Présents au Maroc à l'occasion du salon de la Kafala qui se tenait à Casablanca ce week-end, le directeur et le trésorier de l'association française Kafala.fr, M. Abdel Jamil et M. Kamel Marhdaoui respectivement, en ont profité pour nous rendre une petite visite dans les locaux de Yabiladi ce lundi. L'occasion idoine pour nous de les interroger au sujet de la nouvelle circulaire sur la Kafala émise par le ministre marocain de la Justice, M. Mustafa Ramid, la semaine passée. Entretien. Yabiladi : Avez-vous rencontré le ministre de la Justice, Mustafa Ramid, depuis votre arrivée au Maroc ? Abdel Jamil : «Non malheureusement, nous n'avons pas pu rencontrer M. Ramid. Cela dit, il a fait dépêcher une représentante du ministère de la Justice au salon, ce week-end [ndlr. Casablanca accueillait le salon de la Kafala ce samedi 6 et dimanche 7 octobre]. Cette dernière est venue récolter des informations et s'entretenir avec les divers acteurs associatifs concernés par la problématique de l'adoption au Maroc. Il s'agit d'une démarche d'ouverture qui démontre que le ministère de la Justice est prêt à faire des efforts et à écouter les préoccupations des Kafils, qui sont nombreuses. D'ailleurs, par sa présence, cette dame a pu comprendre le désarroi que traversent actuellement certaines familles de Kafil, en particulier les familles étrangères.» Yabiladi : Vous ne savez donc toujours pas si les dispositions de nouvelle circulaire sur la Kafala s'appliquent exclusivement aux parents d'origines étrangères ou si elles concernent aussi les parents MRE ? Abdel Jamil : «A vrai dire, les doutes se lèvent petit à petit pour les Kafils MRE. A Marrakech, un couple de MRE de France a d'ailleurs réussi à obtenir sa Kafala quelques jours après l'émission de la nouvelle circulaire, la semaine passée. Selon un recensement que nous sommes en train de faire, une dizaine de couples MRE seraient actuellement en cours de procédure de Kafala au Maroc. Le cas de Marrakech est de bon augure pour eux. D'ailleurs, nous ne devrions pas tarder à lever l'alerte pour l'ensemble des Kafils MRE.» Yabiladi : Vous ne pouvez manifestement pas en dire autant des parents étrangers. En quoi la nouvelle circulaire durcit-elle les procédures de Kafala pour eux ? Kamel Marhdaoui : «Hélas oui ! La circulaire n'est pas très 'conciliante' avec les parents d'origines étrangères. De fait, si l'ancienne loi sur la Kafala, votée en 2002, obligeaient déjà les Kafils étrangers à se convertir à l'Islam, la circulaire apporte une contrainte supplémentaire qui est l'obligation de résidence. Désormais, les Kafils espagnols, français ou originaires d'autres pays vont devoir justifier d'une présence de fait sur le territoire marocain. Le ministère a justement mis en place cette circulaire pour prévenir certains abus, comme dans le cas de ces couples espagnols qui viennent s'installer au Maroc, se convertissent à l'Islam, puis repartent aussi sec dans leur pays d'origine une fois l'enfant adopté.» Yabiladi : Mais justement, le problème de cette circulaire n'est-elle pas de partir de ces quelques cas et d'en faire une généralité ? Abdel Jamil : «Si précisément. Le paradoxe de la loi 15.01 relative à la prise en charge (kafala) des enfants abandonnés est que ses dispositions sont un peu trop limitatives mais qu'en même temps, son champ d'application est un peu trop généraliste. En d'autres termes, en plus d'être contraignante pour les Kafils, son problème est qu'elle met tout le monde dans le même panier. Mais quid des couples mixtes, franco-marocains ou hispano-marocains par exemple ? Seront-ils logés à la même enseigne que les parents étrangers dans le cadre de la nouvelle circulaire ? Quel régime appliqué dans leur cas ? Encore une fois, il existe de nombreuses zones d'ombre que nous allons devoir éclaircir au sujet de la loi et de la circulaire…» Yabiladi : Et quid de «l'intérêt supérieur de l'enfant» que la circulaire prétend vouloir défendre ? Kamel Marhdaoui : «Dans le cas des Kafalas de parents étrangers, la question se pose quelque part. Car que vont désormais devenir les enfants adoptés par les couples étrangers ? Quelles solutions le gouvernement peut-il leur apporter pour le moment ? (ndlr. selon El Pais, plus de 43 familles espagnoles seraient actuellement en procédure de Kafala au Maroc). Mieux vaut qu'un enfant ait une famille de tutelle que pas de famille du tout. Evidemment, l'idéal serait qu'il grandisse aux côtés de sa mère naturelle, mais s'il a été abandonné, doit-il pour autant rester condamner à l'orphelinat ?»