La grande majorité des mariages impliquant des filles mineures ont été autorisés au Maroc, bien qu'il s'agisse théoriquement de cas exceptionnels, ont prévenu mercredi les représentants de trois agences des Nations Unies dans le pays du Maghreb. Plus précisément, 85% des mariages de mineures conclus entre 2011 et 2018 ont reçu une autorisation judiciaire: pour se faire une idée de l'ampleur du phénomène, les agences onusiennes ont souligné qu'en 2015, 32.104 actes avaient été enregistrées dans les tribunaux, alors qu'en 2006, quelque 30.312 actes de mariages « seulement » ont été conclus. Les trois agences se sont référées aux dernières statistiques disponibles fournis par le ministère de la Justice sur ces unions, tout en mettant en garde sur le caractère « alarmant » du phénomène, ces chiffres n'incluant pas les mariages informels ni les « mariages coraniques » qui n'apparaissent pas. dans les registres d'Etat. « Les mariage de mineures met en danger la vie et la santé de ces filles et limite leurs perspectives d'avenir », ont déploré mercredi le Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap), l'Unicef et ONU Femmes dans une déclaration commune à l'issue de la journée internationale de la fille. Cette pratique est aussi « un facteur de transmission intergénérationnelle de la précarité », ont indiqué les trois agences, qui ont souligné ses effets néfastes sur les enfants et la protection qu'elles méritent. Selon la note diffusée, l'incapacité des filles (99% de ces mineures obligées de se marier) à consentir à des rapports sexuels peut les exposer à « une grossesse non désirée, à des avortements, à des infections sexuelles transmissibles, à la mortalité maternelle ou néonatale, à l'abandon scolaire, ainsi qu'à la violence conjugale « . Les trois agences ont appelé le gouvernement marocain et toutes les parties impliquées dans ce dossier à revoir les lois en vigueur sur la protection de l'enfant, à sensibiliser les familles et à promouvoir l'éducation des adolescents. Lors d'un colloque tenu plus tôt cette année, le ministère de la Justice a révélé que le nombre total de demandes de mariage d'enfants autorisées s'élevait à 25.514 en 2018, tandis que la présidente du Conseil national des droits de l'homme (CNDH) a déclaré, pour sa part, qu'elle estime à 15.000 le nombre de cas de « mariages coraniques » annuels non enregistrés. Le Mudawana (code de la famille) marocain dispose que l'âge du mariage est de 18 ans, mais l'article 20 précise que le juge de la famille peut autoriser le mariage d'un mineur « avec une décision motivée précisant les intérêts et le motif » de l'union, soutenue d'un rapport médical ou social. Plusieurs ONG dénoncent souvent que cette exception légale, devenue « une norme » alors que le mariage des mineures persiste.