Dans un arrêt inédit qui fait jurisprudence, la Cour de cassation a innocenté une mineure poursuivie par le ministère public pour «infidélité conjugale». La décision constitue une première, donnant la primauté aux dispositions internationales en termes de protection de l'enfance. La Cour de cassation à Rabat a récemment rejetté l'incrimination d'une mineure, poursuivie par le ministère public pour des faits d'adultère, sur la base d'une plainte de son mari. Il s'agit d'une décision inédite, que la plus haute juridiction a appuyée par le principe de la protection de l'enfance pour acquitter la jeune fille, âgée de 17 ans au moment des faits. Relayée mercredi par la plateforme spécialisée dans les affaires juridiques Legal Agenda, la décision a rappelé notamment les exigences de la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant, ratifiée par le Maroc. L'affaire remonte à 2019, lorsque la police a arrêté la jeune mise en cause en flagrant délit d'adultère, signalé par l'époux. Le partenaire impliqué a, pour sa part, été poursuivi pour participation à infidélité conjugale. Dans un avis qui a déjà blanchi la mineure en première instance à Essaouira, les juges ont invoqué son innocence par le fait qu'elle n'ait pas 18 ans, ce qui fait d'elle une victime de détournement et d'attentat à la pudeur plutôt qu'une coupable de faits relevant du pénal. Mais de son côté, le Parquet a fait appel de la décision, soutenant que les termes de l'article 22 du Code de la famille disposent qu'une mineure autorisée à se marier acquiert la capacité civile d'exercer le droit de recours dans toutes les questions liées aux affaires personnelles, de même que les obligations familiales et la responsabilité pénale qui vont avec. Le ministère public débouté en cassation La Cour d'appel a confirmé la décision rendue en première instance par le juge des mineurs, ce qui a poussé le ministère public à déposer un nouveau recours, cette fois-ci en cassation. Dans son action, le Parquet a soutenu que le verdict contredisait les dispositions du Code de la famille et du Code pénal à la fois. Mais la Cour de cassation a considéré dans son avis, consultable en ligne, que la décision en appel était bien fondée juridiquement. Elle a insisté que dans le cadre de telles affaires, une mineure devait être traitée en tant que victime qui mérite protection juridique, conformément à l'article 484 du même Code pénal. Il a été décidé ainsi que la jeune fille ne pouvait pas être considérée comme l'auteure principale du délit d'infidélité. En conséquence, la Cour a rejeté la demande de cassation présentée par le ministère public et a confirmé la décision en appel. La plateforme spécialisée a précisé que cet arrêt «met fin à une jurisprudence fréquente dans un certain nombre de juridictions au Maroc, où des mineures sont poursuivies en cas d'infidélité conjugale, sur la base d'une interprétation élargie des exigences de l'article 22 du Code de la famille». Maroc : Des appels pour une réforme globale du Code de la famille Ce jugement consolide une série de jurisprudences émises par la cour, dans le domaine de la lutte contre les agressions sexuelles sur les moins de 18 ans. De plus, il constitue «l'une des applications pratiques avancées dans le domaine de la mise en œuvre des accords internationaux par les juridictions marocaines», en particulier la Convention relative aux droits de l'enfant, donnant ainsi la primauté au droit international sur le droit interne, tel que prévu par la Constitution depuis 2011. Cet arrêt intervient également après les appels insistants des associations féministes, qui considèrent que le Code de la famille mérite une refonte globale pour harmoniser ses termes avec de nouvelles dispositions entrées en vigueur de 2004 à aujourd'hui et actualiser ses principes, devenus obsolètes après la réforme constitutionnelle et les évolutions législatives opérées depuis.