Partie du Maroc pour s'installer en Palestine depuis très longtemps, la famille Yaacoubi entretient toujours ses liens avec sa patrie d'origine. Aujourd'hui portant les nationalités marocaine et palestinienne à la fois, les membres de cette grande famille maintiennent la tradition des visites régulières au royaume, ainsi que leur attachement à la terre palestinienne. Depuis le siège sur Gaza, deux de ses membres ont été tués. La famille Yaacoubi fait partie de celles ayant migré du Maroc depuis très longtemps, pour s'installer durablement en Palestine. Vivant dans la bande de Gaza, assiégée depuis lundi dernier, ses membres ont compté deux morts. Youssef Zakaria et Khalil Oussama Yaacoubi s'ajoutent ainsi à la longue lignée des martyrs morts en territoire palestinien à travers les années. Originaire du village marocain de Rchida au sud de la province de Guercif, la famille «compte près de 100 personnes» en Palestine et tient à «porter les nationalités de ses deux pays», a confirmé dans son entretien à Yabiladi Yasser Yaacoubi, qui réside également à Gaza. Notre interlocuteur indique que la présence de sa famille en Palestine remonte à des siècles. «L'immigration marocaine en Palestine et l'installation durable des familles sont marquées par trois temps. En effet, les premiers à s'y être rendus ont été envoyés par le sultan almohade Abu Yusuf Yaqub al-Mansur (1184 - 1199) pour combattre aux côtés de Salâh ad-Dîn al-Ayyûbi. Ils se sont installés dans ce qui est devenu Harat al-Maghariba, constituant ainsi le noyeau des résidents les plus proches de la mosquée Al-Aqsa à Al-Qods», souligne-t-il. Par la suite, «des concitoyens pèlerins issus des convois du hajj ont afflué pour visiter la mosquée Al-Aqsa, puis ils se sont installés aux côtés des familles déjà là dans le même quartier». Enfin, le troisième marqueur de cette mobilité se situe dans la période où «des femmes marocaines ont épousé des ressortissants palestiniens», puis ont également élu domicile dans la région. Des sacrifices pour la cause palestinienne Dans ses déclarations à notre rédaction, Yasser Yaacoubi rappelle que le quartier marocain de la ville sainte «a été détruit en 1967 par l'occupation» israélienne, enclenchant une vague de déplacements forcés. Ainsi, «une partie de ces familles s'est installée à Cheikh Jarrah et Birzeit, ou encore dans les quartiers de Silwan et Al-Eizariya», tandis qu'une autre «s'est dirigée vers la Jordanie, la bande de Gaza, la Cisjordanie et un peu moins vers la Syrie». «Nous étions parmi ceux qui ont résidé depuis dans la bande de Gaza», souligne Yasser. Evoquant la situation actuelle, le ressortissant rappelle que «la souffrance vécue aujourd'hui n'est pas l'exception». «Tous les habitants de la bande de Gaza vivent les mêmes souffrances. Cette famille, la nôtre, bien que petite en Palestine, a sacrifié de nombreux martyrs, dont les derniers sont deux de mes cousins. Dans cette guerre, la maison de mon oncle a été prise pour cible par des avions F-16 et tous les membres ont été tués. Ça s'apparente à un crime nazi à l'état pur.» Yasser Yaacoubi Sahar Yaacoubi, la cousine de Yasser, a pour sa part déclaré à Yabladi que les familles dans la bande de Gaza, dont la sienne, «sacrifient ce qui [leur] est de plus précieux pour la patrie». «Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour libérer notre terre de l'occupant. Nous n'avons jamais cédé et nous ne céderons jamais à ce colonisateur perfide, qui a détruit notre pays, déplacé notre peuple, tué des personnes âgées, des femmes et des enfants et effacé tous les repères de cette nation», a-t-elle ajouté auprès de notre rédaction. Malgré le siège total annoncé par l'armée israélienne, lundi, deux jours après l'opération «Déluge d'Al-Aqsa» menée par la branche armée du Hamas sur les colonie avoisinantes, Sahar reste déterminée. «Nous sommes en confiance totale par rapport aux fait que la promesse divine sera tenue et que la victoire sera bientôt notre allié, par la volonté de dieu. Peu importe le temps long, la sournoiserie et la tyrannie de cette injustice, c'est incontestablement une victoire qui sera l'aboutissement de nos souffrances», a-t-elle insisté. «En 2004, mon cousin Ahmed Yaacoubi est mort en martyr, après avoir été visé directement au cœur devant son domicile. Lors de l'offensive de 2014, ma sœur Samar Yaacoubi est également tombée en martyre avec ses deux enfants, Saji (6 ans) et Kanan (4 ans), alors qu'elle était à son neuvième mois de grossesse. Ils ont été tués lors du bombardement d'une maison où ils s'étaient pourtant abrités, après avoir évacué la leur en redoutant justement une attaque. Durant l'offensive actuelle, mon frère Khalil Yaacoubi est mort dans le bombardement de notre domicile qui a été complètement détruit. Mon cousin Youssef Yaacoubi est tombé aussi en martyr, au début de l'opération en cours.» Sahar Yaacoubi La jeune femme endeuillée décrit que «l'occupation a détruit toutes les propriétés privées et publiques à Gaza», en plus d'avoir «coupé l'eau et l'électricité» depuis l'état de siège annoncé lundi. Dans ce sens, elle souligne que la bande de Gaza «souffre d'un état de siège continu depuis une vingtaine d'années», encore plus avec le blocus mis en place en 2007. «Ici, les habitants sont privés des choses les plus élémentaires de la vie et des droits humains les plus fondamentaux», a-t-elle ajouté. Des origines marocaines faisant la fierté de la famille Yasser Yaacoubi a par ailleurs exprimé sa fierté de ses origines marocaines. «Nous sommes fiers d'être Marocains. Nos concitoyens ont été parmi les premiers à venir en aide à Al-Qods, depuis l'époque de Saladin. Nos ancêtres sont venus en Palestine et y sont restés. Nous sommes leurs descendants et c'est une grande fierté que nous considérons être notre légion d'honneur. Nous sommes fiers de notre identité marocaine, de notre roi et de notre résistance à l'occupation», a-t-il souligné. «Notre lien à nos origines au Maroc était et est toujours très fort. Nous portons à la fois les identités palestinienne et marocaine. Le sang palestinien et marocain coule dans nos veines. Nous sommes évidemment fiers de ces deux appartenances, dieu merci.» Yasser Yaacoubi Evoquant ses liens avec le Maroc, Sahar Yaacoubi indique s'être régulièrement rendue au pays avec sa famille, notamment son mari et ses enfants. «Mon frère martyr, et avant lui ma sœur martyre, souhaitaient également obtenir la nationalité marocaine. Mais les circonstances politiques à Gaza les ont empêchés de parachever les démarches», nous a-t-elle confié. Yasser a confirmé aussi ses liens forts avec le Maroc, où il se rend «chaque année», maîtrisant autant le dialecte marocain que palestinien. «J'y ai d'ailleurs été en mars dernier. Je retrouve la famille là-bas, nous entretenons nos liens de parenté, d'affection, d'empathie et de compassion», nous confie-t-il. «Le Maroc est notre pays, sans équivoque. Ces valeurs coulent dans nos veines et nous ne les abonnons pas», a ajouté le jeune homme. Des ressortissants marocains oubliés Yasser Yaacoubi a par ailleurs exprimé son désarroi face au «manque d'intérêt porté aux Marocains de Palestine par l'ambassade du Maroc à Ramallah». Sur le plan officiel, «l'ambassadeur du Maroc, Abderrahim Meziane, n'a pas pris le temps d'initier les contacts avec les ressortissants sur place, dans les circonstances actuelles, alors que toutes leurs données sont centralisées au niveau de la représentation diplomatique», a-t-il déploré. «L'ancien ambassadeur, Mohamed Hamzaoui, entretenait les contacts avec ses concitoyens en Palestine, les rassurait et prenait l'initiative de les joindre à chaque attaque», a-t-il encore souligné. Yasser a par ailleurs regretté «l'absence de soutien» aux concitoyens marocains de la bande de Gaza, «ne serait-ce que sur le plan moral», au temps ou cette région «vit sa pire guerre en termes de bombardements et de destruction». «Nous ne demandons pas à être évacués de Gaza et nous ne la quitterons pas… L'ancien ambassadeur avait une certaine fluidité communicationnelle. C'est surtout d'un appui dont nous avons besoin», a-t-il confié. Dans ce contexte, Yasser a critiqué les voix appelant et défendant la normalisation des relations entre le Maroc et Israël, ajoutant que celles-ci cherchaient à semer la confusion au sein de la société. «Certaines voix au Maroc plébiscitent la normalisation. Nous leur disons ceci: ouvrez les yeux sur les crimes de l'occupation et soyez-en témoins. Du point de vue politique et du renseignement, Israël n'a rien à apporter au Maroc; vous avez vu ce que nos frères ont fait, il y a quelques jours. On ne peut pas associer le Maroc à des relations avec l'occupation. C'est ce sur quoi nous devons alerter nos concitoyens marocains.» Yasser Yaacoubi En plus du blocus depuis 2007, la bande de Gaza vit un état de siège total depuis lundi dernier. En proie à une attaque israélienne sans précédent, les habitants sont tués par milliers et plusieurs familles ont été déplacées. Plusieurs autres encore ont refusé de quitter leurs domiciles, partant du principe qu'elles se trouvent sur leur territoire.