Le débat autour de la charte bat son plein au Québec et continue de faire mal au sein de la communauté musulmane de plus en plus sujette à des discriminations à l'emploi, révèle l'organisme de communication pour l'ouverture et le rapprochement interculturel. Un certain climat de crise s'installe, et certains Maghrébins plient bagages. Depuis l'ouverture du débat sur la charte des valeurs au Québec, plusieurs maghrébins pourtant très qualifiés ont perdu leur emploi, a déclaré à The Montreal Gazette Samira Laouni de l'organisme de communication pour l'ouverture et le rapprochement interculturel (COR). Mme Laouni tient à rappeler que les immigrés musulmans souffrent de discrimination depuis longtemps, mais le débat sur la charte n'a fait que renforcer celles-ci. D'après elle, le taux de chômage au sein de cette population est de 30%, pourtant globalement à Montréal, il n'est que de 8%. Ceux qui arrivent à trouver un gagne-pain, n'ont pas d'autre choix que de se rabattre sur des activités qui n'ont rien à voir avec leur domaine de compétence. C'est le cas d'un Marocain qui, malgré sa vaste expérience en gestion de dépanneurs au Maroc, est obligé de travailler comme homme d'étage dans une maison de soins infirmiers à Montréal. Pire, la presse rapporte le cas d'un Tunisien qui, malgré sa Maitrise en administration des affaires, doit se contenter d'un emploi dans une épicerie et des cours d'arabes pour joindre les deux bouts. Samira Laouni note également des cas de discrimination envers les femmes voilées dont souffrent de nombreuses femmes depuis le débat autour de la charte des valeurs. D'ailleurs à plusieurs reprises, la presse québécoise a évoqué des cas de menaces à l'encontre de ces immigrées. Naturellement, Samira Laouni est contre cette charte et estime que le «foulard fait partie de [son] identité», comme le défendent toutes les femmes qui le portent. Risque de découragement pour les candidats à l'immigration Tout ce qui arrive depuis quelques mois inquiète également le Conseil du patronat québécois. Il a à cet effet tiré la sonnette l'alarme la semaine dernière, à propos des conséquences négatives sur l'économique régionale des discriminations que subissent actuellement les étrangers de confession musulmane, en raison de la charte des valeurs. D'après le Conseil, cela pourrait avoir la fâcheuse conséquence de décourager les candidats à l'immigration issus des pays arabes. Son alerte semble bien justifiée, puisque certains immigrés plient bagages et déconseillent l'immigration à leurs confrères restés au pays. «Le taux de chômage élevé renforce la crise au sein de notre communauté», explique à Montreal Gazette un immigré tunisien. «Certains amis originaires d'Algérie sont si découragés qu'ils rentrent chez eux. Le Québec a encouragé les Nord-Africains francophones, diplômés et qualifiés à venir ici, pour qu'ensuite nous soyons rejetés par les employeurs. Beaucoup parmi nous mettent en gardent les confrères restés au pays de ne pas venir ici», ajoute-t-il. Les autorités québécoises, pour calmer ces inquiétudes, rassuraient, en novembre dernier, que la charte des valeurs n'influerait pas sur les demandes d'immigration émanant du Maghreb. Mais à cette allure, les candidats pourraient réfléchir à deux fois avant de s'engager. C'est une triste réalité que vivent les immigrés musulmans au Québec. Ils se sont fortement opposés à la charte, dénonçant le renforcement de la discrimination que susciterait une telle mesure. Mais cela n'a pas fait reculer le débat.