48 ans après la disparition de Mehdi Ben Barka, sa veuve et ses enfants sont encore dans l'affliction. Une affliction accentuée par l'injustice qui marque cette affaire depuis près d'un demi-siècle. Avec tous les discours prometteurs de François Hollande sur les droits de l'homme à son arrivée à la tête de la France, la famille du défunt espérait que certaines zones d'ombres du dossier soient levées. Mais la déception est aujourd'hui totale. ONG des droits de l'homme marocaines et internationales, associations de Marocains résidant à l'étranger, politiques marocains et français, se sont rassemblés mardi 29 octobre à Paris, pour commémorer le 48ème anniversaire de la mystérieuse disparition de Mehdi Ben Barka. Le parti socialiste, grand absent de ce rassemblement La famille du défunt, fidèle à ce rassemblement chaque année, était également présente. Elle a d'ailleurs saisi l'occasion pour remercier tous ceux qui de prêt ou de loin la soutiennent dans ce combat pour la justice, mais constate, «déçue», l'inaction du président François Hollande. D'ailleurs son parti politique était le grand absent au rassemblement de Paris, «ce que nous regrettons», confie Bachir Ben Barka, dans son intervention lors du rassemblement. Pourtant la famille Ben Barka a fait le nécessaire. «Avec notre avocat Me Maurice Buttin, nous avons entamé plusieurs démarches en direction de la nouvelle équipe gouvernementale», indique Bachir Ben Barka. Nous avons été reçus par un conseiller du président de la République qui nous a écoutés attentivement. Aujourd'hui, nous faisons le constat que rien n'a bougé de ce côté. «La raison d'Etats, encore une fois, plus forte que la justice» Les Ben Barka ont, d'abord, été reçus par un conseiller du président de la République «qui nous a écoutés attentivement», témoigne le fils de l'opposant historique de Hassan II. Une autre rencontre a eu lieu avec la conseillère juridique du ministre de la Défense «qui nous a [également] écoutés attentivement». «Lors d'une seconde rencontre, elle nous a précisé que le ministre de la défense de François Hollande ne pouvait que confirmer la décision prise par le ministre de la défense de Nicolas Sarkozy», confie Bachir Ben Barka. En effet, le régime de Sarkozy avait refusé de déclassifier les documents concernant l'affaire Ben Barka saisis à la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE), elle-même impliquée dans l'affaire. Le ministre de la Défense de l'époque s'était réfugié derrière l'avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN). Laquelle avait estimé que la majorité des pièces concernées ne pouvaient pas être déclassifiés. Pourtant, «ces documents avaient été saisis par le juge Ramaël en présence du président de la CCSDN qui avait lui-même fait un tri parmi les documents que voulait saisir le juge, ne gardant que ceux qu'il estimait en rapport avec l'affaire», rappelle Bachir Ben Barka. Depuis donc le général de Gaulle jusqu'à ce jour, le pouvoir français ne cesse d'éviter le sujet. Le fils du défunt opposant marocain regrette : «chaque fois, la raison d'Etat, ou plutôt la raison des Etats a été plus forte que la justice». «Au Maroc, même le CNDH a lâché la dossier depuis un an» Le silence politique et l'injustice qui entoure l'affaire Ben Barka sont fortement dénoncés. La semaine dernière le Collectif Al-Haqiqa (La Vérité) - un groupe d'associations composé de l'AMF, l'ASDHOM, l'ATMF, le FMVJ/France et l'APADAM - a écrit une lettre ouverte à François Hollande au sujet de cette affaire, l'appelant à agir pour l'exécution des mandats d'arrêt internationaux émis - à l'encontre des sécuritaires marocains - en octobre 2007 par le juge Ramaël. Mais depuis l'Elysée, le président français reste silencieux, voire indifférent. Au Maroc, «aucune avancée dans ce dossier n'a été constatée depuis un an ni de la part du gouvernement ni du CNDH», regrette la famille Ben Barka.