L'information a failli passer inaperçue mais elle a fait l'effet d'une bombe dans la région de Taounate. Mieux que le mirage Talsint, une association allemande Aktion Afrika aurait envoyé un communiqué de presse annonçant 50 milliards d'euros d'investissement en infrastructures dans le pays Jebala de mon enfance. D'ici 2036, Taounate concurrencera la grande Casablanca. C'est lemag.ma qui l'écrit, reproduisant bêtement un prétendu communiqué d'Aktion Afrika. Nous à Taounate, en bons montagnards, on vise haut. Pourquoi essayer de se comparer à Berkane ou Khourigba quand une association nous donne la possibilité de décrocher la lune. On peut ainsi espérer déloger la première ville du royaume de son podium. Ce que l'Etat n'a pas fait pour la région, délaissée dans sa misère et l'enclavement, une association promet de nous faire rêver. Accrochez-vous, car à côté des 50 milliards d'euros d'Aktion Afrika, le budget de l'INDH pour tout le royaume est réduit à de l'argent de poche. Ce montant, extraordinaire pour le Maroc et irréel pour la région de Taounate, est détaillé en fonction des différents projets d'infrastructures. C'est le côté allemand de l'association. Ils viennent avec l'argent, les études, tous les plans, du prêt à développer en 5/5. Taounate accueillera la Coupe du monde 2034 Ainsi, notre équipe de foot locale, l'USTA de Taounate pourra abandonner le petit terrain de Rmila pour profiter d'un vrai stade de football de 60 800 places (ils sont précis les Allemands). Avec une infrastructure de cette taille, nous sommes déjà en mesure d'accueillir quelques matchs de la Coupe du monde au Maroc. Pour les joueurs qui auront trop fumé la pelouse, pas d'inquiétude, il est prévu la construction de trois hôpitaux. Compte tenu de la difficulté de recrutement du personnel hospitalier pour le tout récent hôpital de Taounate -les médecins préfèrant être affectés à Fès- on multipliera le problème par 3. A moins que l'association ait aussi prévu de former la jeunesse de Taounate avec des écoles et universités flambant neuves ? Bingo : des écoles, des lycées et même une université sont planifiés. Les universités de la Sorbonne (France) et York (Angleterre) ne le savent peut-être pas, mais elles ont noué un partenariat avec la future université polytechnique de Taounate, déjà baptisé Hassan 1er. Ce sont les Allemands qui le disent et il ne faut jamais contredire un Allemand. La NASA avant Casa Ceux qui trouvent les routes de la région sinueuses, en mauvais état, peuvent se rassurer. Ils pourront venir directement en avion pour atterrir à l'aéroport régional de Taounate. Contrairement à l'Université, le nom de l'aéroport n'a pas encore été révélé. Ils doivent surement hésiter entre Hassan I ou II et Mohammed V ou VI. Mais dès 2027, l'aéroport d'envergure régionale a vocation à s'agrandir pour devenir le plus grand aéroport d'Afrique du Nord. Bon il y a un hic sur ce projet. Non rassurez-vous, ce n'est pas une question de taille, on est capable de battre l'aéroport de Casablanca ou celui du Caire sans souci. Le souci, c'est que la région de Taounate c'est avant tout des montagnes. Donc l'aéroport, on ne peut le mettre qu'en pays Hayani, genre à Tissa par exemple. Nous les Jebalas, on a quelques réticences à partager avec les Hyaynas. N'oublions pas que tout récemment, l'un d'entre eux s'est converti au christianisme à Aïn Aïcha. Mais nos avocats ont tenu bon, aucun n'a accepté de défendre le jeune hayani. Même le plus ivrogne des avocats, qui petit-déjeune avec une bouteille de mahya (alcool de figue) a courageusement refusé d'honorer son serment. Pour compenser la concession faite à Tissa, l'association Aktion Afrika promet d'installer 3800 éoliennes dans la région, soit plus que ce qui est installé actuellement dans tout le royaume. De quoi en planter sur les différentes montagnes de Bni Berber, à Aïn Berda, en passant par Aïchtoum (à vos souhaits !). En parlant de sommets, on est tellement haut perché que la NASA s'intéresse à nous. Notre association allemande a confirmé «l'ouverture du premier centre aérospatial en Afrique en partenariat avec la NASA». On met plus de 3 ans pour reconstruire un minable petit pont de 10 mètres entre Bouhouda et Bni Oualid, mais voilà qu'on s'apprête à lancer des fusées. Il ne manquerait plus qu'un jebli, prénommé Bouchta, joue dans le film Gravity 2. Le petit pont qui met plus de 3 ans pour être reconstruit Le Maroc est coincé dans les limbes Ce grand délire n'a pas froissé le bon sens de nos confrères journaliste de lemag.ma, ni même celui de l'Economiste. Quoique ces derniers ont tout de même osé aller plus loin. Au lieu de contacter l'association en question ou de vérifier sur leur site internet, ils ont directement appelé l'ambassade d'Allemagne pour tenter de confirmer l'information. Les chargés de communication au sein de l'ambassade ont du se poiler ce jour là : 50 milliards d'euros pour une région qu'ils ne savent même pas situer sur la carte du Maroc. On ne peut qu'être affligé par la publication d'une brève sur une info aussi peu crédible par le premier quotidien économique du pays. Cela confirme que quelque chose ne tourne pas rond dans ce pays. Mais heureusement, certains citoyens ont gardé un peu plus de discernement que nos confrères journalistes. C'est le cas de Anas, qui a ironisé sur l'article de Taounatenews : «Hadchi momkine, walakin f Taounate dial Almania, machi dial lmaghribe.» (C'est possible mais à Taounate en Allemagne, pas le Taounate du Maroc). Au Maroc, nos journalistes ne distinguent plus le mythe de la réalité, car comme dans le film Inception, nous sommes coincés dans les limbes. Nous avons déjà un barrage pharaonique Le seul truc décevant dans ce listing pharaonique, c'est les projets de barrages. On nous annonce la construction de deux barrages de la même capacité que celui d'Al Massira. Or ce n'est pas du tout un exploit comme le communiqué essaye de nous faire croire, nous avons déjà Al Wahda, le plus grand barrage du Maroc construit en 1996.