Un ami auditeur de radiomars, fin collectionneur de différentes pièces d'art, m'a offert voilà quelques mois maintenant un journal de 1952, du 6 janvier 52 plus exactement. Un document que je suis fier de détenir et qui en dit long sur l'histoire de mon pays. A la parution de ce journal, j'étais âgé de moins d'un an. Il s'agit de la Vigie Marocaine, un quotidien crée en 1908 avec comme directeur Emile Eyraud. Le titre d'ouverture du journal concerne les premiers entretiens Churchil-Truman. Un autre titre, nous sommes dans la dynamique d'après guerre, celui du milieu parle d'un "service dentaire gratuit pour les marocains" alors que celui de droite est réservé au code de la route. La photo montre l'article avec ses titres et sous titres. Quel ne fut mon étonnement à la lecture de cet article de voir que finalement le Maroc, en matière de circulation n'a point changé. Meurtrière étaient nos routes, meurtrières elles sont restées. Quand j'ai appris la malheureuse nouvelle de l'accident de Tichka, une route merveilleuse que je connais bien et que j'aime "arpenter" le plus souvent que je peux, mon premier réflexe a été de sortir et de relire l'article en question. Déjà à l'époque on parlait de durcissement des sanctions, de visites techniques, de retrait de permis par voie judiciaire et tant d'autres mesures encore d'actualité 60 ans après. C'est le même langage entendu pendant la genèse du nouveau code aujourd'hui en vigueur. Le code et autres lois n' y ont rien changé. Raisonner comme cela en 1952 était normal. Il y avait un problème et il fallait le régler. La route tuait déjà de façon alarmante alors qu'il n' y avait sur tous le réseau routier que quelques centaines de véhicules. C'est dire que la question n'est pas dans une logique de proportionnalité et de corrélation mathématique. Tant de voitures, tant de morts ou encore que les sanctions ne soient pas à la hauteur ou adaptées. Hier encore et tout au long de la semaine et des mois passés, la route a continué à être le théâtre du pire carnage possible: des morts par dizaines. C'est dire que la question n'est pas nouvelle et que les raisons doivent être trouvées au delà de l'adaptabilité des codes et de l'état des routes. Le mal est ailleurs. Il est sans doute aucun dans le manque de civisme à la base de comportements irresponsables. Si une route n'est pas bien entretenue ou dégradée c'est un manquement aux responsabilités : c'est un manque de civisme. Si un chauffeur se met au volant d'un véhicule non conforme, c'est un manque de civisme. Si un gendarme laisse filer un bus "awej" avec des pneus dégradés, c'est un manque de civisme. Si un humain ne respecte pas le code de la route et les indications de vitesse et autres, c'est un manque de civisme. Aucune loi, aucun code, aucune sanction n'y feront rien. Nos routes vont continuer à être des mouroirs de tant et tant d'innocents tant que nous manquerons de civisme. Qui parmi nous ne remarque au quotidien, par dizaines les infractions au code de la route et autres incartades commises ? Mettez vous une heure à côté d'une intersection et comptabilisez le nombre de personnes qui ne vont pas respecter les stops, les feux et les priorités. Conduisez à 120 km/h sur l'autoroute et comptabilisez le nombre de véhicules qui vont vous dépasser à bien plus, parfois à des vitesses supersoniques. Circulez sur routes et autoroutes et comptabilisez les bus tordus avec les roues avant déportées vers la droite ou la gauche par rapport à celles de derrières. Comptabilisez le nombre de passagers au delà de celui autorisé dans nos bus au quotidien. Comptabilisez les dépassements rocambolesques de taxis blancs que nous subissions tous au quotidien sur nos routes et dans nos rues et avenues. Ou zid ou zid. Ces faits ne sont pas des exceptions mais la règle. La route est un milieu sans foi ni loi et cela est un grave manque de civisme. Il y a deux relations possibles à la loi: la respecter ou en avoir peur. J'ai comme l'impression que nous sommes plus dans la peur de la loi que dans son respect et cela est un manque de civisme aussi. La loi, le code de la route sont là pour nous protéger contre nous même avant tout. Aussi longtemps que nous n'aurons pas intégré cette dimension nous continuerons à compter nos morts par dizaines sur nos routes...Une sorte de à qui le tour... En 1952 c'était déjà la même chose... Rien n'a changé. Visiter le site de l'auteur: http://azizdaouda.blogspot.com/