L'appel de Driss Lachgar contre la polygamie suscite encore des réactions de la part des milieux islamistes. Un salafiste, inconnu au bataillon, a même traité le premier secrétaire de l'USFP de «mécréant et d'apostat». Le parti de la Rose a pour sa part réagit et presse le ministre de la Justice, Mustapah Ramid, pour qu'il poursuive en justice l'ancien imam d'une mosquée de Casablanca. Driss Lachgar est encore sous les feux de la rampe. Son appel à l'interdiction de la polygamie lui assure une belle couverture dans les médias. La réaction d'un salafiste, jusque là illustre inconnu dans le rang des radicaux marocains, participe à cette médiatisation. Dans une vidéo postée sur Youtube, Abdelhamid Abou Naïm ne fait pas dans la dentelle, traitant le premier secrétaire de l'USFP de «mécréant et d'apostat». Et Lachgar n'est pas le seul visé. Il accuse également l'USFP de «propager l'apostasie et l'athéisme depuis plusieurs années déjà». Qui est Abou Naïm ? Le salafiste, selon ses propres aveux, ne serait pas à son premier coup d'essai. Il avait déjà excommunié Mehdi Ben Barka, le célèbre opposant à Hassan II, et le philosophe de gauche Mohamed Abed Al-Jabri, un ancien membre de l'USFP. Des «fatwas» qui lui ont d'ailleurs valu d'être interdit de prêches dans la mosquée au sein de laquelle il officiait par le ministère des Affaires islamiques. Des sources que nous avons contactées situent cette mosquée à Bin Lamdoune à Casablanca, ajoutant que Abou Naïm, un enseignant, marié à quatre femmes, a longtemps officié dans le même lieu de culte que Mohamed Zohal, un des cadres de l'organisation Chabiba Islamiya. Pressions sur Mustapha Ramid Cette affaire a en tout cas donné des arguments au camp laïc pour appeler Mustapha Ramid à poursuivre en justice Abou Naïm pour «incitation au meurtre». Une demande qui se base sur l'article 429 du code pénal, qui stipule que: «toutes menaces d'atteinte contre les personnes ou les biens, autres que celles visées aux articles 425 à 427, par l'un des moyens prévus auxdits articles et avec ordre ou sous condition, sont punies de l'emprisonnement d'un à trois mois et d'une amende de 200 à 250 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement». Pour le moment, la direction de l'USFP ne compte pas prendre directement une telle initiative. Elle préfère renvoyer la balle dans le camp du ministre, exerçant davantage de pression sur le PJDiste. Trois mois de prison pour un tweet contre Obama Si la machine judiciaire n'a rien entrepris contre le salafiste Abou Naïm, elle avait, pourtant, montré beaucoup de zèle en condamnant, fin octobre, un adolescent marocain à trois mois de prison de ferme pour «crime électronique» et «appel à la violence en utilisant des médias électroniques». Soufiane I. avait publié en 2012 sur son compte twitter un message menaçant de mort Barack Obama. «Je tuerai votre président et toutes les personnes qui seront en sa compagnie. C'est ce que je ferai lorsque j'arriverai aux Etats-Unis le mois prochain», écrivait-il. Abou Naïm : « la gauche un Etat dans l'Etat » Abou Naïm persiste et signe. Dans une nouvelle vidéo, l'ancien imam de la mosquée Assunna à Casablanca traite à nouveau Driss Lachgar de « mécréant ». Cette fois, le salafiste s'attaque à l'appel du premier secrétaire de l'USFP pour l'ouverture d'un débat sur une révision des règles de l'héritage. Pour lui cette proposition ne peut qu'être l'œuvre d'un parti « apostat ». Il en est de même pour la déclaration finale du 7ième congrès des femmes de l'USFP en faveur de l'avortement. A des moments, Abou Naïm s'écarte de sa principale cible, qu'est Driss Lachgar, pour concentrer ses attaques sur la gauche et les laïcs, et principalement Mehdi Ben Barka, un autre « mécréant », selon ses dires. Le salafiste accuse, d'ailleurs, cette mouvance politique de « trahison », « vols », « terrorisme », d' « intelligence avec des Etats étrangers » et avec « l'armée », avant de conclure en accusant la gauche d'être « un Etat dans l'Etat ».