La Darija serait-elle la solution à la crise de l'enseignement au Maroc ? Noureddine Ayouche en est convaincu. En revanche, des islamistes et des panarabistes y sont, vertement, hostiles. Le Chef du gouvernement et tout l'appareil du PJD font partie de cette dernière catégorie. Entre les partisans de la darija marocaine et la langue arabe, le débat est houleux. La proposition de Noureddine Ayouche, patron d'une société de communication et ancien président d'une association de micro-crédit, d'intégrer le dialecte marocain dans l'enseignement continue de susciter une levée de bouclier chez les paranarabistes et les islamistes. Les deux clans crient au sacrilège. L'annonce de cette initiative est intervenue au lendemain de la tenue, en octobre à Casablanca, d'un forum sur l'enseignement, marquée par la présence de deux conseillers du roi : Omar Azziman, également secrétaire général du conseil supérieur de l'enseignement, et Fouad Ali El Himma. Rachid Belmokhtar et Moulay Hafid Alamy, pas encore ministres au sein du gouvernement Benkirane, respectivement de l'Education et l'Idustrie, y étaient, également présents. Benkirane se saisi de la polémique Le Chef du gouvernement s'est très vite invité à la polémique. Abdelilah Benkirane, en bon défenseur de l'arabe littéraire, a fustigé, le 10 novembre, à l'occasion d'un meeting politique à Tanger, une telle initiative. Mieux encore le 15 novembre, cette fois au siège de la primature à Rabat, il recevait une délégation de la Coordination nationale du collectif de la défense de la langue arabe (CNCDLA) qui lui a transmis un mémorandum, en ce sens. Fort de ce soutien, la CNCDLA avait programmé, pour le 19 novembre, une conférence sous le thème : «la langue arabe et le contexte constitutionnelle actuel». Yatime : «Nous n'avons rien vu de l'Académie Mohammed VI de la langue arabe» L'affaire a été, également, soulevée à la Chambre des représentants. Hier lors de la séance hebdomadaire des questions orales, Mohamed Yatime, député du PJD, a saisi l'occasion pour appeler vivement à la défense des langues officielles, notamment l'arabe, contre des propositions qui «nous font régresser des années en arrière». Une allusion plus que transparente à la proposition de Noureddine Ayouche. A l'adresse du ministre de l'Education nationale, présent à l'hémicycle, le pjdiste a demandé la mise en œuvre effective de l'Académie Mohammed VI de la langue arabe, créée par le Dahir n° 1-03-119 du 19 juin 2003. «Au parlement, nous avons voté sa loi mais nous n'avons rien vu de cette académie», a clamé Yatime. Les propos de Ayouche ne sont pas nouveaux Cette vive levée de bouclier chez les panarabistes et les islamistes suscite des interrogations, sachant que ce n'est pas la première fois que Noureddine Ayouche se prononce pour un enseignement en darija. Est-la présence de deux conseillers du roi à son forum ou son intention de présenter un mémorandum au roi Mohammed VI préconisant une officialisation du dialecte qui en seraient les causes? Dans tous les cas, ces réactions en cascade contre l'initiative de Ayouche n'est pas sans rappeler celle du PJD et du MUR, lors des discussions sur la réforme de la constitution au printemps 2011, très hostile à ce que le principe de la liberté de conscience soit inscrit dans la loi fondamentale. Cette nouvelle-ancienne proposition de Ayouche est un ballon d'essai lancé sur la scène publique pour analyser les réactions des autres acteurs et prendre, en conséquence, les mesures qui s'imposent.