Rattrapées par l'histoire avec son lot de catastrophes naturelles oubliées, les régions nord du Maroc doivent se préparer à affronter de nouveaux risques de tsunamis. Cette fois-ci, les vagues pourraient être générées par des failles décrochantes, identifiées dans la mer d'Alboran. Le Conseil supérieur de la recherche scientifique (CSIC) en Espagne a finalisé une nouvelle étude, où des chercheurs ont conclu qu'une faille décrochante au niveau de la mer d'Alboran était susceptible de générer des tsunamis plus importants qu'on ne le pense. Face à ce risque, les systèmes d'alerte actuels seraient inefficaces, au vu de la rapidité avec lesquelles ces vagues pourraient se constituer et atteindre les côtes. Les chercheurs ont notamment identifié la «faille d'Averroès», au niveau de la zone centrale de la mer d'Alboran, ainsi que d'autres failles constituant une déformation du fond marin et pouvant provoquer des tsunamis, avec des vagues jusqu'à six mètres de hauteur. Elles pourraient rejoindre la côte en 20 à 30 minutes seulement. En cas d'épisode sismique sur cette faille étudiée, les vagues du tsunami se propageraient en deux branches principales. La première pourrait atteindre le sud de l'Espagne et la seconde gagnerait le nord du Maroc, dans les régions de M'diq, Gourougou et la zone portuaire de Nador. Jusqu'à présent, seules les failles normales et inverses ont été considérées comme capables de générer des tsunamis. Les failles décrochantes comme celle d'Averroès ont également une capacité à générer des séismes d'une magnitude 7, dont l'impact peut s'étendre jusqu'à 38 kilomètres. Elle offre d'ailleurs «une opportunité fondamentale pour analyser ce mécanisme, à savoir, la décalage du fond marin concentré à la pointe nord de la faille», indique l'étude, publiée mardi sur la revue Scientific reports. La modélisation de la propagation des tsunamis liée à la déformation du fond marin fournit justement «un moyen d'évaluer le risque tsunami potentiel des pointes de failles décrochantes». L'étude a également modélisé un «déplacement co-sismique rapide du fond marin en considérant une faille verticale d'une longueur de 22 km s'étendant jusqu'à une profondeur de 10 km et un glissement net uniforme de 5,4 m». «Après un tremblement de terre, il est crucial que les systèmes d'alerte précoce émettent une évaluation rapide tout en minimisant les fausses alertes, en fonction de la magnitude de l'événement, du mécanisme focal et du déclencheur potentiel de tsunamis.» Affronter de multiples risques de tsunamis, un défi pour l'avenir Les chercheurs rappellent d'ailleurs que ces vagues représentent une menace pour les populations des côtes concernées, connues pour constituer des points importants de regroupement d'habitants et d'infrastructure portuaire ou économique. Son endommagement est fortement susceptible de provoquer des crises économique et environnementale conséquentes, d'où l'importance de ces résultats «pour améliorer les mesures de planification visant à atténuer l'impact d'un éventuel tsunami». Dans ce sens, les chercheurs rappellent que les archives historiques indiquent que le dernier tremblement de terre généré par cette fracture pourrait avoir eu lieu en l'an 365. De ce fait, ils alertent sur l'importance de tenir compte de ce nouveau potentiel pour réévaluer les systèmes d'alerte précoce aux tsunamis. Histoire : Comment le Maroc a été impacté par le «séisme de Lisbonne» Cette mise en garde n'est pas sans rappeler de précédentes catastrophes naturelles, vécues justement dans la région ouest du bassin méditerranéen. Parmi eux, le tremblement de terre de Lisbonne (1755), d'une magnitude entre 8,5 et 8,7, a été ressenti jusqu'à Fès et Meknès. Comme résultat du tsunami ayant accompagné le drame, «la mer aurait pénétré sur 2,5 km à l'intérieur des terres comme à Tanger et la hauteur des vagues aurait dépassé les dizaines de mètres dans certains endroits de la côte», a raconté Mohammed Ibn al-Tayyib Al-Qadiri (1712-1773) en documentant les événements. «L'on a reçu des nouvelles de Salé, où la mer s'est retirée très loin et la population est sortie pour contempler ce spectacle de désolation ; mais le flot est revenu vers le rivage et s'est rapidement avancé vers l'intérieur des terres (…) submergeant tous les gens se trouvant en dehors de la ville», raconte encore Al-Qadiri. Les villes donnant sur l'océan Atlantique ne sont pas moins exposées. Dans un pays où plus de 73% des habitants vivent entre Tanger et Essaouira, des spécialistes au Maroc ont précédemment appelé à ne pas oublier les effets du tsunami de 1755, qui «peut se reproduire à tout moment, avec une probabilité centenaire, ce que les Américains appellent le Big One auquel ils se préparent dès maintenant».