L'agence américaine de notation financière Standard and Poor's s'attend à plein essor de la finance islamique en Afrique du nord, en raison des mesures récemment prises par certains gouvernements et de l'ouverture, de plus en plus grande, des populations locales à la pratique de ce type de finance. Cependant, l'agence relève certains défis à relever pour une réelle valeur ajoutée de cette activité dans l'économie régionale. Détails. La finance islamique dispose d'un fort potentiel en Afrique du Nord, estime Standard and Poor's dans un rapport publié mardi intitulé «La finance islamique pourrait faire une percée en Afrique du Nord», rapporte le site CPI Financial. «Nous avons surtout constaté ces avancées au Maroc, en Tunisie et en Egypte, où les gouvernements ont récemment pris des mesures pour la mise en œuvre des politiques visant à soutenir le développement de la finance islamique», explique Mohamed Damak spécialiste des marchés bancaires dans la région MENA au sein de S&P. La société, de plus en plus consciente des apports de la finance islamique En effet, le royaume chérifien a justement entériné le projet de loi sur la pratique de ce type de finance le 16 janvier 2014. La Tunisie, quant à elle, envisage d'émettre des sukuks pour attirer une nouvelle classe d'investisseurs, au moment où l'Egypte a mis en place de nouveaux cadres réglementaires pour l'émission de sukuks. Au Maghreb en outre, les professionnels régionaux s'activent dans ce sens, avec la création en novembre 2013 de la Ligue maghrébine de la finance islamique. L'agence de notation américaine note également une plus grande conscience des apports de la finance islamique au sein de la société nord-africaine. Cet aspect se vérifie au Maroc où la grande majorité de la population (94%) est désormais favorable à l'idée d'épargner dans un établissement fondé sur les principes de la charia. En témoigne une étude réalisée en 2012 par le cabinet français IFAAS. Le facteur prix, très décisif Le rapport de S&P sera encourageant pour les investisseurs, du Golfe en l'occurrence, qui attendent depuis longtemps d'étendre leurs activités en Afrique du Nord. D'autant plus que les experts ont souvent déploré la lenteur avec laquelle la finance islamique évolue dans ces pays majoritairement musulmans. Aujourd'hui avec la crise qui a frappé le monde économique et financier ces dernières années, la plupart des Etats sont en quête de leviers qui leur permettront de stimuler leur économie et relever leur croissance. Mohamed Damak estime toutefois que «la finance islamique doit démontrer sa valeur ajoutée économique» en Afrique du nord. Cela pourrait «se concrétiser par un accès à une nouvelle classe d'investisseurs ou de clients, ou encore par l'offre de produits alternatifs à des coûts comparables avec ceux de leurs homologues classiques», a-t-il expliqué. Car, «nous pensons que le succès dépendra de leur capacité à offrir des produits à un coût compétitif avec les activités bancaires classiques», a-t-il ajouté. Et c'est justement à ce niveau que se trouve le défi pour les nouveaux entrants. Car même si on s'attend à une attaque agressive de leur part, certains établissements bancaires classiques, au Maroc notamment, envisagent de se lancer prochainement dans la finance islamique. Une source de financement pour les gros projets D'après S&P, les pays maghrébins auraient tout à gagner en investissant à fond dans la finance islamique. «Cela peut être un bonne source de financement des projets, puisque les banques classiques manquent souvent de la capacité de financement à long terme requise pour certains projets de grande envergure», estime M. Damak, faisant allusion aux projets d'énergies renouvelables au Maroc notamment. A ce jour, le total actif du marché de la finance islamique dans le monde s'élève à 1,4 milliard de dollars. Il ne cesse de croître dans les pays du Golfe et dans certains pays occidentaux comme la Grande Bretagne dont la place de Londres vise le leadership mondial. Si l'essor attendu en Afrique du Nord se confirme, la finance islamique fera certainement un grand pas supplémentaire.