En se rendant en Inde, il y a quelques années, pour y travailler, cette Casablancaise n'imaginait pas qu'elle s'y mariera et s'y installera définitivement. Aujourd'hui, elle est parvenue à relancer un projet de la famille de son mari : construire une mosquée pour la communauté musulmane de son village. Dans un village de l'état du Karnataka, au Sud-Ouest de l'Inde, une mosquée dédiée à la communauté musulmane verra bientôt le jour. Baptisée «Mosquée Mohammed VI», elle est l'œuvre d'une Marocaine installée dans le pays depuis quelques années et vient compléter le projet d'une famille indienne musulmane auquel appartient ce terrain. Abir Kenaan est célèbre sur la plateforme YouTube. Sa chaîne «Abir Marocaine en Inde» compte déjà plus de 450 000 abonnés et des millions de vue. Depuis 2019, elle partage ainsi son quotidien avec les internautes, leur faisant découvrir une culture qui fascine les Marocains, notamment les amoureux des films de Bollywood. Née à Casablanca en 1991, Abir imaginait pas, lorsqu'elle a décroché sa licence en mathématique appliquée, qu'elle s'installerait en Inde, encore moins s'y marier. «Je n'avais jamais imaginé me rendre en Inde ou y vivre. Lorsque l'opportunité s'est présentée à moi, j'étais curieuse et je voulais découvrir cette culture et ce pays lointain et où peu de Marocains se rendent», nous raconte-t-elle. «L'idée a émergé après qu'une amie a eu son stage à Chennai, capitale de l'Etat du Tamil Nadu. Je me suis dit pourquoi ne pas tenter moi aussi», se rappelle-t-elle. Quitter le Maroc pour aller travailler en Inde Amoureuse des mathématiques, elle décroche son baccalauréat en sciences math avant d'intégrer la Faculté des sciences de Ben M'Sick pour étudier les mathématiques appliquées. Sa licence en poche, Abir a eu une première expérience dans une entreprise casablancaise avant qu'une opportunité en Inde ne se présente. Dans le pays aux milliers d'ethnies différentes, elle entame ainsi à la fois un MBA (Master of Business Administration) tout en travaillant pour une compagnie d'Ingénierie, approvisionnement et gestion de la construction (EPCM), où elle rencontre son mari. Bien évidemment, en arrivant pour la première fois en Inde, «tout était différent, de la nourriture à l'accoutrement en passant par les us et coutumes» pour cette Marocaine. «Cela n'a pas été facile pour moi», confie-t-elle. «Une semaine après avoir commencé à travailler, mon équipe m'invite pour un déjeuner à l'extérieur. L'entreprise se trouve dans une zone où les gens sont végétaliens. On m'avait dit que j'allais m'amuser, mais une fois sur place, j'étais déçue. C'était un plat avec au moins 6 légumes mais il était très piquant alors que je n'aimais pas ce type d'épices.» Abir Kenaan Mais étant une personne facile à vivre et aimant découvrir, la Marocaine commence à s'adapter et à s'intégrer petit à petit, malgré les grandes différences entre les deux cultures. «Je dois beaucoup à mon mari également qui m'a aidé à m'intégrer. Ma famille était pourtant très réticente à l'idée de me rendre en Inde et de m'y marier surtout que le seul point en commun entre les cultures des deux familles est la religion musulmane», ajoute-t-elle. Si son père était «complètement opposé à l'idée», il finit par changer d'avis dès la première rencontre avec son époux. Porter le rêve d'une famille indienne musulmane Abir Kenaan doit aussi beaucoup à sa belle-mère, qui l'a «soutenue durant cette période de changement, bien qu'elle ait pris aussi un bon moment» pour l'accepter en tant que belle-fille. «C'est grâce à elle que j'ai appris la langue, qui a été un obstacle à mon intégration au début, ainsi que la cuisine indienne», déclare la jeune marocaine. Après son mariage, elle décide de démissionner pour dédier son temps à ses études et à son foyer. «Durant cette période, je me rendais aussi assez souvent au Maroc. J'en ai aussi profité pour décrocher mon MBA. En 2019, j'ai commencé à préparer ma thèse de doctorat. Actuellement, ce projet est en suspens à cause notamment de la pandémie du nouveau coronavirus mais aussi pour un autre projet. En effet, Abir, qui vit au sein d'un village de Dadi, avec une population musulmane, a décidé d'y construire une mosquée. «Le terrain appartient au grand-père de la belle-mère. Depuis des années, la famille a tenté d'y construire un lieu de prière. Ils avaient alors construit une petite salle de prière, sans parvenir à achever le projet», explique-t-elle. Et d'ajouter que la famille de son mari avait rencontré beaucoup de difficultés sur ce projet, surtout que la majorité des gens ici sont adeptes de l'hindouisme, contre 10% de musulmans. «J'ai constaté que les musulmans, bien qu'ils soient moins nombreux, n'avaient pas un lieu de prière digne, contre plusieurs grands lieux de cultes pour les hindous dans la région. J'ai donc pris la décision de relancer ce projet, en déposant des demandes d'autorisation.» Abir Kenaan Cette nouvelle aventure n'a pas été facile. Après six mois de démarche et de procédures, le projet finit par démarrer. «Je suis finalement parvenue à commencer sa construction, grâce à des dons de ma famille et celle de mon mari, les revenus de ma chaîne YouTube et des bienfaiteurs des quatre coins du monde», se félicite la Marocaine qui espère que les musulmans de plusieurs pays puissent se réunir sous le toit de ce lieu de prière qui porte désormais le nom du roi Mohammed VI.