La mobilisation de la société civile n'a pas été vaine. Le coordinateur du Conseil des migrants subsahariens au Maroc (CMSM), Camara Laye, a été remis en liberté vendredi 9 novembre, à l'issue de la première audience de son procès à Rabat. Un soulagement dans les rangs des militants des droits des migrants. Au lendemain de la conférence de presse que sept associations ont tenue au siège de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), jeudi 8 novembre, les militants ont observé un sit-in sous le même mot d'ordre : « Libérez Camara ! Halte à la répression contre les migrants ». Mobilisés devant le tribunal de première instance de Rabat où s'est ouvert, ce vendredi, le procès de Camara, après deux reports les 23 et 30 octobre, ils ont manifesté leur colère et revendiqué de nouveau la liberté du coordinateur CMSM. Une demande de liberté provisoire, déposée le même jour par les avocats, a finalement été acceptée et Camara a enfin été relâché. En quoi consiste l'affaire ? Camara Laye a été interpellé dans la nuit du 20 au 21 octobre près de son domicile, puis poursuivi pour vente d'alcool et de cigarettes sans autorisation. Une inculpation qui dérange les militants des droits des migrants affirmant que celle-ci se fonde uniquement sur un procès-verbal de la police. Pour le Groupe antiraciste d'accompagnement et de défense des étrangers et migrants (GADEM), « l'arrestation intervient dans un contexte de répression croissante contre les migrants et les membres de leurs organisations légitimée par une campagne médiatique et politique de stigmatisation dont participent les « Unes » discriminatoires de Maroc Hebdo du 2 novembre et d'Al Khabar du 3 novembre ». « C'est une répression injustifiée, caractérisée par un excès de zèle et l'usage abusif de la force vis-à-vis de citoyens subsahariens qui ont quitté leur terre à la recherche d'une vie meilleure », s'indigne le président du GADEM, Hicham Rachidi, au cours de la conférence de presse appelant à la libération de Camara. A l'occasion, les militants ont unanimement dénoncé « la vague de répression contre les Subsahariens » condamnant toutes les violations des droits de ces migrants rappelant que ces derniers sont souvent refoulés par les autorités marocaines vers la frontière algérienne où les attend un autre calvaire. Dans l'affaire Camara, le comité d'avocats assurant sa défense énumère plusieurs vices de forme dans l'instruction, à commencer par la violation de l'article 66 du code de procédure pénale. Celui-ci autorise le prévenu à contacter son avocat dans un délai ne dépassant pas la première moitié de sa garde à vue. Ce qui n'a pas été le cas de Camara, indique le comité soulignant, par contre, que ce dernier a bien reconnu à la police judiciaire et au parquet qu'il disposait, ce soir là, de trois bouteilles de vin achetées en sa qualité d'étranger (ce qui est légal) et de 20 paquets de cigarettes pour « une réception ». Sauf que « le PV qu'il a signé précise que la police a saisi 240 paquets de cigarettes et trois bouteilles de vin ». Le comité d'avocats s'interroge ainsi sur l'origine réelle de «cette erreur » de chiffre. « Dès qu'un officier ne maîtrise pas la langue du prévenu, il doit faire appel à un traducteur conformément à la loi. Nous n'intentons pas un procès d'intention, mais il nous semble que la traduction des propos de la sorte est d'une grande gravité. Camara a été choqué d'apprendre ce que contenait le PV qu'il a lui-même signé, alors qu'il ne pouvait le lire parce qu'il est écrit en arabe», insiste le comité de défense, ajoutant que la saisie d'une marchandise de contrebande en soi pose problème puisque la majorité des consommateurs en détient une au moins. Des irrégularités dans l'instruction « Qui de nous n'a pas chez lui une marchandise provenant du marché noir ? », se demande le comité. Et d'affirmer que l'accusation de vente ne peut être prouvée non plus. « Il n'y a pas eu de transaction quelconque. Le PV indique que Camara allait vendre sa marchandise mais où en est l'acheteur ? Pour ce genre d'accusation, le vendeur et le client doivent tous les deux être présentés au parquet pour que le dossier soit solide », fait remarquer la défense. Aucune des conditions dans lesquelles s'est déroulée l'instruction de l'affaire ne semble avoir obéi à la procédure. Poursuivi aussi pour usage de faux En état de liberté provisoire, Camara attend la seconde audience de son procès dont la date a été fixée pour le 20 du mois courant. En parallèle, ses avocats annoncent qu'il y a deux jours, il a été interrogé en prison sur l'inscription à l'école qui lui a permis d'avoir un titre de séjour. Camara fait donc l'objet d'une seconde accusation d'usage de faux pour l'obtention d'un titre de séjour et est poursuivi en état de liberté en attendant la première audience de cette seconde affaire le 20 décembre. Les sept associations mobilisées pour Camara, AMDH, ADALA, Collectif des communautés subsahariennes au Maroc, Conseil des migrants subsahariens au Maroc, Forum des alternatives Maroc, GADEM, Organisation des libertés d'information et d'expression/ OLIE, rappellent au Maroc ses engagements. Elles soulignent que le royaume a ratifié de nombreux pactes internationaux dont la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. * Tweet * *