Alors que l'Afrique peut se positionner dans le marché mondial de l'hydrogène vert, où le Maroc a déjà pris les devants grâce à ses choix stratégiques et les orientations royales, plusieurs défis persistent dans cette filiale en plein essor, selon un nouveau papier du Policy Center for the New South (PCNS). Alors que la carte mondiale de l'industrie de l'hydrogène vert est en train de se dessiner, le Maroc et les pays africains doivent surmonter plusieurs défis pour se placer en tant qu'acteurs pour cette filiale. Dans un Policy Brief publié il y a quelques jours, Mounia Boucetta, ancienne secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères et Senior Fellow au Policy Center for the New South, a rappelé que l'hydrogène vert est «de plus en plus considéré comme la ressource énergétique verte la plus prometteuse, malgré les positions sceptiques de certains experts sur son avenir», grâce aux évolutions technologiques rapides et à la baisse du prix de l'électricité à base d'énergies renouvelables. Dans cette quête pour le leadership, l'Afrique peut se positionner dans le marché mondial de l'hydrogène vert à travers quatre hubs : le Maroc, l'Egypte, la Mauritanie et l'Afrique australe, poursuit-elle, dans son Policy Brief intitulé «Le marché de l'hydrogène vert : l'équation industrielle de la transition énergétique». «Le continent pourrait produire 50 millions de tonnes d'hydrogène vert à l'horizon 2035, ce qui pourrait représenter près de 10 % du marché mondial et nécessiterait entre 680 et 1300 milliards de dollars d'ici 2050», rappelle-t-elle. Les «choix stratégiques» et les orientations royales du Maroc Le Maroc «a pris le devant» grâce aux orientations royales ainsi que ses «choix stratégiques», adoptés durant les deux dernières décennies, pour «améliorer sa compétitivité industrielle et logistique». La chercheuse cite, dans ce sens, le dernier rapport Renewable Energy Country Attractiveness Index (RECAI) qui place le Maroc «en tête de l'indice ajusté grâce à ses plans ambitieux pour le solaire, l'éolien et plus récemment l'hydrogène vert». «Les interconnexions existantes ou en projet avec l'Europe, la feuille de route de l'hydrogène vert établie en 2021, la création du cluster Green H2, les projets de dessalement en cours de réalisation ainsi que la conclusion de plusieurs partenariats, notamment avec l'Allemagne, les Pays-Bas et l'UE, renforcent le positionnement du Maroc en tant qu'acteur fiable dans le marché de l'hydrogène vert et dans la conduite des projets de grande envergure», estime-t-elle. Toutefois, «la compétition dans ce secteur ne sera pas que régionale ou continentale», alors que «les pays européens (notamment ceux du sud de la Méditerranée), envisagent aussi d'assurer 50% de leurs besoins en production interne». De plus, «plusieurs pays du Moyen Orient ont pris de l'avance grâce aux excédents liés à l'augmentation du cours de pétrole et aux partenariats conclus avec des investisseurs internationaux». De plus, bien que le Maroc «dispose d'avantages compétitifs pour approvisionner l'Europe en hydrogène vert et dérivés», le développement de cette filière «remet sur la table les questions stratégiques du développement du marché local par rapport au marché à l'export, la viabilité industrielle à travers l'intégration locale, le développement des infrastructures et l'optimisation des coûts logistiques, le cadre institutionnel et règlementaire approprié ainsi que la place réservée à la recherche et développement (RD) pour accompagner les développements technologiques». Pour la chercheuse, «le triptyque industrie-logistique-RD est plus que jamais le socle consolidé d'émergence de nouvelles filières pour assurer leur viabilité et leur résilience». Les défis du Maroc et de l'Afrique Mounia Boucetta plaide ainsi pour «l'implication de tous les acteurs nationaux dans une vision intégrée, dynamique et modulaire», afin de «maximiser les impacts locaux sur les plans économique, social et environnemental». Tout en rappelant «les défis majeurs de déploiement de l'hydrogène vert, relevés par l'Agence internationale des énergies renouvelables», qui évoquent, entre autres, «le coût de l'hydrogène vert relativement élevé par rapport aux carburants à haute teneur en carbone» ou encore «l'efficacité énergétique» et «l'évolution de la demande», le Policy Brief évoque aussi ceux de l'Afrique. Il s'agit notamment de «l'évolution de la technologie de l'électrolyse à court et moyen termes qui déterminera le programme d'investissement et le business modèle le plus viable à adopter par les Etats africains». L'objectif étant de «limiter leur forte exposition à l'endettement et pour leur permettre de générer un retour sur investissement en termes de création d'emplois et de valeur ajoutée, d'émergence d'opérateurs nationaux et de maîtrise de la technologie». Mounia Boucetta rappelle aussi que la production de l'hydrogène vert nécessite des quantités d'eau «quoique considérées non excessives (à peu près 10 l/1 kg H2)». Cela «pourraient impacter la situation hydrique des pays, ce qui appelle le choix de solutions technologiques adéquates, viables et durables qui n'accentuent pas la vulnérabilité» de ces Etats. La chercheuse plaide, enfin, pour une «stratégie volontariste» des Etats africains pour «le développement du marché intérieur et des échanges intercontinentaux».