En 2023, les Etats-Unis se sont activés dans le conflit au Sahara occidental. Le contexte régional, marqué par l'arrivée de nouveaux acteurs au Sahel et en Afrique de l'Ouest, et les lacunes de l'ONU à relancer le processus politique, ont imposé à Washington une révision de sa stratégie. L'année 2023 a connu un engagement direct de l'administration Biden dans la relance du processus politique au Sahara occidental. Constatant les limites des actions de l'émissaire onusien, Staffan de Mistura, qui a échoué à réunir toutes les parties concernées autour de la même table des négociations, Washington a décidé de sortir des coulisses pour jouer sa propre partition, loin des considérations de l'ONU. En septembre dernier, les Etats-Unis ont envoyé dans la région le secrétaire d'Etat américain adjoint pour l'Afrique du Nord, Joshua Harris. Une tournée qui a coïncidé avec la visite de De Mistura au Maroc, mais avec des objectifs différents de ceux de l'Italo-Suédois. Le diplomate américain s'est rendu dans les camps de Tindouf, pour une visite de deux jours, marquée par ses entretiens avec le chef du Polisario, Brahim Ghali. Harris a mis ensuite le cap vers Alger, où il s'est réuni avec le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf. Le diplomate américain a clos sa première tournée dans la région par une rencontre, à Rabat, avec le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita. De ses réunions avec les représentants des trois parties, Joshua Harris a tiré plusieurs enseignements. De retour, en décembre, dans la région, l'étape du Polisario a sauté du programme du diplomate américain, se contentant des deux véritables acteurs dans ce conflit : le Maroc et l'Algérie. Tourner la page du statu quo «Les Américains pensent que l'heure est propice pour une solution à la question du Sahara. C'est la première fois qu'on note une réelle détermination des Etats-Unis à régler ce différend régional», explique dans des déclarations à Yabiladi, Bahi Larbi Ennass, président du Centre de paix, des études politiques et stratégiques, basé à Laayoune. «Les visites de Joshua Harris attestent que le dossier revêt, désormais, une priorité pour les Américains, qui veulent tourner la page du statu quo alors que d'autres intervenants internationaux sont déjà présents au Sahel», affirme cet ancien membre du Polisario. De son côté Salem Abdelfattah lie les deux tournées de Joshua Harris avec la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara occidental, annoncée le 10 décembre 2020 par l'ancien président Donald Trump. «Une décision que l'administration Biden n'a pas révisée», précise le président de l'Observatoire sahraoui de l'information et des droits de l'Homme. «L'engagement américain au Sahara intervient pour combler les vides politiques au Sahel et en Afrique de l'Ouest, constatés suite au recul de l'influence française dans ces deux espaces et l'arrivée de nouveaux acteurs, comme la Chine, la Russie, la Turquie et l'Iran.» «Ce forcing des Etats-Unis a permis au moins d'assouplir le rejet algérien d'une solution politique au conflit, basée sur le compromis. En témoigne l'absence des traditionnels communiqués condamnant la dernière résolution du Conseil de sécurité, 2703 adoptée le 30 octobre 2023, ou la réunion du 23 décembre à Marrakech entre le Maroc et les pays du Sahel». Pour mémoire, l'Algérie avait l'habitude de dénoncer les inaugurations de consulats de pays africains et arabes à Laayoune et Dakhla ou les précédentes résolutions de l'instance exécutive de l'ONU. L'engagement plus affirmé des Etats-Unis cette année est appelé à se poursuivre. Mais les cartes pourraient être rebrassées en novembre 2024, en cas de changement de locataire de la Maison blanche.