A la suite de la décision de la cour internationale de justice pour prévenir le génocide, et des mesures conservatoires que celle-ci a ordonnées en vue de lever les obstacles que dresse l'armée d'Israël contre l'arrivée des secours à leurs destinataires, l'Armée-Etat hébreux répond par les massacres et tortures a répétition et par l'intensification inouïe de la guerre biologique au moyen de la famine et de l'épidémie. Et tel est en effet le sens de la campagne que mènent Israël et les Etats-Unis aujourd'hui contre l'UNRWA. Ce nouvel épisode est la réponse faite à la plus haute cour de justice, par la plus grande puissance mondiale et son protégé, un "Etat voyou" agissant avec impunité et irresponsabilité, au cœur du Machreq, région politiquement volcanique s'il en est. La double guerre intensifiée, poussée à un paroxysme sans précèdent est la réponse de la barbarie au droit. Elle prolonge le programme des guerres précédentes visant ce que j'appellerais la "dépopulation" : supprimer ou ralentir "la bombe démographique", à savoir l'inéluctable supériorité en nombre de la population palestinienne en comparaison avec la population juive. Ce programme consiste à tuer massivement le peuple dans son écologie. Il consiste, comme on le voit aujourd'hui, à tuer par la famine, l'épidémie et l'épuisement physique. La guerre actuelle contre le peuple auquel on vole sa Terre vise à dépeupler cette terre pour que les occupants juifs s'y installent de gré ou de force. Le projet a toujours consisté à produire des réfugiés et, simultanément, les nier. Les longues années de gouvernement Netanyahu ont accéléré le programme. Ce que le Premier ministre a fait en camouflant l'évacuation des Palestiniens, ses partenaires dans le gouvernement de guerre sur Gaza le clament tout haut. Selon eux, la guerre contre le peuple palestinien doit dépeupler Gaza afin de la repeupler de colonies juives, réduisant les Palestiniens a une minorité soumise, en chassant le gros au-delà des nouvelles frontières du Grand Israël. Ce que tout le monde pense tout bas, sauf des organisations et personnalités juives, Ben Gvir le dit tout haut (New York Times, 4 février 2024). C'est dans ce contexte qu'il faut placer le dernier épisode coordonné par Israël et les Etats-Unis : la cessation de la contribution américaine aux fonds de l'UNRWA, branche de l'ONU, et consacrée spécifiquement à fournir l'aide indispensable aux réfugiés Palestiniens chassés de leur Terre par la force et la terreur de l'Etat d'Israël, à commencer par la Nakba en 1947-48. Or les Etats-Unis annoncent brutalement la cessation de sa contribution au Fonds de l'UNRWA, suivis en cela par l'UE, le Canada, la Suisse, le Japon, l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie et la Hollande (honneur à l'Espagne, au Portugal, à la Norvège, à la Belgique, au Luxembourg, à l'Ecosse et à la Slovénie qui ont refusé de rejoindre cette triste liste!). Déni du droit international Cesser les contributions au fonds de l'UNRWA, dans les conditions d'une guerre sans merci pour les civils, handicape l'agence dans sa tâche de venir en aide à ces derniers. C'est les mettre en danger de mort par la famine et les épidémies. Si bien que la décision américaine apparait comme une réponse de mépris à la Cour Internationale de Justice qui a ordonné à Israël de ne pas faire obstacle à l'aide en faveur de la population. Arrêtons-nous un peu sur les circonstances. On comprendra mieux, j'espère, l'ampleur de l'attentat contre la vie du peuple de Palestine. Je reprends ici les apports cruciaux du Global Rally Against Complicity in Gaza Genocide, organisé le 1er février 2024 et auquel j'ai assisté. J'y ajoute certains aspects de suivi des évènements tels que je les ai glanés dans la presse américaine notamment. Le 26 janvier 2024, Israël partage avec les USA un dossier d'espionnage accusant 12 employés de l'UNRWA, dont 7 maitres d'école, de participation a l'attaque du 7 octobre. Les accusations incluent l'enlèvement d'une Israélienne, le stockage de grenades lançables par rocket, le meurtre de civils dans un kibboutz. Preuves ? Conversations téléphoniques interceptées. Le rapport conclut qu'environ 1200 des 12000 employés de l'UNRWA à Gaza auraient des liens avec Hamas, et a peu près la moitié de ces 1200 auraient des parents qui appartiendraient à l' organisation "islamiste". Voilà donc : conversations téléphoniques, et quelques estimations... sans autres preuves indépendantes du circuit Gouvernement israélien-Administration américaine. Le 28 du même mois, les informations du dossier israélien paraissent dans le Wall Street Journal, organe du pouvoir financier, qu'on ne peut soupçonner de sympathie pour les Palestiniens, les Arabes ou les Musulmans en général. Le New York Times du 1er février rapporte un propos de Netanyahu du 31 janvier au sujet de UNRWA et des réfugiés : "Le moment est venu pour que la communauté internationale et l'ONU elle-même comprennent que l'on doit mettre un terme à la mission de l'UNRWA". Selon lui l'agence onusienne "en préservant la question des réfugiés Palestiniens, cherche simplement à perpétuer sa propre existence". L'Occident VS le Sud Global Toujours est-il que bien que l'ONU eut vite congédié 7 des personnes citées et ouvert une enquête, l'Administration américaine annonça sans attendre sa décision le vendredi 26 janvier, la suspension de la contribution américaine aux fonds opérationnels de l'UNRWA. Et tout se passe comme si le propos de Nethanyahu justifiait a posteriori la décision américaine ; et il en serait de même en ce qui concerne les détails parus dans le Wall Street Journal. Car la décision fut apparemment prise à la réception du dossier israélien le26 janvier. Et la justification de sa surprenante rapidité par le ministre des Affaires Etrangères Anthony Blinken parut dans le New York Times le même jour du 31 janvier que le propos de Netanyahu. Par ailleurs, M. Blinken a dit que les accusations à l'encontre de l'agence onusienne n'ont pas été confirmées indépendamment , mais jugées "hautement crédibles" (par son Département)!!! A ce point, il me parait qu'il y a quelque chose de pourri dans le royaume du Danemark, pour reprendre le mot fameux de Shakespeare. Car enfin tout cela dissimule bien mal la collusion avec Netanyahu dans ce dossier autant mal ficelé qu'immoral. Les décideurs ne sauraient en effet prétendre ne pas savoir qu'ils coupent ce que leur propres diplomates appellent la "life line" aux Palestiniens. Action qui répond aux vœux de Netanyahu. Il s'agit en fait de faire la guerre aux Palestiniens par l'autre moyen, qui consiste à supprimer tout secours à ce peuple. Il s'agit d'exécuter les enfants, les femmes, les vieux… en leur administrant une mort programmée par la suppression de l'aide aux réfugiés, et l'agence qui est en charge, on l'a dit, depuis la première Nakba, celle de 1948. L'Etat d'Israël de ce fait produit les réfugiés et, simultanément, veut nier leur existence. Netanyahu soutient que les réfugiés sont une fiction. Il est extrémiste à sa façon. Mais il n'est pas seul sur ce point. En Israël tout le monde ou presque aimerait ne pas voir les réfugiés Palestiniens et ne pas en entendre parler. Car ils incarnent le droit au retour. Et l'UNRWA maintient vivant et imprescriptible ce droit. Les palestiniens de Gaza sont pour une grande part des réfugiés de campagnes militaires et autres menées par l'Armée-Etat israélien. Cette décision constitue la réponse arrogante de son allié principal à la décision de la cour internationale de justice de la Haye. Ainsi les pays les plus opulents de l'Euro-Amérique plus l'Australie s'alignent sur la position israélienne et la décision de complicité avec la guerre génocidaire ; à l'heureuse exception de l'Espagne, Portugal, Irlande, Norvège, Ecosse, Belgique, Luxembourg et Slovénie. Tout l'Occident global s'aligne aujourd'hui derrière ce geste ethnocidaire sauf l'Espagne. Tout le Sud global s'aligne derrière la démarche Sud-Africaine, sinon représenté par l'ensemble des Etats, du moins par ces peuples en manifestations immenses, planétaires, par-delà le Nord et Sud Globaux... Les peuples du Machreq et du Maghreb agissent a l'unisson de ce Hirak mondial. Puissent certains de leurs dirigeants abandonner les illusions des "accords d'Abraham" en imposant, avec d'autres forces, un cessez le feu immédiat comme première mesure d'urgence. Mesure d'entrée dans la négociation de la paix et la sécurité pour tous les peuples de la région. Idéal qui ne peut être approché qu'au prix du droit du peuple palestinien au retour et à la fin de la dépossession, de l'Apartheid et de l'occupation, et du droit de ce peuple a son Etat souverain et à l'égalité, au regard de la loi, avec les autres peuples.