2 nouveaux membres de l'association de lutte pour les droits des migrants ont été arrêtés par la police. En situation irrégulière, ils seront probablement expulsés à la frontière maroco-algérienne, cette nuit. Camara Laye, un autre militant, accusé de trafic de cigarettes, restera, pour sa part, en prison jusqu'à nouvel ordre. «J'ai eu l'un des membres d'ALECMA au téléphone, il m'a dit qu'il ne voulait plus sortir, il reste terré chez lui», raconte Philippe Julinet, chargé de programmes droits des étrangers et plaidoyers pour la GADEM. Hier, en revenant de la deuxième audience du procès de Camara Laye, coordinateur du Conseil des Migrants Subsahariens au Maroc (CMSM), à Rabat, deux membres de cette association de lutte pour les droits des migrants subsahariens ont été arrêtés par la police, à Takadoum, un quartier de Rabat. Cela porte à 5, le nombre d'arrestation de militants. Parmi eux, Eric William, celui là même que nous avions interrogé, il y a une semaine exactement. Il nous avait raconté comment le secrétaire général de leur association ALECMA, Pascal Mpélé, avait été arrêté, le 19 octobre, puis expulsé à la frontière maroco-algérienne. Aujourd'hui, Eric William s'apprête à connaître le même sort. «Une trentaine de Subsahariens clandestins a été interpelée hier, en plus des deux militants. A l'heure actuelle Eric William est au commissariat d'Oujda. Ils attendent la nuit pour le renvoyer discrètement», souligne Philippe Julinet. Les membres d'ALECMA ont fondé leur association sur le principe simple que les premiers concernés, à savoir les migrants clandestins, s'organisent eux-mêmes pour défendre leurs droits ; ils deviennent donc logiquement des cibles faciles pour les zélés défenseurs de la frontière européenne. 4 arrestations en 3 semaines Au moment où ils ont été arrêtés, Eric William et son compagnon d'infortune, revenaient du procès de Camara Laye à qui ils étaient venus apporter leur soutien. Le juge de la cours correctionnelle de Rabat a refusé sa mise en libérté provisoire. Camara Laye, accusé de vente illégale de tabac et d'alcool, restera donc en prison jusqu'à la prochaine et dernière audience, le 9 novembre. Le militant est en mauvaise posture car un PV, relatant son témoignage à la police, indique qu'il était en possession, au moment de son arrestation de 3 bouteilles de vin et de 240 paquets de cigarettes. «M. Laye m'a assuré qu'il avait reconnu, lors de son interrogatoire, seulement 3 bouteilles de vin et 2 cartouches de cigarettes, soit 80 paquets», insiste Me Elkhbir Lemseguem, l'un de ses avocats. 80 contre 240 : une erreur de traduction, peut être, qui bénéficie à l'accusation. Le nombre de 240 paquets de cigarettes permettra au parquet d'affirmer que ces cigarettes étaient destinées à un trafic illégal, plutôt qu'à sa consommation personnelle. «Malheureusement, même si M. Laye revient sur sa déclaration, le PV, dans la loi marocaine est considérée comme une preuve à conviction ultime», indique Me Elkhbir Lemseguem. Rendre Camara Laye expulsable Le militant sera donc très probablement condamné à quelques mois de prison et à verser les 93 000DH de dommages et intérêts que lui réclame l'administration des Douanes, constituée partie civile, au titre des droits de douanes dus. L'objectif de ce procès est simple : expulser Camara Laye. Parce qu'il dispose d'un titre de séjour valable, il n'était pas excusable, en l'état, comme ont pu l'être les membres d'ALECMA. «Au contraire, à partir du moment où une personne est condamnée et même si la loi marocaine ne le permet que dans certains cas très précis, son titre de séjour lui est immédiatement retiré», explique Me Elkhbir Lemseguem. «Il y a de fortes chances qu'on lui retire sa carte de résident à la porte de la prison, lorsqu'il sortira, pour le reconduire immédiatement à la frontière», conclut l'avocat de Camara Laye qui garde tout de même espoir et veut croire en la justice marocaine.