Le chef de la diplomatie espagnole a critiqué, hier, à Rabat, l'attitude de Christopher Ross, émissaire des Nations Unies au Sahara. C'est une première mais pour le Maroc, il n'y a pas lieu de trop se réjouir, cette déclaration a d'abord pour objectif de défendre les intérêts économiques espagnols au Maroc. «Il serait pertinent que l'émissaire spécial sur le dossier [du Sahara, ndlr] s'intéresse aux thèmes centraux et non aux thèmes accessoires.» Cette déclaration n'émane pas d'un responsable marocain mais elle est bel et bien l'oeuvre du ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel García-Margallo, lors d'un point de presse tenu, hier, mercredi 21 juin, à Rabat. Des propos presque identiques à ceux du n°2 de la diplomatie marocaine. Le 21 mai, devant les députés, Youssef Amrani soulignait que : «l'enlisement du processus politique en raison de l'absence de perspective claires dans la mesure où les réunions et les rencontres se suivent et se ressemblent sans pour autant enregistrer aucun progrès. Les questions marginales ont été privilégiées au détriment des questions de fond.» C'est une première. Jamais auparavant un officiel du voisin du nord, et de surcroît issu de la droite conservatrice, n'a évalué de cette façon les trois années de la mission de l'émissaire spécial des Nations Unies, Christopher Ross, au Sahara. Une position qui ne peut que satisfaire le gouvernement Benkirane, réclamant justement le départ du médiateur américain. Déclaration intéressée ? La déclaration espagnole s'est faite quelques jours après la signature de gros contrats entre entreprises espagnoles et entreprises publiques marocaines. La veille de la visite de José Manuel García-Margallo, Casablanca a abrité les travaux du forum maroco-espagnol des investissements avec la présence du prince Felipe et de plus de 300 entreprises espagnoles à la recherche d'opportunités au Maroc. Ce forum a été marqué par l'annonce de l'octroi par l'ONCF, à une société espagnole Assigma, d'un contrat de 87,5 millions euros pour la construction de rames pour le projet de la TGV devant relier Tanger à Casablanca. «Il ne faut pas trop se réjouir des critiques de Margallo à la mission de Christopher Ross et du coup se construire des châteaux en Espagne. Madrid est dans une situation de récession, elle a grandement besoin du Maroc comme de l'Algérie pour la relance de sa machine économique. José Manuel García-Margallo ou un autre responsable du gouvernement fera la même chose : distribuer des déclarations qui caresse le Maroc dans le sens poil pour pouvoir décrocher des contrats», estime Réda Toaujni, le président de l'association Sahara marocain. Le 15 février, à Alger, le chef de la diplomatie espagnole en visite avait déclaré à la presse que son pays «soutient une solution politique au conflit du Sahara occidental garantissant le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. L'Espagne adoptera une attitude constructive pour une solution politique juste et durable sur la question du Sahara occidental». Hier, à Rabat, José Manuel García-Margallo a évité de prononcer le terme de «Sahara occidental» se contentant de «Sahara». En Algérie il avait tenu le même type de langage diplomatique flatteur qu'au Maroc. En réponse à une question sur le terrorisme dans le Sahel, il a seulement parlé de la nécessité d'une coopération entre l'Europe et autres «pays» dans la lutte contre les groupes terroristes dans la région du Sahel.