Basée sur deux approches, l'étude diagnostique sur le mariage des mineurs au Maroc, dévoilée lundi par le ministère public, s'intéresse notamment aux facteurs socio-économiques et culturels, révélant qu'un pourcentage important de ces filles mineures, soumises à des violences, finissent par divorcer ou être expulsées du domicile conjugal. La présidence du ministère public a dévoilé, lundi à Marrakech, son étude diagnostique sur le mariage des mineurs au Maroc. Elle «constitue une base très importante visant à diagnostiquer la réalité de la pratique judiciaire du mariage des mineurs, interrogeant les données de terrain contrôlant ce phénomène», indique le préambule de l'étude. Celle-ci est basée sur deux approches et composée d'un volet issu des dossiers d'autorisation de mariage de mineurs dans des tribunaux sélectionnés selon des indicateurs précis, ainsi qu'une étude terrain analysant et retraçant les conditions de ces mariages. Cette dernière a été réalisée dans la région d'Azilal, pour plusieurs considérations liées à la spécificité de sa structure géographique et démographique. Dans l'étude judiciaire, plusieurs indicateurs ont été retenus, principalement liés à l'aspect formel dans la gestion de la demande d'autorisation de mariage d'un mineur, en plus d'indicateur lié à la demande de preuve de l'état matrimonial. Elle révèle ainsi que 57% des décisions autorisant le mariage de mineurs sont rendus en un jour, contre 36% des décisions qui prennent une semaine et seulement 7% nécessitant plus que 7 jours. L'étude judiciaire reconnait ainsi que ce pourcentage élevé de demandes d'autorisation approuvées en un jour «ne permet pas d'activer l'enquête sociale par le biais de l'aide sociale, que ce soit au tribunal, ou en se rendant au domicile de la mineure pour rassembler les éléments nécessaires liées à ses conditions sociales et économiques et à son environnement familial». Des éléments qui restent nécessaire pour «le juge aux affaires familiales chargé du mariage pour approuver ou rejeter la demande», explique-t-on. De plus, ce volet pointe «le pourcentage élevé d'autorisations qui reposent uniquement sur l'enquête sociale, sans recours à l'expertise médicale». Conditions sociales difficiles et instabilité familiale Quant aux résultats de l'étude sur le terrain, les données statistiques montrent clairement que le phénomène des mariages des mineurs «n'est pas une affaire purement judiciaire». «Il s'agit plutôt d'une affaire de société, dont les causes sont multiples, qui se répartissent entre le social, l'économique, le culturel et le religieux, et ses conséquences sont complexes, affectant tous les segments de la société», poursuit l'étude. Celle-ci révèle que l'âge du mariage qui prévaut chez les mineurs victimes de mariages précoces, est compris entre 16,5 ans et 17,5 ans, grâce «principalement aux grands efforts consentis par les principaux acteurs». Toutefois, contrairement aux femmes mineures, «la plupart des maris sont âgés entre 20 et 35 ans, alors que ce pourcentage diminue significativement avant l'âge de vingt ans, et commence également à baisser après l'âge de 35 ans». Dans ce sens, «la différence d'âge prédominante entre les mineures et de leurs maris se situe entre 5 et 15 ans, suivie de la différence d'âge entre 15 et 20 ans». Il a été constaté par l'étude que la plupart des mineures mariées grandissent dans des conditions sociales difficiles. De plus, «un pourcentage important de filles qui s'apprêtent à se marier tôt, souffrent d'instabilité familiale», soit à cause du décès de l'un des parents, de leur divorce ou soit de l'abandon de l'un d'entre eux du foyer familial. «La plupart des familles de mineures n'ont pas l'idée du contrôle des naissances, elles connaissent donc une forte augmentation du nombre de leurs membres, et parmi celles-ci le pourcentage de femmes est plus élevé par rapport aux hommes», explique-t-on encore. Pauvreté, déperdition scolaire et violences Enfin, «ces mineures restent issus de familles traditionnelles qui maintiennent une répartition stéréotypée des rôles à l'intérieur du foyer, la plupart étant dirigés par le père ou un autre membre masculin de la famille, tandis que le rôle des femmes, qui ne jouissent d'aucune indépendance financière, et ne disposent d'aucun revenu stable, restent de s'occuper de la maison». A cet égard, les facteurs économiques restent aussi importants pour cerner ce phénomène, l'étude reconnaissant que «la majorité des mineures et leurs familles sont pour la plupart issus de la classe fragile et pauvre». «37,11% des cas d'acceptation de mariages précoces étaient principalement motivés par la pauvreté», fait-elle savoir, regrettant que «le mariage devient, dans certains cas, un outil de financement pour la famille». L'éducation et la déperdition scolaire sont également pointées du doigt par l'étude, qui met aussi en exergue «la mauvaise interprétation de la religion et l'interprétation erronée de certains de ses textes. «Tous ces facteurs se conjuguent pour faire des mineures mariées une composante majeure du dilemme, en raison de leur désir pour ce mariage, qui les amène à prendre la décision de se marier à un taux de 84,94%», estiment ses rédacteurs. Pour ces deniers, «les filles mineures elles-mêmes deviennent des produits de ce phénomène à travers le soutien d'un groupe d'entre elles à l'idée de marier leurs filles alors qu'elles sont mineures, et leur rejet de l'idée d'empêcher le mariage précoce». L'étude du terrain, qui a interrogé des filles mineures, alerte aussi sur les différents types de violences dont souffre cette catégorie de Marocaines. En effet, «22,3% des mineures ont été soumises aux violences de type traditionnel : violences psychologiques, physiques, sexuelles et économiques, alors que 10,48% des mineures ont été expulsées du domicile conjugal». «Un pourcentage important de mineures victimes de mariages précoces finissent par divorcer ou être expulsées du domicile conjugal», regrette-t-elle encore.