Le ministre de la Justice estime que les chiffres des mariages des mineurs sont en baisse. Deux personnes apportent un autre son de cloche de cette version, à savoir le ministre lui-même en janvier 2020 et le président du ministère public, Moulay El Hassan Daki le 13 avril dernier. Le ministre de la Justice, Mohamed Ben Abdelkader, s'est félicité de la baisse du nombre de mariage des mineurs d'année en année, rapporte la MAP. Une annonce faite par le socialiste, lors d'un séminaire organisé hier et consacré à la présentation du «Guide juridique pour les femmes victimes d'infraction ou de violation de droits», réalisé par l'Association «Jossour-Forum des femmes marocaines». Le ministre a souligné que l'année 2014 a enregistré un total de 33 489 actes de ce type de mariage, contre 30 230 actes en 2015 et 27 205 en 2016. Pour le responsable, ces chiffres ont continué leur tendance baissière au cours des années suivantes, atteignant 20 738 actes en 2019, contre 12 600 l'année suivante, soit 6,48% du nombre total des actes de mariage conclus en 2020. Des estimations à prendre avec des pincettes. La première personne à les démentir est justement Mohamed Ben Abdelkader lui-même. Le 21 janvier 2020, à l'occasion d'une réunion à la Chambre des représentants, il avait affirmé qu'en 2018 environ 32 000 demandes de mariages de mineures ont été enregistrées dont 26 000 ont été acceptées par la justice marocaine, soit un taux de 81%. Et d'indiquer alors que la situation est «catastrophique». Le président du Ministère public contredit l'optimisme de Ben Abdelkader Un autre témoignage apporte un sérieux démenti au satisfecit de Mohamed Ben Abdelkader. Il porte la signature de Moulay El Hassan Daki. Quelques semaines après sa nomination, le 23 mars, par le roi Mohammed VI à la tête du ministère public, il a animé un colloque organisé à Marrakech par son département sur le mariage des mineurs. «Les autorisations pour le mariage des mineures sont en hausse continue au Maroc», a-t-il déploré. «Ce phénomène est d'une grande actualité dans la société marocaine, vu son impact direct sur les droits de l'enfant, tels qu'énoncés dans les conventions internationales y afférentes». Et de constater que «les statistiques officielles ne reflètent pas véritablement la réalité, en raison de cas de mariages de mineures passés inaperçus et non pris en compte officiellement, tels que les mariages coutumiers», rapporte la MAP. Le mariage des mineurs est appelé à durer tant que les parlementaires ne parviennent pas à mettre de côté leurs divergences et abroger l'article 20 du Code de la Famille, en vigueur depuis 2004. Le texte énonce, en effet, que «le juge de la famille chargé du mariage peut autoriser le mariage du garçon et de la fille avant l'âge de la capacité matrimoniale prévu à l'Article 19 (18 ans), par décision motivée précisant l'intérêt et les motifs justifiant ce mariage». Pour mémoire, le PPS avait présenté, en 2014, une proposition de loi préconisant le respect total de l'article 19 du texte de la Moudawana. Les islamistes du PJD avaient emboîté le pas aux camarades de Mohamed Nabil Benabdallah par une initiative législatives limitant les autorisations accordées aux juges seulement pour les mariages des mineurs âgés de 16 et 17 ans. Depuis, rien n'a été entrepris.