Des chercheurs marocains et étrangers se sont intéressés à des zones côtières entre El Jadida et Essaouira pour alerter sur la pollution de la mer par les métaux lourds, grâce à l'analyse des algues bruns qu'ils ont utilisés comme indicateurs. La contamination par les métaux lourds est un problème environnemental d'importance croissante dans de nombreuses zones côtières, surtout lorsque ces métaux se trouvent à des concentrations supérieures à certains niveaux. Une pollution accrue dans les zones côtières peut entraîner des changements dans la biodiversité des organismes marins en fonction de leur capacité et de leur résilience à prospérer dans des conditions environnementales stressantes. Alors que le Maroc n'est pas épargné de ce fléau, des chercheurs marocains des Universités Cadi Ayyad (Marrakech) et Ibn Zohr (Agadir) et mais également étrangers, se sont intéressés au sujet, se concentrant sur les macroalgues Ericaria selaginoides (d'E. selaginoides), communément appelées les algues brunes et largement répandues dans l'Atlantique Est et la mer Méditerranée. Ces macroalgues sont souvent gravement affectées par les métaux lourds. Des valeurs «significativement plus élevées» de métaux lourds Dans leur étude, publiée récemment, les chercheurs ont ainsi tenté d'évaluer le degré de pollution par les métaux lourds des eaux côtières en utilisant ces algues comme bioindicateur le long de la côte atlantique du Maroc. Pour ce faire, les chercheurs ont choisi huit stations entre El Jadida et Essaouira : deux situées à proximité de la première, trois à proximité de la ville de Safi et trois autour de la dernière. Des échantillons entiers d'Ericaria selaginoides ont été collectés entre l'automne 2018 et l'été 2019, quatre fois au début de chaque saison dans huit stations. Pour l'étude, le Maroc a connu une formidable croissance démographique, avec une accélération significative de l'urbanisation et de l'utilisation des terres à des fins industrielles et agricoles, ces dernières années. «Tous ces processus d'origine humaine ont entraîné une augmentation considérable des rejets d'un large éventail de polluants dans les eaux côtières, provoquant des effets délétères sur les divers composants de l'environnement aquatique, y compris les macroalgues», explique-t-elle. Les résultats de l'étude ont montré que cette macroalgue «n'a pas été régulièrement trouvée aux différentes stations d'échantillonnage le long de la zone d'étude au cours des 4 saisons». De plus, «elle était totalement absente pendant toute la période de recherche dans les zones industrialisées de la côte de Jorf Lasfar et de la côte de Safi». Les résultats ont également montré des valeurs «significativement plus élevées» de métaux lourds, dans certaines stations, proches de zones industrielles de la ville de Safi. «La comparaison des résultats actuels sur les métaux lourds avec ceux précédemment étudiés par d'autres auteurs a révélé que le fer prédomine sur tous les sites. Les concentrations de Cadmium (2,75 µg.g -1 DW) étaient les plus faibles parmi les 8 métaux lourds analysés chez E. selaginoides, mais cette valeur était plus élevée que celle rapportée par d'autres études. C'est aussi le cas des concentrations de Chrome et de Nickel», mettent-ils en garde. Etudier les apports, la distribution et le devenir de ces contaminants Compte tenu de la toxicité des métaux lourds, les chercheurs jugent important d'en connaître la source et ce qui leur arrive dans l'environnement. Par conséquent, ils estiment que la perte de biomasse d'E. Selaginoides et/ou son extinction complète dans certaines des localités étudiées le long des côtes atlantiques marocaines «affectent probablement négativement la richesse et l'abondance des populations locales de poissons juvéniles». «La réduction de la biomasse et éventuellement l'extinction des populations d'E. Selaginoides des sites étudiés semblent être liées à la pression croissante des activités anthropiques, conduisant principalement à des niveaux élevés de pollution par les métaux lourds», constatent les rédacteurs de l'étude, en expliquant que cette macroalgue «accumule les métaux lourds différemment dans les différentes localités étudiées et peut donc être utilisée pour surveiller les niveaux de métaux lourds dans les eaux marine». Pour gérer et contrôler rationnellement la pollution marine sur la côte atlantique du Maroc, les chercheurs déclarent qu'il est «nécessaire d'étudier tout ce qui concerne les apports, la distribution et le devenir des contaminants, y compris les métaux lourds d'origine terrestre qui se déversent dans les écosystèmes aquatiques». «Il est essentiel de s'attaquer à leurs effets sur la biodiversité des algues, en particulier dans la ville de Safi où la croissance de l'industrie s'accélère». En conclusion, les chercheurs appellent à étudier l'effet biologique de la perte de ces macroalgues sur la richesse de la biodiversité et l'abondance de la vie marine, en confirmant leur hypothèse de départ selon laquelle l'analyse des métaux lourds dans E. selaginoides donne une indication raisonnable de la qualité de l'environnement de l'eau à des points discrets le long de la zone d'étude de la côte atlantique du Maroc.