En ouverture de la 16e édition du festival Jazzablanca (du 22 au 24 juin) à Casablanca, la chanteuse, compositrice et multi-instrumentiste Sona Jobarteh a fait la part belle aux sources africaines qui font son héritage et ses inspirations artistiques. Au bonheur des âmes et des oreilles, elle a laissé la magie de la kora opérer harmonieusement sur la Scène 21. Première chanteuse et musicienne à jouer de la kora, Sona Jobarteh a orchestré un émerveillement contagieux, le temps d'un concert d'ouverture lors de la seizième édition du festival Jazzablanca (22 – 24 juin 2023, Casablanca). L'artiste a plusieurs cordes à son arc : compositrice, multi-instrumentiste, éducatrice et activiste, issue d'une lignée de griots gambiens du côté paternel. Souvent en tournées internationales, elle s'est produite dans les quatre coins du monde, notamment en Afrique, bien qu'elle ait eu de moindres occasions pour monter sur scène dans son continent d'origine. C'est ainsi qu'elle a exprimé son grand bonheur de revenir à la maison, devant un public marocain qu'elle a eu la joie de retrouver. La chanteuse a conquis les festivaliers tout en étant également conquise, au point de dédier l'un de ses titres à la Gambie et au Maroc, poussant l'assistance à chanter avec elle harmonieusement et en chœur. Lors de son concert sur la Scène 21 d'Anfa Park, la native de Londres (Royaume-Uni) d'une mère anglaise a mis en avant avec brio les traditions musicales acquises de son père Sanjally Jobarteh et de son grand-père Amadu Bansang Jobarteh, grand joueur de kora. La maîtrise de cet instrument à 21 cordes, joué uniquement par les familles de griots et central dans la culture Mandingue, dont l'artiste est issue, est en effet une affaire de transmission à travers les générations, y compris celle de Sona, de son frère Tunde Jegede et de son cousin Toumani Diabaté. Imprégnée de cet héritage et fréquentant diverses écoles de musique dès l'âge de 3 ans en Angleterre, Sona Jobarteh a joué au violoncelle et à la harpe, avant de s'initier à la kora à partir de l'adolescence. En étudiant les anciens textes entièrement maîtrisés par son père, elle est devenue dépositaire d'un noble savoir-faire transmis surtout de père en fils. C'est de cette manière que la virtuose est devenue la première femme professionnelle à manier la kora en public. Festival Jazzablanca : Casablanca au rythme du jazz mondial et de la musique amazighe Parler l'universel à partir de l'héritage ancestral C'est tout ce parcours éclectique que raconte Sona Jobarteh, kora à la main, à travers sa musique et ses chansons porteuses de messages forts, entre dialogue interculturel, vivre-ensemble, valeurs ancestrales ancrées dans les cultures africaines et ode aux aînés, ainsi qu'à leurs combats pour un lendemain meilleur, comme l'a mentionné avec grâce et élégance lors de son concert. C'est d'ailleurs dans cet esprit que la koraïste est engagée dans une démarche artistique et éducative à la fois, au point d'avoir pris l'initiative de créer la Gambia Academy, en 2015. L'institut est considéré comme novateur à plusieurs égards, à commencer par son programme de formation qui n'est pas orienté uniquement vers la maîtrise du rythme et de l'harmonie. Loin de l'approche eurocentrée dans la formation musicale, Sona Jobarteh prône ici un encadrement par le biais des valeurs, de la culture et de l'Histoire de l'Afrique. Autant dire qu'elle propose une démarche d'apprentissage qui puisse être reprise dans le cadre du système éducatif de son pays, ou même d'autres pays du continent. En effet, Sona Jobarteh est partie du constat qu'une importante part du programme éducatif en Afrique reste lourdement imprégnée du système européen, basé sur la mémorisation par cœur. A la Gambia Academy, il s'agit pour elle de «décoloniser» ce système en quelque sorte, de façon à éduquer à partir d'une perspective africaine, qui prône le développement et la construction d'abord à échelle locale, pour poser les bases équitables d'un dialogue universel serein.