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En Afrique, la finance islamique tient le bon «prêche»
Publié dans Les ECO le 12 - 03 - 2013

Après le Moyen-Orient, sa région naturelle de prédilection et après des réussites dans quelques pays européens comme l'Angleterre, la finance islamique part à la conquête du continent. Le 3e Forum international de la finance islamique vient de se tenir à Dakar, coïncidant avec la publication d'un nouveau rapport sur le secteur en Afrique, signé par Standard&Poor's.
Encore méconnue il y a tout juste quelques années, la finance islamique tisse doucement mais sûrement sa toile sur le continent. Toutefois, en attendant que la demande se crée à l'échelle continentale et que les réglementations et les offres se mettent en place – les unes ne pouvant aller sans les autres - la machine du lobbying fait son travail sur le continent. Dakar, la capitale sénégalaise, et probablement celle de la finance islamique en Afrique subsaharienne dans quelques années – aussi bien par la taille du marché naturel (12 millions d'habitants dont 90% de musulmans), que par le niveau d'avancement de son secteur financier par rapport aux autres pays de la région - a abrité la semaine dernière la troisième édition du Forum international sur la finance islamique en Afrique de l'Ouest. Cette manifestation, organisée par l'Institut africain de finance islamique (IAFI), l'une des rares structures dédiées au secteur à l'échelle continentale, a vu la participation d'experts et d'opérateurs financiers de toute la région, mais aussi d'Afrique du Nord. L'objectif des organisateurs est clair : susciter l'émulation et le débat sur les opportunités offertes par la finance islamique aux économies en quête de croissance sur le continent. Au-delà de ce souci premier de faire connaître les produits financiers islamiques, les organisateurs visent aussi, indirectement, à «donner un vrai coup d'accélérateur» aux réformes entreprises par les institutions régulatrices de l'économie sous-régionale, en l'occurrence la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BECEAO) et les ministères des Finances des pays membres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine, pour la création du cadre juridico-financier favorable à l'introduction et au développement de la finance islamique. Les arguments des responsables de l'IAFI tombent presque dans la rhétorique religieuse. «En marge de cette rencontre, les décideurs publics et privés de l'UEMOA feront face aux institutions internationales de la finance islamique, pour allier la volonté politique au pragmatisme des technocrates de la finance afin de faire bénéficier nos populations de ces nouvelles sources d'investissements directs. Ce qui est recherché, depuis la première édition de cette rencontre internationale, c'est de créer l'adhésion des acteurs du service financier au projet de développement de la finance islamique. Elle sera certainement une porte d'entrée pour les grandes institutions financières islamiques des pays du Golfe qui étudient sérieusement l'option de s'implanter dans les pays de l'UEMOA», commente-t-on auprès de l'IAFI.
Potentiel important
Il faut dire que le potentiel de la finance islamique en Afrique, prise dans sa globalité cette fois-ci, est loin d'être négligeable. Le continent représente la deuxième population musulmane la plus importante au monde, ce qui prédispose à une demande presque naturelle pour les produits de la finance islamique. En effet, quasiment au moment où l'IAFI clôturait son troisème think-tank dans la capitale sénégalaise, une autre réflexion était livrée sur le sujet par l'agence de notation américaine Standard&Poor's. Face aux limites du capitalisme et de son système financier classique, et à l'instauration d'un nouvel ordre économique mondial caractérisé par un déplacement du centre de croissance de la planète, l'intérêt d'une finance alternative, même islamique, est grandissant. L'agence internationale mesure en effet cet intérêt sur le continent en partant du volume de la croissance du recours aux «sukuks» (Obligations islamiques) pour les économies du continent. «Il semblerait que plusieurs pays africains envisagent l'émission d'obligations de ce type sur leur marché intérieur ou sur les marchés mondiaux. Ainsi, en 2012, le Trésor de la République d'Afrique du Sud a annoncé son projet d'émettre une première obligation souveraine islamique. L'Afrique du Sud deviendrait ainsi le premier pays non musulman à faire une émission d'obligations sur le marché islamique, si l'on exclut l'émission de 100 millions d'euros de sukuks réalisée par le Land allemand de Saxe-Anhalt au début des années 2000», expliquent les experts de l'agence de notation internationale. Jusque-là, en effet, la finance islamique a connu ses premières assises sur le continent à partir des pays musulmans, ou majoritairement peuplés de musulmans. Selon S&P, seuls la Gambie et le Soudan émettent régulièrement des sukuks à court terme. Le Nigéria, le pays le plus peuplé de musulmans en Afrique subsaharienne, est aussi l'un des plus gros marchés d'avenir pour cette finance alternative. L'institution financière centrale de ce géant économique du continent, grand exportateur de pétrole, a annoncé en 2011 son intention d'émettre des sukuks. La même année a également coïncidé avec l'annonce, par le Sénégal, d'un projet d'émission d'environ 200 millions de dollars de sukuks, suivi en 2012 par son voisin mauritanien. Pour l'ensemble de ces économies, les motivations de recours à la finance islamique semblent les mêmes : trouver la réponse efficace aux nombreux défis du développement infrastructurel auxquels ils font face.
Afrique du Nord, marché locomotive ?
En remontant un peu plus au Nord, nous retrouvons une toute autre dynamique de marché financier islamique sur le continent. Dans son dernier rapport, S&P projette en effet que «les pays d'Afrique du Nord pourraient s'intéresser prochainement aux émissions de sukuks sur leur marché intérieur ou sur les marchés mondiaux. Certains d'entre eux sont confrontés à un alourdissement de leurs déficits budgétaires et courants, ce qui pourrait les inciter à accroître et à diversifier leur base de financement, alors qu'ils ont déjà accès au financement officiel et privé classique», expliquent les consultants de S&P. Quoi qu'il en soit, nombre d'observateurs sont convaincus que les pays du Maghreb devraient aller beaucoup plus vite que les économies du sud du Sahara dans le développement de la finance islamique. La principale de ces bonnes perspectives est évidente. Elle est effectivement liée aux dernières évolutions politiques connues par plusieurs économies de la région, laquelle a été le théâtre de la montée en puissance – quasi synchronisée, sur la scène politique maghrébine – des partis islamistes. Du Maroc à l'Egypte, en passant par la Lybie et la Tunisie, l'arrivée de partis politiques à sensibilités résolument islamiques au sommet du pouvoir, semble donner une parfaite aubaine à la finance islamique pour se faire une bonne place au soleil. Les experts de S1P sont en tout cas du même avis. Selon eux, cette nouvelle situation politique issue de ce qui est communément appelé le «printemps arabe», a contribué à mettre le développement de la finance islamique à l'ordre du jour. «Le gouvernement égyptien a récemment présenté un projet de loi pour autoriser l'émission de sukuks, afin de combler l'important déficit budgétaire du pays, ainsi que le déficit courant. De même, en Tunisie, la loi des finances de 2013 prévoit de compenser partiellement le déficit budgétaire par l'émission de sukuks. Si le Maroc devait avoir recours au marché de capitaux islamiques, nous pensons que ce serait pour des motifs davantage politiques que budgétaires», argumente-t-on dans le rapport de S&P.
Diplomatie économique
Cette coïncidence est d'autant plus crédible, si l'on y rajoute le fait que, depuis quelques mois à peine, les pays du Maghreb, en l'occurrence le Maroc, entretiennent de sérieuses relations diplomatiques avec les pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Le royaume n'hésite même plus à aller y chercher du cash pour financer sa croissance, face à la générosité en crise de ses traditionnels partenaires au développement, en l'occurrence l'Union européenne. Ce rapprochement entre le Maroc et les économies du Golfe n'est certes pas le fruit du hasard et répond à des besoins conjoncturels communs. Pour les pays du Golfe, cette plateforme de coopération est idéale pour une introduction rapide et un développement important de leurs institutions financières, en excédant de liquidités et en quête de marchés d'investissement, et, par extension, de la finance islamique en général, dans un pays pendant longtemps arrimé à l'économie occidentale. Pour le Maroc, c'est une parfaite occasion d'accéder à des fonds souverains pour continuer à soutenir le rythme de son développement infrastructurel, entamé une décennie plus tôt et, par extension, sa croissance économique en général. «Les pays du CCG affichent de confortables excédents de leur balance courante, ce qui en fait des investisseurs potentiels dans les sukuks d'autres régions. L'achat de sukuks par les investisseurs étrangers pourrait aider les pays qui présentent des déficits budgétaires et courants à boucler leur budget, à couvrir leurs besoins en financements externes et à se constituer des réserves», commente-t-on auprès de S&P.
Mohamed Boulif
Consultant principal, Al Maali Consulting Group
Les ECO : Comment analysez-vous l'approche développée par l'industrie de la finance islamique vis-à-vis des marchés subsahariens, notamment ceux d'Afrique de l'Ouest, sur les dernières années ?
Mohamed Boulif : Nous pouvons procéder à un parallèle avec l'Union Européenne. La machine communautaire est souvent lente dans son processus d'adoption de textes réglementaires. Cependant, une fois la législation adoptée, c'est un ensemble de marchés qui s'ouvrent à vous, en somme d'une pierre plusieurs coups. L'harmonisation des textes est importante, même si en matière de finance islamique certaines dispositions nationales existent déjà comme en Angleterre ou en France. De même, l'avantage pour un ensemble économique comme l'UEMOA, c'est que les huit pays membres entretiennent d'importants liens commerciaux et d'investissements. Le fait de disposer d'une banque centrale commune, avec une certaine harmonie des politiques monétaires régionales et du secteur financier peut assurément permettre l'ouverture aux marchés régionaux étroits. En l'absence d'une réglementation commune, ces opérations de financement trans-régionales ne peuvent se faire aisément. Cependant, si nous poursuivons la comparaison avec l'Europe, on peut dire d'une certaine manière que les marchés subsahariens, en l'occurrence ceux d'Afrique de l'Ouest, sont plus faciles à harmoniser, en termes de réglementation, par le fait que la région ne dispose que d'une seule et unique banque centrale. Sur l'espace européen, la BCE joue le même rôle certes, mais chaque Etat membre dispose encore de sa propre banque centrale. Il faut également prendre en considération la fiscalité appliquée entre les pays de l'union monétaire ouest- africaine. La fiscalité est en effet un élément important pour la finance islamique car nous avons un adossement à des actifs qui induit justement d'importants impacts fiscaux qui, s'ils ne sont pas traités aussi bien sur le marché local que communautaire, peuvent gêner le développement du secteur financier islamique dans cette région.
Quel rôle pourrait jouer le Maghreb pour le développement de la finance islamique sur le reste du continent ?
Parmi les pays du Maghreb, citons plus précisément le Maroc, qui dispose d'un secteur bancaire et financier parmi les plus avancés du continent, derrière ceux de l'Afrique du Sud. Ce pays pourrait constituer une importante passerelle, notamment au moyen de la finance islamique, vers les économies subsahariennes. Les pays du Maghreb ont un positionnement géographique stratégique entre les pays du Golfe, région de prédilection du secteur, et l'Afrique subsaharienne. Le Maroc, en l'occurrence, entretient une grande proximité économique et commerciale avec les autres pays du continent. Je pense donc qu'il y a tout à capitaliser sur cette relation tripartite entre les pays du Golfe, le Maghreb et les économies subsahariennes. Le royaume peut être un bon relais à ce niveau là.
Le principe religieux prédétermine-t-il toujours le choix des marchés ?
Ce n'est plus le cas aujourd'hui. La finance islamique est devenue, par force d'opportunités mais aussi d'adhésion à ses principes, une industrie en voie de globalisation et au-delà de toute aspiration religieuse. Certes, cet aspect en reste le principe de base et les premières demandes proviennent généralement de sociétés à forte population musulmane. Elle a cependant déjà fait sa place parmi les sociétés non-musulmanes. Ouverte à tous, la finance islamique, aujourd'hui, ne se repose plus uniquement sur les principes religieux. Cependant pour percer encore plus et capitaliser sur son élan actuel, elle se doit surtout, tout en préservant ses principes éthiques, d'être compétitive par rapport à la finance conventionnelle.


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