Comme du temps de Hassan II, la Tunisie continue d'être un terrain où le Maroc et l'Algérie se livrent concurrence. Pour fléchir la balance en sa faveur, le voisin algérien, par la voix de son premier ministre, n'hésite pas à accuser la drogue en provenance du royaume de financer les groupes terroristes au pays de la révolution du jasmin. Si les officiels marocains évitent, du moins publiquement, d'évoquer l'Algérie, ce n'est guère le cas pour les responsables du voisin de l'Est qui poursuivent leurs attaques. La dernière en date porte la signature du premier ministre Abdelmalek Sellal. Cette fois, il a choisi de parler, lors d'un meeting politique tenu le jeudi 12 décembre au siège de la wilaya de Tlemcen, de la drogue en provenance du royaume comme principale source de financement des groupes terroristes en Tunisie. Il n'hésite pas à surenchérir en affirmant que «l'Algérie détient des preuves irréfutables de ces filières et la connexion entre les narcotrafiquants, les terroristes et les trafiquants d'armes», rapporte le quotidien Le temps. Le chef du gouvernement a précisé à l'assistance qu'il a fait part de ces «convictions» aux autorités tunisiennes. Le Maroc sujet favori de Sellal Pourquoi une telle fixation sur le Maroc alors que l'objectif nodal de la réunion était l'annonce de la réalisation d'un programme de construction de logements dans les périmètres urbain et rural ? Force est de constater que Abdelmalek Sellal s'est entiché du sujet Maroc, au point qu'il le réitère à chaque fois que l'occasion se présente à lui. Lors de sa participation au sommet France-Afrique de Paris, les 6 et 7 décembre, devant des membres de la communauté algérienne installés dans l'hexagone, il a affirmé que son pays «fait face à un terrorisme international mené par des Etats ayant des connexions avec le trafic de drogue». Le lien avec le Maroc parait plus clair avec sa dernière sortie de Tlemcen. La Tunisie, terrain de concurrence entre le Maroc et l'Algérie C'est la première fois que Abdelmalek Sellal ou un autre officiel algérien profère de telles accusations contre le royaume Chérifien. Des propos qu'il faut inscrire dans le contexte du jeu d'influence que se livre le Maroc et l'Algérie en Tunisie. Depuis son retour au pays après une période d'hospitalisation en France, le président Abdelaziz Bouteflika, dont les apparitions se font rarissime, a tenu à recevoir, à deux reprises, le président du parti Ennahda, Rached El Ghanouchi, et l'ancien premier ministre Beji Kaid Sebsi. De son côté le royaume, mise sur la présidence, comme interlocuteur privilégié. Rien que durant les deux derniers mois, Moncef Marzouki a eu trois entretiens avec le chef de l'Etat ou le chef du gouvernement marocain. Le premier avec le roi Mohammed VI au Mali, lors de l'investiture du président Ibrahim Konaté ; le 19 novembre au Koweït, en marge du Sommet arabo-africain, où il avait pris langue avec le chef de gouvernement Abdelilah Benkirane ; et enfin en décembre, en France, à l'occasion de la Conférence France-Afrique. Cette proximité du président tunisien avec le Maroc serait à l'origine, en novembre dernier, du refus du ministère de la Défense tunisien d'adhérer au commandement militaire conjoint des pays du Sahara et du sahel, créé par l'Algérie en 2010. Une annonce qui avait fait couler beaucoup d'encre dans la presse algérienne.