Les associations féministes ne décolèrent pas. Des militantes ont critiqué la note du Haut-commissariat au plan (HCP), consacrée à la «prévalence de la violence subie par les hommes dans les différents espaces de vie». L'Association démocratique des droits des femmes (ADFM) y voit des failles méthodologiques qui risquent de prêter à confusion. Au lendemain de la publication d'une note relative à la «prévalence de la violence subie par les hommes dans les différents espaces de vie» par le Haut-commissariat au plan (HCP), l'Association démocratique des droits des femmes (ADFM) a fait part de sa «consternation» quant à l'approche adoptée dans cette enquête, qui a porté sur un échantillon de 3 000 personnes. Le document du HCP apprend notamment que la violence subie par les hommes dans le cadre d'un couple est plus remarquée dans des relations extra-conjugales, ce qui est le cas chez «54% parmi les hommes célibataires ayant eu une fiancée ou une partenaire intime au cours des 12 mois précédant l'enquête contre 28% parmi les mariés». Cette violence «se manifeste surtout sous une forme psychologique», qui prend forme de «comportements dominateurs» portant atteinte à la liberté ainsi que de la «violence émotionnelle». Le HCP a noté que «les comportements dominateurs» se traduisent principalement par «des manifestations de colère ou de jalousie de la part de la femme». Ce serait le cas lorsque le partenaire «parle à une autre femme» et ce traitement se traduirait par une insistance «exagérée» de savoir où se trouve le partenaire. La violence émotionnelle, selon le HCP, se manifeste par «le refus de la partenaire de parler à son conjoint pendant plusieurs jours», ou encore par «humiliation ou rabaissement». Une confusion des approches sur les violences basées sur le genre Pour l'ADFM, la sortie de cette note de neuf pages est problématique à plusieurs égards. «Elle nous donne l'impression que l'on inverse les situations d'une violence structurelle basée sur le genre et décrite dans les dispositions légales nationales et internationales, alors qu'il faut bien souligner que la violence qui vise les hommes n'est pas structurelle, en ce fait qu'elle n'implique pas une construction historique, civilisationnelle, mondiale, sociétale et politique ou économique», a déclaré à Yabiladi une responsable au sein de l'ONG. Selon elle, cette différence est singulièrement profonde et «nécessite une lecture sociologique, psychologique et scientifique qui ne se cantonne pas à reprendre le schéma de la violence basée sur le genre et le calquer sur la violence en tant que phénomène sociétal rattaché à toutes les sociétés du monde». «On peut parler d'une violence en tant que phénomène social. Mais nous ne parlerons pas dans ce cas-là d'une violence structurelle comme celle visant les femmes par le fait qu'elles soient des femmes en situation de vulnérabilité et donc en proie à la domination masculine, au sein d'une construction patriarcale, où nous parlons même de féminicides. Lorsqu'une violence vise les hommes comme décrit dans la note, cela ne se fait pas dans une structure matriarcale de domination féminine, donc nous ne pouvons pas l'analyser avec la même approche.» ADFM C'est ainsi que l'ADFM indique à Yabiladi que la démarche analytique et méthodologique adoptée dans cette enquête «dénote d'une non-compréhension de la violence basée sur le genre comme elle est déterminée sous différentes disciplines, ce qui fait que l'approche, la méthodologie et les définitions présentées dans cette note sont erronées». Rectifier le tir en éclairant l'opinion publique Dans ses déclarations à Yabiladi, l'ONG estime nécessaire que le HCP «rectifie le tir» à travers «un communiqué qui explique que cette note n'aborde pas un phénomène basé sur le genre, afin de ne pas créer chez l'opinion publique une confusion de sens». «Nous avons beaucoup travaillé sur la sensibilisation de tous les intervenants sur les questions du genre, auprès des médias, des instituons, des ministères, pour s'approprier la question. Nous pouvons nous féliciter du capital important accumulé en la matière, surtout lorsque nous savons que cette démarche a fait aujourd'hui que les budgets au niveau du ministère des Finances sont gendarisés», nous confie encore l'ADFM. «Si après tout ce travail accumulé depuis plus de vingt ans, nous nous contentons simplement d'inverser les rôles dans des situations réelles, cela veut dire que pour s'émanciper des violences qui les visent, les hommes doivent suivre le même chemin que celui traversé par les femmes…» ADFM Au lendemain de la publication de cette note, l'ADFM a aussi publié un communiqué, où elle considère que «le recours par le HCP à des concepts, typologies et formes inscrites universellement dans le champ d'étude du phénomène de violence faites aux femmes pour mesurer ce qui est appelé "la violence subie par les hommes" est irrecevable au plan scientifique et méthodologique au vu du consensus mondial reconnaissant la violence envers les femmes comme une violation des droits humains, une discrimination pour motif de sexe et une atteinte à leur liberté et dignité». «De ce point de vue, il est inconcevable d'appréhender les violences fondées sur le genre au même titre et de la même manière que toutes les autres violences», a estimé l'ONG.