" Kabesse ! kabesse ! " Connaissez-vous la signification de l'injonction " kabbesse ! kabbesse !" ? Si vous n'en savez rien, c'est que vous êtes l'une des rares personnes qui n'ont pas encore un compte Tik Tok. Un indice cependant pour vous aidez à y voir plus clair : C'est un mot en arabe ou plutôt en dialect khaliji (du golfe arabe) et ça veut dire " clique ". Ceci dit ce n'est pas un simple " clic " ! C'est plutôt une mise financière qui varie selon la générosité des "sponsors" visualisant les reels. Un simple tour sur Tik Tok " made in Arabia ", peut vous en apparendre plus sur le monde " fascinant " des lives, des "créateurs et créatrices de contenu " et de leur public particulier. Un public friand de vidéos aussi éclectiques que suggestives et prêts à débourser des fortunes pour en voir toujours plus. Un marché ouvert où tout ce vend même la dignité humaine. Humains à vendre ! " Des utilisateurs qui n'hésitent pas à se ridiculiser aux amateurs de rixe verbales en passant par les "danseurs" improvisés et les "allécheuses" et allécheurs offerts volontiers aux regards voyeuristes... Tik Tok est devenu un univers " malsain " qui met en danger la santé mentale des utilisateurs et spécialement du jeune public ", s'alarme Nadia Mouaâtassim, psychologue clinicienne. D'après la spécialiste, le danger de ce réseau social à succès peut prendre plusieurs formes aussi redoutables les unes que les autres. Simple application de Synchronisation labiale ( lip sync) à son lancement, le réseau social chinois mutera en 2020 pour devenir l'un des plus populaires du monde. Un succès phénoménal avec un milliard d'utilisateurs actifs par mois, dont 25 % sont âgés entre 10 et 19 ans. Des utilisateurs âgés de 4 à 15 ans qui passent en moyenne 75 minutes par jour sur l'application en subissant un flux continu de vidéos. " Cette exposition constante à des contenus souvent idéalisés peut contribuer à une pression sociale accrue. Les utilisateurs, en particulier les jeunes et moins jeunes peuvent ressentir le besoin de correspondre aux normes de beauté, de mode de vie et de "succès" présentées sur la plateforme, entraînant des problèmes d'estime de soi et d'anxiété ", déplore la psychologue. Nouveaux modèles La spécialiste met ainsi le doigt sur l'un des effets "dépravants" de Tik Tok qui propose de " nouveaux modèles " aux jeunes et met à terre le système de mérite. " Des stars et des modèles à suivre qui n'ont souvent rien de valeureux et qui au contraire adoptent des modes de vie et des comportements "pervers" ou au moins contraires à l'éthique et aux "bonnes" valeurs humaines " déplore Nadia Mouâtassim. Par comportements déparavés la spécialistes indique les lives très à la mode actuellement sur Tik Tok. Des filles jeunes et moins jeunes se trémoussant devant leurs caméras et implorant à leurs spectateurs des clics payants (lion, coronne ou rose...), des garçons proclamant leur homosexualité et en faisant un fond de commerce à rentabiliser en direct, des femmes et des hommes qui se mettent dans des postures dégradantes et s'auto-humilient pour le plaisir de la galerie, les échanges virulents en direct d'insultes et d'injures... Tout un regitsre de " thématiques" dont raffolent les utilisateurs et qui font le succès et la fortune des Tik tokeurs. " Ce faux succès est très dangereux car inspirant et motivant pour le jeune public très influençable et souvent sujet à des frustrations financières. Il voit en tik tok un moyen facile pour accéder à ses rêves", regrette la psycholoque. Le « Tik Tok brain » Substitut facile au "travail dur" et ascenceur social alternatif, Tik Tok est en train de devenir une addiction aussi bien pour ses utilisateurs lambda que pour "ses professionnels". Des études scientifiques sérieuses le confirment d'ailleurs. Estimant que l'aspect addictif de TikTok est très préoccupant, les chercheurs affirment que la conception même de la plateforme, basée sur un flux vidéo infini, peut entraîner une utilisation excessive. Une manière de "consommer l'application" qui affecte considérablement le temps passé sur des activités plus productives, comme les études ou le travail. Accrochés au fil ininterrompu des vidéos courtes, les utilisateurs et spécialement les moins jeunes, sont dangereusement exposés à la fois au contenus inappropriés et à l'effet néfaste d'une sur-consommation. Résultats ? Détérioration de la capacité d'attention, de la concentration et de la mémoire à court terme, abrutissement...Tout ceci ajouté à la forte dépendance donne forme à un nouveau syndrôme nommé : Le TikTok brain. Interdire l'accès ? Bien que TikTok offre un espace de divertissement et de créativité, il est inévitable d'ignorer ses effets négatifs potentiels sur la santé mentale, le comportement et le bien-être des utilisateurs. Des inquiétudes qui ont en effet poussé de nombreux pays à en interdire ou restreindre l'accès comme les Etats Unis, la l'Inde, France, l'Arabie Saudite, la Belgique, le Danemark, le Royaume-Unis, le Pakistan ou encore les Pays-Bas et la Norvège. Ces pays ont-ils pour autant éradiqué le mal à la source ? Est-ce là une solution fiable pour limiter les dégâts tiktokiens ? ( Voir l'entretien). Entretien "L'éducation solide peut immuniser les enfants contre l'influence de Tik Tok" Dr Hassan Baha, Professeur universitaire, spécialiste en sociologie de la communication et des médias Hassan Baha L'Observateur du Maroc et d'Afrique: Comment décrirez-vous les lives TikTok ? Hassan Baha : Les utilisateurs interviennent en temps réel dans le contexte des lives TikTok, en échangeant des commentaires, des likes et des réactions, afin de créer une expérience symbolique partagée. De nos jours, les médias exercent un pouvoir d'influence sur des questions d'actualité et accordent de ce fait une importance particulière à certains sujets. Les lives TikTok, qui constituent une plateforme de partage d'expériences et d'opinions en temps réel, apportent leur contribution à l'agenda des médias en mettant en lumière certains contenus et en déclenchant des discussions sur des sujets en particulier. On peut considérer ces lives en tant qu'espace d'interaction symbolique qui façonne la réalité sociale. Quel impact d'une telle « mode » sur le jeune public constituant la grande majorité des utilisateurs TikTok ? En effet, les médias ne se limitent pas à transmettre des messages à sens unique, mais constituent plutôt des espaces où les Utilisateurs interprètent et négocient de manière active le sens du contenu. Sur les lives de TikTok, les jeunes peuvent participer activement à la création de contenu et influencer la culture "ambiante". Les gens ont tendance à s'identifier à des personnages et à des situations médiatiques qui correspondent à leurs propres expériences. Ces lives procurent aux jeunes une plateforme pour partager des aspects de leur vie quotidienne, établissant ainsi des liens d'identité entre les créateurs de contenu et leur public. Ce processus a un impact direct sur la manière dont les jeunes construisent leur identité. Tout est à vendre sur TikTok... Même la dignité. Quelle culture et quelle éthique sont-elles véhiculées par ce réseau social ? Sur TikTok, où la viralité découle en partie de la visibilité et de la notoriété, les contenus sont souvent axés sur des éléments susceptibles de générer des vues et des interactions. Cette tendance peut entraîner une certaine standardisation et une recherche de l'approbation via des contenus à caractère sensationnel ou provocateur, et ce, parfois au détriment de la dignité de la personne. Dans la société actuelle, l'accès à l'information et la visibilité sont devenus des éléments clés. Sur TikTok, elles se traduisent par une attitude où la vie privée est mise en avant au profit de la recherche de l'attention. L'éducation fournie par la famille peut-elle immuniser les enfants contre l'influence des réseaux sociaux ? La communication symbolique est au centre du mécanisme qui permet aux individus de comprendre le monde qui les entoure. Dans le contexte de l'éducation familiale, il s'agit de la transmission de valeurs, de normes et de symboles susceptibles d'influencer la façon dont les enfants interprètent les contenus des réseaux sociaux et y réagissent. Ainsi, la théorie de la socialisation aux médias souligne le rôle de l'apprentissage social (la famille, l'école, les médias et les pairs) dans la formation du comportement des individus. Cependant, l'éducation familiale pourrait contribuer de manière décisive à immuniser les enfants contre l'influence des réseaux sociaux. Lorsque les parents offrent un cadre éducatif solide, enseignent des compétences médiatiques critiques et encouragent des valeurs positives, cela peut aider les enfants à acquérir une compréhension critique et réfléchie des contenus auxquels ils sont confrontés en ligne. Cette éducation en famille devrait donc être accompagnée de programmes éducatifs et de discussions ouvertes plus larges sur une utilisation responsable des médias sociaux. Qu'en pensez-vous de la décision de certains pays d'en interdire l'accès. Est-ce la bonne solution pour limiter les dégâts ? Tout comme les messages qu'elles transmettent, les technologies de la communication façonnent la structure et le fonctionnement de la société. Lorsqu'un pays décide d'interdire TikTok, cette mesure se traduit sans doute par le fait que la plateforme exerce une influence négative sur la société et que le gouvernement veille à préserver les valeurs qu'il juge importantes.