien Rossi, une comédie américaine «SWAPPED» dans la veine de «Very Bad Trip», qui doit se dérouler entre Los Angeles, New York et le Mexique. Mais j'aimerais remplacer le Mexique par le Maroc. Nous sommes en train de chercher des fonds pour boucler le budget, qui est de 7 millions de dollars. La Jordanie nous avait abordé lors de l'American Film Market à Los Angeles pour que nous allions tourner chez eux, avec subventions et investisseurs privés à la clé. Mais je préfère pour le moment favoriser mon pays d'origine. C'est un ticket d'entrée à Hollywood car notre film est un film «Union», c'est à dire que notre scénariste est membre de la WGA (Writters Guild of America) et que nos acteurs pressentis sont des stars de Hollywood.
En outre, en avril dernier, j'ai aussi tourné un pilote pour une série que nous allons produire avec une société de production marocaine avec qui nous avons pris énormément de plaisir à travailler. L'idée est de faire une série avec notre savoir faire avec une image «à l'américaine». Nous voulions aussi montrer un Maroc moderne, beau, et qui bouge.


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