Pour le ministre des Affaires étrangères, il n'y a pas de crise entre le Maroc et l'Espagne. Dans son entreprise d'étouffer toutes les manifestations de tensions visibles avec Rabat, le chef de la diplomatie est allé jusqu'à affirmer, au grand dam du Polisario, que les prospections pétrolières au large de Dakhla s'opèrent «dans des eaux marocaines». Le chef de la diplomatie espagnol a comparu, jeudi soir, devant la Commission des Affaires étrangères du Sénat. Ne dérogeant pas à la règle qu'il s'est imposé depuis des mois, José Manuel Albares a balayé d'un revers de main toute tension avec le Maroc. «Je suis content qu'il n'y a pas de crise avec le Maroc en ce moment (…) Je veux une relation à la hauteur du 21ème siècle», a-t-il répondu aux questions des sénateurs. Albares a assuré qu'avec le royaume, l'objectif est «d'avoir la meilleure relation de voisinage possible» puisqu'il s'agit d'un «partenaire stratégique». Des propos qu'il ne cesse de répéter, depuis sa nomination en juillet dernier dans le sillage du limogeage d'Arancha Gonzalez, sacrifiée sur l'autel du retour à des liens apaisés avec Rabat. Pour appuyer ses dires, le chef de la diplomatie s'est félicité de la coopération marocaine dans le contrôle des frontières de Ceuta et Melilla, contre les tentatives des migrants d'y accéder de manière irrégulière. Il a également salué le fait que l'ambassadeur espagnol à Rabat assiste à nouveau à des réunions qu'organise le ministère marocain des Affaires étrangères. Acculé, Albares trouve refuge dans la langue de bois Certains sénateurs, notamment de l'opposition, peu convaincus par les déclarations rassurantes du ministre ont exigé des signaux concerts attestant d'une réelle reprise de la confiance entre les deux pays. Face à ces critiques, Albares s'est contenté de dire que «la crise est derrière nous». Au fil de la comparution, l'optimisme du ministre commence à donner des signaux de faiblesse. Par exemple, les interrogations des élus portant sur les préparatifs du prochain sommet entre le Maroc et l'Espagne, la visite de Pedro Sanchez, le retour de l'ambassadrice marocaine à Madrid, rappelée pour consultation depuis mai, et la reprise des liaisons aériennes et maritimes, ont contraint Albares au recours à la langue de bois. Ainsi, il a accusé la Covid-19 d'avoir compliqué les relations entre pays. Pour mémoire, la pandémie a été présentée, officiellement, comme la principale cause du report de la réunion du haut niveau initialement prévue le 17 décembre 2020 à Rabat. Trois jours plus tard, une forte délégation israélienne était arrivée au royaume pour signer la Déclaration conjointe entre le Maroc, Israël et les Etats-Unis. La semaine dernière, le ministre de l'Agriculture, la pêche et l'alimentation, Luis Planas a reconnu que l'absence de l'ambassadrice du Maroc «est quelque chose qui surprend un peu dans ce contexte». «Les prospections pétrolières dans des eaux marocaines» Les licences d'explorations pétrolières et gazières accordées par le Maroc à des sociétés internationales dans ses eaux atlantiques, qui aliment la controverse en Espagne, se sont invitées aussi à l'audition d'Albares. Sur ce sujet, le ministre a indiqué aux sénateurs que les rapports de l'Institut hydrographique marin, sollicités par son département, affirment que «pour le moment, toutes les recherches se situent dans les eaux marocaines», rapporte l'agence EFE. A noter qu'il a évité de parler des «eaux du Sahara occidental». Serait-ce un autre message de sa part destiné au Maroc ? Pour rappel, José Manuel Albares a déjà assuré que les autorisations accordées par le Maroc à la société israélienne Ratio Petroleum Partnership au large de Dakhla «n'affectent pas» les eaux espagnoles de l'archipel. ««Il n'y a aucun effet sur les eaux canariennes ou les eaux sous notre souveraineté nationale. C'est un contrat très similaire à ceux qui ont été conclus par le passé», avait-il répondu dans une lettre adressée en novembre au président des Iles Canaries. En revanche, sur l'affaire de la ferme piscicole marocaine prés de Chafarinas, le chef de la diplomatie a promis aux sénateurs d'«agir en conséquence». La semaine dernière, l'exécutif espagnol a reconnu pour la première fois la présence de cette ferme. «Face à l'installation d'une infrastructure piscicole dans les eaux espagnoles à proximité des Iles Chafarinas, le gouvernement a mené les actions correspondantes pour assurer le respect de la réglementation applicable, renforçant également ces actions avec une communication au Maroc par les voies diplomatiques habituelles», a répondu le ministère des Affaires étrangères à une question de sénateurs de Vox. Albares a, par ailleurs, précisé que le Maroc n'a pas encore délimité ses frontières maritimes mais «s'est doté uniquement d'un cadre juridique», rassurant les sénateurs qu'il suit la démarche marocaine «de très près». Dans son édition du 30 mars 2020, le Bulletin officiel a publié les lois établissant la souveraineté du Maroc sur l'ensemble de son domaine maritime, sauf que le tracé exact de ses frontières a été reporté jusqu'à l'adoption d'une «loi organique» devant fixer ses repères.