La loi de Finances 2012 a consacré 320 millions de dirhams aux primes des fonctionnaires du ministère des Finances. Une somme qui profite, bien entendu, aux hauts cadres. Depuis une semaine, les primes des hauts commis du département des Finances marocain est au cœur d'une controverse. Le premier coup de salve a été tiré, le lundi 11 juin, par le député Abdelaziz Aftati, du PJD, accusant l'ancien ministre des Finances, Salaheddine Mezouar, l'actuel président du RNI, d'avoir touché, illégalement, des primes mensuelles estimées à 400 milles dirhams. Depuis, chacun y va de sa propre estimation sur les dépenses alloués à ces primes. Dans son édition de lundi 18 juin, le quotidien L'Economiste parlait même de 800 millions dirhams dédiés exclusivement à payer les primes des hauts fonctionnaires du ministère. Le bulletin officiel du 17 mai dernier donne un autre chiffre : 320 millions dirhams réservé à la rubrique «masses des services financiers». Cette somme couvre les primes accordées à l'ensemble des fonctionnaires de ce département avec les criantes disparités habituelles. «Ce montant a eu l'adhésion du gouvernement Benkirane et des deux Chambres du parlement. Cette caisse est alimentée essentiellement par des amendes, des ventes de marchandises saisies et d'autres sanctions», souligne Abdeslam Adib, le secrétaire général du Syndicat national du ministère des Finances, affilié à l'UMT. «Quant aux disparités, elles sont la conséquences de la réforme initiée en 1999 par Fathalla Oulalaou, à l'époque ministre des Finances. Auparavant, la différence, par exemple, entre un hors-échelle et un fonctionnaire placé à l'échelle 10 ne dépassait pas les 6000 DH. Mais à partir de cette date, nous avons assisté à des sommes de 80 milles dh par an pour un hors-échelle, 160 milles dirhams pour un chef de division, 500 000 DH pour un sous-directeur et 500 000DH pour directeur», explique Abib. Plusieurs millions pour le ministre ? Qu'en est-il de la prime du ministre du Finances ? «Difficile de donner une réponse exacte à cette question. D'aucuns avançaient le chiffre de 3 millions de dirhams par an, d'autres parlaient même de 10 millions de dirhams», soutient-il. Après le pavé d'Abdelazizi Aftati, la semaine dernière, Salaheddine Mezouar, l'ancien ministre des Finances (2007-2011) a été contraint de reconnaître une prime mensuelle de 80 milles dirhams. Cette somme multipliée par 12 donne 960 milles dirhams par an. Un pactole que Nizar Baraka, l'actuel ministre des Finances, et Azami Idrissi, ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances chargé du budget, ont refusé de toucher. Un geste rarissime de la part de deux responsables gouvernementaux. Le vendredi 15 juin, le quotidien Ittihad Ichtiraki a avancé que Fatallah Oualalou, ministre des Finances de 1998 à 2007, aurait également renoncé à ces primes. Ces affirmations n'ont été étayées d'aucune déclarations de la part du premier concerné. Au département des Finances, les disparités sont la règle. Tous les fonctionnaires ne sont pas logés à la même enseigne et il en va de mêmes au sein de ses différentes directions. «En matière de prime, la directrice des Douanes tient le haut du pavé suivi du directeur des Impôts, du Trésor général et ensuite des autres hauts cadres du ministère», révèle Abdeslam Adib. Les autres ministères distribuent également des primes Il n'y a pas que le ministère des Finances qui distribue des primes, les autres départements le font d'une manière plus discrète mais avec toujours les mêmes disparités. Les ministres sont les premiers servis. «Le principe de servir le peuple ou l'intérêt général n'est malheureusement pas assez ancré dans les mœurs. C'est donc le gain et rien que le gain qui incite, par exemple, un haut-cadre dans une banque ayant pignon sur la rue, à sacrifier un salaire mensuel de 160 ou 200 000 dirhams - sans compter les primes - à devenir ministre. Qu'est ce qui peut l'inciter à faire ce choix, sinon les primes puisque le salaire de ministre oscillant seulement entre 40 ou 70 000 DH ?», explique, sous couvert d'anonymat, un cadre au ministère de l'Enseignement. Qui contrôle toutes ces sommes distribuées à la tête du client ? Au ministère des Finances, c'est l'Inspection Générale des Finances (IGF) qui est, normalement, chargée de cette mission. «Mais est-ce qu'elle s'acquitte pleinement de ce devoir ?», s'interroge Abdeslam Abid. «Un système de copinage et de renvoi d'ascenseurs fait que l'opacité est la norme et entrave sérieusement l'IGF de mener à bien son véritable rôle de contrôle», déplore-t-il. Actuellement les experts de la Cour des comptes mènent un audit sur les primes au ministère des Finances. Ses résultats ne seront connus qu'en 2014.