Sous toutes les latitudes, l'appellation de «Bollywood» (contraction de Bombay et de Hollywood), qui serait apparue il y a une quinzaine d'années sous la plume d'un journaliste de la capitale indienne, a fait son chemin. Elle décrit une industrie qui produit, bon an mal an, près de 900 longs métrages, distribués dans quelque 12 000 cinémas et 60 000 vidéoclubs. Le cinéma de Bollywood est-il sur le point de conquérir le monde ? Bollywood, quèsaco ? Inventé dans les années 1980 pour stigmatiser la rivalité entre le cinéma de Bombay et celui d'Hollywood, le terme « Bollywood » qualifie les films populaires tournés en hindi et produits à Bombay qui associent comédie, chants et danses. Les films réalisés à Bollywood mettent traditionnellement en scène des amours contrariés, des déchirements familiaux, des fresques historiques ou des épopées mythologiques. Pour séduire de nouveaux publics, les scénaristes n'hésitent pas à s'intéresser à l'émigration indienne ou aux sujets de société. Mais si les films de Bollywood sont les plus célèbres à l'étranger, ils ne forment qu'une petite partie de l'extraordinaire richesse du cinéma indien (moins de 30% de la production indienne est réalisée chaque année dans les studios de Bombay). La production cinématographique y a commencé en 1912, soit quelques années seulement après la création des grands studios européens et américains. Relayant les conteurs qui animaient les soirées des villages indiens jusqu'au début du XXe siècle, le cinéma a répondu été adopté et plébiscité à travers tout le pays. A qui l'oscar du plus grand nombre de films produits ? Le combat n'est pas équitable. Le cinéma indien produit en moyenne 900 films par an (Plus de 1000 en 2003), contre 500 aux Etats-Unis et moins de 200 en France, le Maroc se classe très loin derrière avec une trentaine de production par an. Depuis le début du XXe siècle, les cinéastes indiens ont tourné plus de 67 000 films, soit le quart de la production mondiale. Les spectateurs suivent ce cycle effréné. Environ 8 millions de billets sont vendus chaque jour en Inde dans les salles de cinéma classiques ou …itinérantes. En effet, pour le plus grand plaisir des cinéphiles indiens, de véritables salles en plein air se montent en quelques minutes dans les plus petits villages. Le cinéma indien est-il exportable ? Oui. Les films indiens ont commencé leur invasion des marchés européen, américain et surtout marocain, il y'a deçà une vingtaine d'années : les cinéphiles se montrent curieux d'autres univers cinématographiques tandis que les communautés indiennes à l'étranger ne cessent de se développer. Parallèlement, de nombreux tournages se déroulent à Marrakech, en Californie, à Londres ou dans les Alpes, lieux très prisés par les équipes indiennes pour remplacer les montagnes de Cachemire, plongées dans la guerre. La Suisse est également appréciée pour ses paysages romantiques et ses champs verdoyants et fleuris, adaptés aux scénarios boolywoodiens. Au Maroc, il fut un temps où les Marocains, toutes catégories sociales confondues, guettaient impatiemment la programmation, dans leur salle favorite, d'un film indien. Ils en avaient pour leur argent : trois à quatre heures d'un spectacle où, sur fond de danses et de chansons, se succédaient invariablement combats, romance, comédie et action. On y avait, à moindre frais, son content d'exotisme, de larmes et d'airs obsessionnels. Mais la commercialisation des films indiens en Europe souffre de leur longueur. En effet, un film de Bollywood traditionnel dure en moyenne trois heures en raison du nombre de chansons (six environs par long-métrage). Des chansons qui rapportent Les chansons sont très importantes dans le scénario des films de Bollywood, mais aussi pour leur financement. Mises en vente avant la sortie du long-métrage, elles permettent de le rentabiliser avant sa sortie, ou en cas d'échec, dissuadent le producteur de le présenter au public. Certains acteurs font des tournées dans tout le pays uniquement pour interpréter les chansons d'un film. D'autres sont dans l'impossibilité de le faire parce qu'ils sont doublés pour les parties chantées ! La plus célèbres de ces doublures, la chanteuse Lala Mangeshkar, a participé aux plus grands films hindis et a interprété selon le livre Guinness des records…plus de 50 000 chansons ! Des comédiens adulés Le peuple indien vénère ses stars cinématographiques. La simple présence d'acteurs comme Amitabh Bachchan, Shah Rukh Khan ou Aishwarya Rai entraîne des mouvements de foule considérables. onscientes de leur valeur commerciale, ces immenses stars exigent des cachets de plus en plus élevés et n'hésitent pas à accepter trois à quatre tournages par jour, en se déplaçant d'un studio à l'autre. Focus Quelques clés pour comprendre les films indiens Quand un acteur ou une actrice : Touche les pieds de quelqu'un : il (elle) lui manifeste du respect ; Se touche les oreilles : il (elle) s'excuse ou reconnait une erreur. Porte de la poudre rouge dans les cheveux : elle est mariée. Coup de foudre pour Bollywood à Casablanca Saviez-vous que l'Inde se trouve à Hay Mabrouka ? Bien sûr, ce n'est pas à la carte géographique que l'on s'est référé, mais plutôt à un certain Ahmed Rikaoui. Dans ce quartier casablancais de l'arrondissement Sidi Othman, tout le monde le connaît et sait qu'il est un «drôle d'oiseau». «Ah ! Vous cherchez l'hindi (l'Indien) ?» Ahmed porte le surnom de l'hindi, parce que c'est un grand passionné de la musique, des chants et du cinéma indiens. Avec sa taille moyenne, son teint mat, son sourire charmeur et son aspect vestimentaire, on le prendrait facilement pour un «hindi». Et ce n'est pas seulement une question de «coup de tête», car Ahmed Rikaoui, qui est photographe, «chante indien comme personne». En tout cas au Maroc. Il imite une des grandes stars de l'Inde : Kishore Kumar. «Je chante comme Kishore et je reproduis le plus petit de ses gestes. Je suis la réplique exacte de ce grand artiste, vous savez ?», dit-il fièrement en balançant ses bras, pas pour nous en donner une preuve, mais juste par spontanéité. C'est que Ahmed a tellement pris l'habitude de chanter et de danser indien qu'il le fait sans même s'en rendre compte. ««Safi»! Je l'ai dans le sang cette musique et ce cinéma indien. Les frères lumières à Bombay L'Inde a été l'un des premiers pays du monde à découvrir et à vouer une passion au septième art. A peine six mois après la première projection publique à Paris en 1895, les frères lumières se déplacent à Bombay pour y montrer leurs premières réalisations, comme l'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat. Succès considérable. Il ne faudra que quelques années aux indiens pour produire leurs premiers films, mettant avec talent cette nouvelle technique au service de leurs traditions culturelles.