Un nouveau sondage avance que 74% des Français jugent l'Islam intolérant. Un sondage alarmiste qui vient s'ajouter à une longue liste de semblables. A chaque fois trois conclusions sont possibles selon que l'on accepte ou non son énnoncé. Exposé. Le Monde, dans l'enquête Ipsos «France 2013 : les nouvelles fractures», publiée hier, jeudi 24 janvier, a voulu montrer l'état global de la France, le peu de confiance que ses habitants placent en l'avenir. Après le déclin économique, la défiance vis-à-vis de la politique et la valorisation de l'autorité, ultime preuve de l'inquiétude française : 74% des Français estiment que la religion musulmane est intolérante. Si le chiffre est impressionnant - si l'on retire les musulmans des 26% restant, qui pense encore que l'Islam est tolérant ? -, il n'a rien d'une grande nouvelle. Le sondage du Monde avec l'IFOP ne fait que confirmer, comme il le reconnait lui même, ce que l'on savait déjà. Un précédent sondage, du même institut, en décembre 2010, avançait que 68% des sondés pensaient que les musulmans ne sont «pas du tout» ou «plutôt pas intégrés» et que 42% considèrent les musulmans plutôt comme une menace. Ils sont 43% à le penser, selon le même sondage pour le Figaro, un an plus tard. Face à une telle succession de sondages, au moins trois positions sont possibles : / Refuser l'analyse et casser le thermomètre. Certains sondages relatifs à la perception de l'islam sont biaisés, comme celui réalisé par le Figaro, l'an dernier. D'autres comme, celui du Monde, publié hier, dont on appréciera qu'il ne se soit pas uniquement focalisé sur l'islam, et mesurera la nuance des questions, ont encore la faiblesse d'exister car tout énoncé est aussi performatif. Cette position est d'autant plus fondée que les sondages relatifs à la perception de l'islam en France se succèdent, chaque fois plus alarmistes. La question de savoir si les interrogés s'estiment bien informés sur les communautés musulmanes n'est jamais posée. La conséquence en est que la récurrence des enquêtes portant sur l'islam et les musulmans, érige en vérités des perceptions négatives sur les communautés musulmanes de ces pays. / Prendre le sondage pour ce qu'il prétend être : une photographie à l'instant T de l'opinion publique sur l'islam. Dans ce cas, la situation est réellement alarmante et deux conclusions sont possibles : - La responsabilité en revient aux sondés : les Français. Dans l'interview qui accompagne l'article du Monde, Michel Winock, 75 ans, spécialiste de l'histoire politique et idéologique de la France contemporaine, compare la situation française actuelle avec celle de la fin du XIXe siècle ou celle des années 1930. Interrogé par le quotidien, l'historien Michel Winock considére que «c'est la résurgence des stéréotypes connus (…), la substitution de l'islamophobie à l'antisémitisme». Par rapport aux questions du sondage, il s'agit d'inverser les rôles : ce n'est pas l'islam qui est intolérant, mais ceux qui le pensent qui sont intolérants. - La responsabilité en revient aux musulmans. Il s'agit, dans ce cas de prendre le sondage au pied de la lettre et de demander aux musulmans des comptes pour l'intolérance de leur religion. Dans une interview, le philosophe Abdennour Bidar, défend cette position. : «Si, face à ces nouveaux chiffres, les musulmans une fois de plus parlent de stigmatisation (...) il s'agira une nouvelle fois d'une réaction de déni et d'auto-déresponsabilisation», lance-t-il. «C'est un avertissement à l'islam ; l'idée que l'islam a un problème avec lui-même et qu'il a du mal à se régénérer. Il est urgent que les musulmans s'interrogent de façon critique sur leur religion et sur leur communication.»