Avec la Fondation Mohammedia des Marocains résidant à l'étranger, le roi Mohammed VI reprend l'exclusivité des prérogatives sur le dossier stratégique de la diaspora. Une reprise en main royale qui sonne comme un désaveu du gouvernement pusillanime et de ses longues années atermoiements sur cette question. Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, n'a pas tardé à saluer la vision royale et le caractère historique du discours du souverain à l'occasion du 49e anniversaire de la Marche verte. Pourtant, sur le Sahara comme sur le dossier des MRE, il doit se contenter du rôle de spectateur. Concernant l'intégrité territoriale, cela a toujours été évident, puisqu'il est géré par le cabinet royal et un ministère de souveraineté, si l'on exclut la période 2012-2017 avec Saâdeddine El Othmani (PJD) et Salaheddine Mezouar (RNI). Sur le volet MRE, dès 2002, le roi Mohammed VI a partagé avec le gouvernement ce qui, sous Hassan II, était un domaine réservé. Ainsi, Nouzha Chekrouni (2002-2007) fut la première ministre déléguée auprès du ministère des Affaires étrangères chargée de la communauté marocaine à l'étranger. Un ministère qui a été supprimé en 2021 avec l'arrivée d'Aziz Akhannouch à la tête du gouvernement. Le même Aziz Akhannouch avait été chargé par le souverain de concevoir une nouvelle stratégie pour la diaspora. Depuis 2021, les discours royaux se sont faits plus offensifs, voire cinglants, alors que les réunions interministérielles se sont faites plus éparses et improductives. La feuille de route de Mohammed VI pour restructurer les institutions réservées aux MRE Ce mercredi 6 novembre 2024, le gouvernement a assisté à sa mise à l'écart sans préavis. Le dossier MRE revient dans le giron royal avec deux bras armés : un Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) renouvelé avec un président qui sera nommé par le roi ; et le projet de Fondation Mohammedia des Marocains à l'étranger. Si les modalités exactes de ce nouvel organisme, qui remplacera la Fondation Hassan II et le défunt ministère, ne sont pas encore connues, le périmètre de ses prérogatives l'est. «Cette instance dédiée, une fois créée, deviendra le bras opérationnel de la politique publique en la matière», a annoncé le roi Mohammed VI. Il a ajouté que l'institution sera chargée d'agréger les attributions actuellement dispersées entre les différents acteurs, de coordonner l'élaboration et la mise en œuvre de la stratégie nationale dédiée aux MRE. Une fondation pour remplacer le mille-feuille institutionnel Cette nouvelle architecture du pôle institutionnel chargé des MRE ressemble peu ou prou au concept proposé en 2022, d'agence nationale qui recouvrirait les prérogatives du mille-feuille institutionnel existant. À la différence près que la nouvelle fondation concentrera le pouvoir d'action sans en référer au gouvernement. Cette reprise en main royale aura l'avantage de ne pas dépendre de l'agenda politique des partis au gouvernement. À titre d'exemple, la Fondation Mohammed V a démontré sa capacité opérationnelle à chaque opération Marhaba. La puissance d'action d'une fondation sous le parasol royal est essentielle, compte tenu des enjeux du dossier des MRE listés par le souverain : renforcement des liens identitaires et culturels avec le Maroc, mobilisation des compétences de la diaspora, et transformation d'une plus grande part des transferts en devises des MRE (115 milliards de dirhams en 2023) en investissements au Maroc (~10%). Le Roi, les MRE, le Peuple : Une révolution ? Deux points restent toutefois à clarifier. Quid de la participation politique des MRE ? Cette fondation ferme-t-elle la porte à la possibilité d'une représentation au sein du Parlement, tel que cela est évoqué dans la Constitution de 2011 ? C'est probable, au vu du désintérêt des partis politiques pour cette évolution et la crainte de perdre une vingtaine de sièges de députés, au profit d'élus qui seraient moins dévoués aux zaïm politiques. Il reste la possibilité d'un conseil d'administration de la prochaine Fondation Mohammedia, qui serait élu par les MRE. Cela aurait l'avantage de coupler l'efficacité d'une fondation exécutive et une représentativité démocratique. Le deuxième écueil, qui sera beaucoup plus difficile à résoudre, se situe dans la dépossession du politique sur le dossier de la diaspora. Après la défense, la religion, les affaires étrangères et l'intérieur, le volet MRE échappera ainsi au débat politique. Mais les partis ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes. Ils ont eu plus de 10 ans pour élaborer une loi organique sur le CCME et décider des modalités de la participation politique des MRE. Quand on se contente de jouer la montre et de renvoyer la balle entre adversaires, il ne faut pas s'étonner que l'arbitre sorte le carton. Article modifié le 07/11/2024 à 18h08