Emmanuel Dupuy : « La possibilité d'ouverture d'un consulat français à Dakhla pourrait être un « game changer »    L'Émirati Mohammed Ahmed Al Yamahi nouveau président du Parlement arabe    CAN de beach-soccer : le Maroc s'empare du bronze    Sommet du Commonwealth : des pays veulent aborder la question des réparations    CAN 2025 : le Nigéria déclaré vainqueur par forfait en Libye    Endurance : le backyard ultra, ça vous parle ?    Cinéma : John Woo revisite "The Killer"    Moumen Smihi : "Mes films cherchent à travailler notre identité, notre marocanité"    Sénégal/législatives: Le président Bassirou Faye appelle les acteurs politiques à « faire preuve de responsabilité et de retenue »    Espagne: Trois morts dans l'effondrement d'un immeuble à Santander    SM le Roi félicite le président autrichien à l'occasion de la fête nationale de son pays    La 7ème édition des « Rencontres Entreprises » en escale à Rabat    Rôle de la logistique dans l'unité de l'Afrique    AUSIM. Le nouveau moteur de la compétitivité au Maroc au cœur des Assises 2024    Princess Lalla Hasnaa and Sheikha Al Mayassa chair Fashion Trust Arabia Gala in Marrakech    Alerte météo : pluies localement fortes samedi et dimanche dans plusieurs régions    La Fondation MAScIR de l'UM6P primée à Dakar    Spanish Minister visits Rabat to reinforce EU-Morocco ties following CJEU ruling    Création des entreprises : ce que dévoile le baromètre de l'OMPIC    La créatinine, le sodium et le potassium, des sentinelles biologiques des reins    Bien au-delà de El Midaoui et Miraoui    Marrakech Air Show 2024 : Le Maroc, carrefour mondial de l'innovation et des partenariats aéronautique    Grand Prix de la Photographie : Honneur aux talents qui immortalisent l'âme marocaine    Le Maroc expose son Caftan Marocain à Addis-Abeba    Botola D1. J8: A l'ombre du Clasico, le Wydad reçoit le leader !    Les 500 Global 2024 : voici le Top 20 des plus grandes entreprises au Maroc    Le Hezbollah libanais revendique une attaque de drones près de Tel-Aviv    Maroc-Mauritanie : coopération porteuse en quête de renouveau    La coopération décentralisée au cœur d'entretiens maroco-italiens    PLF 2025 : L'opposition monte au créneau à la Chambre des représentants    Le temps qu'il fera ce samedi 26 octobre 2024    Rabat-Salé-Kénitra : le tissu économique s'enrichit de plus de 6 300 nouvelles entreprises    Botola Pro D1 (8è journée): Choc WAC-RSB ce samedi, la tête du classement en vue    Qualifs CAN Maroc : On connait les arbitres du Gabon -Maroc et Maroc-Lesotho    Football : C'est Jour de clasico dans le Monde !    Sahara marocain. La France ouvrira un consulat général et un Institut français à Laâyoune    Inscription de l'Algérie sur la «liste grise» du GAFI : les milliards de dollars alloués au Polisario seront-ils finalement retracés ?    Pratiques anticoncurrentielles dans le marché de la livraison à domicile : Glovo en ligne de mire    L'ONMT et United Airlines lancent le premier vol New York-Marrakech    PLF-2025 : l'opposition contre-attaque et remet en cause les projections du gouvernement    Remaniement, pouvoir d'achat, emploi, réformes… Aziz Akhannouch livre sa vision    Les Ateliers de l'Atlas : Le laboratoire des futurs cinéastes    Visa For Music : 11e édition, un passeport pour le monde    Blanchiment d'argent: Le GAFI ajoute l'Algérie et 3 autres pays à sa liste grise    Macron au Maroc: Voici les accords stratégiques qui devraient être conclus    France : La justice annule l'exclusion d'un policier au front marqué par la prière musulmane    Mode : Quel manteau porter, cet automne?    BRICS : L'Afrique du sud échoue à inscrire le soutien au Polisario dans la Déclaration de Kazan    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Réseaux sociaux : Les jeunes sont-ils induits en erreur sur la migration irrégulière ? [Interview]
Publié dans Yabiladi le 19 - 09 - 2024

Début septembre au Maroc, les contenus se sont multipliés sur les réseaux sociaux, véhiculant les appels aux tentatives de migration irrégulière pour le 15 de ce mois. Ces incitations à traverser la frontière vers Ceuta ont suscité un effet de masse. Des centaines de jeunes se sont dirigés vers la ville de Fnideq, pour se lancer dans un périple à haut risque.
Au Maroc, les contenus liés à la migration irrégulière sont devenus un sujet de discussion majeur sur les réseaux sociaux. Pour analyser la question, Yabiladi a interviewé Amine Ghoulidi, chercheur en géopolitique au King's College de Londres et auteur de recherches sur l'intersection entre ces plateformes et le phénomène en Afrique du Nord.
Comment décririez-vous ces appels sur les réseaux sociaux et les réactions qu'ils ont suscité ?
Ces appels sur les réseaux sociaux et les réactions qui ont suivi démontrent la puissante capacité des réseaux sociaux à mobiliser la jeunesse en général, autour des questions migratoires en particulier. Les smartphones bombardent les jeunes internautes marocains d'un flux constant d'informations souvent non vérifiées via ces plateformes et les applications de messagerie instantanée, telles que WhatsApp. L'espace numérique est devenu un «terrain de jeu» virtuel pour beaucoup, permettant l'entrée en contact avec des pairs autour des mêmes idées et sans barrières géographiques. La réponse significative à ces appels s'aligne sur les tendances concernant l'influence croissante des réseaux sociaux sur les faits migratoires en Afrique du Nord.
Peut-on dire que la réponse à ces appels a été sans précédent, par rapport au contenu incitant à la migration ?
La réponse à ces appels a été sans précédent en termes de contenu incitant à la migration. Les publications concernant surtout la migration irrégulière n'ont jamais suscité une réaction coordonnée à une telle échelle. C'est une évolution inquiétante des tendances dans lesquelles le contenu en ligne donne lieu de plus en plus à des actions concrètes.
La situation met en évidence plusieurs failles structurelles, notamment au niveau des institutions éducatives de la famille et de l'école. Toutes deux n'ont pas réussi à jouer leur rôle le plus fondamental en tant que fournisseurs de conseils, de soutien, d'orientations et de récits constructifs.
Pensez-vous que ce phénomène prend de l'ampleur et qu'il évoluera encore, avec l'influence croissante des réseaux sociaux sur les jeunes internautes marocains ?
Le phénomène s'est amplifié, ces dernières années. Un écosystème de contenu lié à la migration est déjà en expansion sur des plateformes telles que YouTube, Instagram et TikTok. Des influenceurs axés sur le sujet et comptant un grand nombre d'abonnés émergent et monétisent leur contenu.
Sur la base de ces tendances, on peut dire que le phénomène est probablement amené à devenir plus élaboré, au fur et à mesure de l'influence des réseaux sociaux sur les jeunes marocains. Le potentiel des outils basés sur l'IA pour amplifier et personnaliser davantage le contenu lié à la migration peut rendre ce dernier encore plus convaincant et difficile à contrebalancer.
A ce titre, je voudrais souligner la responsabilité juridique et morale de ces plateformes, en travaillant avec les autorités compétentes afin non seulement d'étudier et de comprendre ces phénomènes, mais aussi de les contenir.
TikTok a probablement une entité légalement enregistrée au Maroc et est donc soumise aux lois nationales. Je ne pense pas que ses administrateurs s'opposeraient à travailler avec des chercheurs locaux, ou même les autorités compétentes, pour cartographier la viralité du contenu qui a conduit aux incidents du 15 septembre.
Que pensez-vous des autres types de contenus sur les réseaux sociaux documentant les tentatives de migration des jeunes nationaux ?
Les contenus des réseaux sociaux qui documentent les tentatives de migration des jeunes concitoyens sont divers et complexes. Ils vont des vlogs personnels et des diffusions en direct aux vidéos pédagogiques et méthodologiques sur les méthodes de traversée.
Ces contenus idéalisent souvent la vie en Europe, tout en minimisant les risques. Certaines vidéos fournissent même des informations opérationnelles détaillées sur comment franchir les frontières. Ces orientations peuvent s'avérer dangereuses, si elles sont suivies à la lettre et sans vérification.
Cet écosystème comprend à la fois des témoignages authentiques de migrants et des campagnes de désinformation potentielles. La vérification de tels contenus reste donc difficile, compte tenu de leur volume et de la vitesse à laquelle ils se propagent.
De nombreux internautes ont mis en doute l'authenticité de ces appels, affirmant qu'ils ne seraient pas spontanés et qu'ils auraient été orchestrés. Qu'en pensez-vous ?
L'authenticité de ces appels sur les réseaux sociaux peut en effet être mise en doute. Si certains peuvent être l'expression organique des aspirations des jeunes, il existe un risque que des initiatives organisées amplifient ce qui pourrait autrement être un phénomène marginal.
En théorie, les acteurs étrangers pourraient exploiter les réseaux sociaux pour manipuler la viralité de ces contenus. Cependant, il est difficile de prouver réellement que ces réseaux sont bien organisés, en raison de leur nature décentralisée et de la non-coopération des plateformes elles-mêmes.
La propagation rapide de ces appels pourrait être le résultat à la fois d'un intérêt réel et d'une amplification potentielle par des moyens non organiques. La vérification de la source et de l'intention derrière ces appels nécessite des analyses numériques poussées certes, mais qui sont bien accessibles aux autorités compétentes.
Malgré les alertes de sécurité des deux côtés, de nombreux jeunes restent dans la partie limitrophe à Ceuta ou tente de franchir la clôture. Pensez-vous que les contenus relatifs l'émigration irrégulière sur les réseaux sociaux rendent ce périlleux voyage plus facile qu'il ne l'est en réalité ?
Les contenus sur les migrations irrégulières diffusés sur les réseaux sociaux ont en effet contribué à représenter un voyage risqué comme étant plus facile et plus attrayant qu'il ne l'est réellement, ou du moins, ils le présentent comme étant plus tentant. Les influenceurs qui ont réussi ce périple partagent souvent des récits idéalisés de leurs expériences, tout en minimisant ou en omettant les difficultés.
L'immédiateté et l'authenticité perçue du contenu des réseaux sociaux peuvent créer un faux sentiment d'accessibilité et de sécurité. Cette représentation biaisée peut amener les jeunes à sous-estimer les dangers et les difficultés de la migration irrégulière, ce qui peut exposer à un grand danger.
Il est également important de souligner ici l'immédiateté de l'expérience du jeune marocain moyen et d'autres candidats à la migration issus de pays tiers en raison de la proximité géographique du Maroc avec l'Espagne. Malgré le statut juridique de Ceuta, le Maroc est techniquement le seul pays africain à partager des frontières physiques avec l'Europe.
Malgré les tentatives infructueuses de nombreux jeunes de rallier Ceuta, de nouveaux contenus sur les réseaux sociaux annoncent un nouvel afflux le 30 septembre. Prévoyez-vous que ces appels se répètent à l'avenir ?
Ces appels sont susceptibles de se reproduire. La nature cyclique de ces campagnes sur les réseaux sociaux suggère un modèle de continuité. Chaque vague, quel que soit son succès, génère du contenu et des réactions qui alimentent les tentatives futures. La persistance des facteurs socio-économiques sous-jacents à la migration, combinée à l'influence continue des plateformes, crée un environnement dans lequel ces appels peuvent gagner en popularité à plusieurs reprises.
Les appels futurs pourraient devenir plus sophistiqués, voire amplifiés par des acteurs étrangers qui pourraient exploiter l'IA et la publicité/le parrainage ciblé sur les réseaux sociaux pour atteindre les jeunes vulnérables.
Comment les parents et le gouvernement marocain peuvent contrer les contenus sur les réseaux sociaux qui incitent les jeunes à entreprendre le périlleux voyage de la migration irrégulière ?
Les réseaux sociaux ont la responsabilité légale et morale de modérer les contenus susceptibles de conduire à des activités nocives ou illégales, notamment celles encourageant la migration irrégulière périlleuse. Ces plateformes sont tenues de mettre en œuvre des politiques et des processus de modération solides, pour identifier et supprimer les publications qui incitent explicitement ou facilitent le franchissement irrégulier des frontières.
Cependant, la solution à ce problème nécessite une approche collaborative, au-delà des plateformes en elles-mêmes. Les pays de destination, en particulier l'Espagne et l'espace de l'Union européenne dans son ensemble, partagent la responsabilité de la gestion des contenus liés à la migration. Le Maroc peut travailler avec les institutions de l'UE pour des accords globaux qui obligent les plateformes à coopérer pleinement. De tels partenariats pourraient tirer parti de l'influence réglementaire et de l'expertise technologique de l'UE, en faveur de stratégies transfrontalières de modération de contenu et de mécanismes de partage d'informations plus efficaces.
Parallèlement à ces efforts, il reste essentiel d'investir dans des programmes d'alphabétisation numérique à grande échelle, à l'usage des parents et des enseignants. L'idée est d'outiller les adultes grâce aux compétences nécessaires pour maîtriser le numérique, comprendre les risques associés au contenu en ligne et guider les jeunes dans l'évaluation critique des informations qu'ils absorbent sur les médias sociaux.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.