Ne pas laisser le terrain médiatique aux seuls partisans de l'Algérie et du Polisario réclamant l'annulation de la reconnaissance de la marocanité du Sahara à Joe Biden. C'est la mission que s'est donnée Nasser Bourita. Presque deux mois après la reconnaissance de l'administration Trump de la marocanité du Sahara, le ministre des Affaires étrangères a pris sa plume pour expliquer les bienfaits du décret présidentiel qui «nous rapproche d'une solution», écrit-il dans une opération de communication d'envergure. En témoigne, les supports internationaux ayant publié la tribune signée par Nasser Bourita : Jeune Afrique, Achark Al Awsat, El Mundo,... Dans son texte, le chef de la diplomatie précise que la décision des Etats-Unis «n'a laissé personne indifférent. Elle en a surpris certains et a conforté de nombreux autres dans leur opinion. Partout, elle a fait couler beaucoup d'encre. Elle en a aussi conduit quelques-uns à se faire un sang d'encre». Bourita affirme que cette reconnaissance ne relève pas du hasard mais est le fruit d'un cheminement logique, rappelant à cet égard que l'initiative marocaine d'autonomie est «le résultat de consultations approfondies entre le roi et l'administration Clinton. Soumise en concertation avec l'administration Bush, républicaine, elle a ensuite été soutenue par l'administration Obama, démocrate. Ces administrations successives ont toutes apporté leur appui à l'autonomie comme solution à ce différend régional». Pour mémoire, Hillary Clinton, alors à la tête de la diplomatie américaine, avait qualifié «le plan d'autonomie marocain de sérieux, réaliste et crédible», à l'occasion d'un point de presse tenu le 24 mars 2011 au royaume. Bourita répond à la mobilisation des partisans de l'Algérie «Au-delà du soutien qu'ils apportent au Maroc à travers des déclarations politiques publiques, les Etats-Unis lui rendent disponibles, depuis 2015, une ligne financière au profit des provinces du Sahara marocain», indique le ministre des Affaires étrangères. Il est lieu de rappeler que c'est sous le deuxième mandat de Barack Obama que Washington a élargi les interventions de son assistance financière, à travers l'USAID, à des projets de développement lancés par le royaume au Sahara. Une décision prise lors de la réunion entre le roi Mohammed VI et Obama, le 22 novembre 2013 à Washington. Nasser Bourita affirme, par ailleurs, que «la proclamation américaine est aussi en phase avec l'évolution du dossier au sein des Nations unies. D'abord à travers les déclarations de nombreux anciens envoyés onusiens qui avaient martelé que "l'indépendance du Sahara" n'était pas une option réaliste». Bien entendu, le ministre des Affaires étrangères ne se réfère pas à James Baker ou à Christopher Ross qui ont ouvertement dénoncé la reconnaissance par Donald Trump de la marocanité du Sahara. Seul le Néerlandais Peter van Walsum a tenu de tels propos. En revanche, l'Allemand Horst Köhler observe encore le silence. Côté timing, la tribune de Nasser Bourita intervient alors que le lobby algérien aux Etats-Unis a réussi à mobiliser 45 universitaires et juristes de différentes nationalités pour demander au président Joe Biden d'annuler la reconnaissance de son prédécesseur de la marocanité du Sahara. Une campagne à laquelle vient d'adhérer les députés algériens. Sans oublier de mentionner que John Bolton ne cesse de demander à l'actuel locataire de la Maison blanche de réviser le décret pris par Trump. La décision du 10 décembre de Donald Trump a eu un impact majeur sur la médiatisation de la question du Sahara. Une fois n'est pas coutume, le dossier n'est plus à la Une de l'actualité internationale que lors des échéances d'avril ou d'octobre au Conseil de sécurité. Le sénateur James Inhofe l'a soulevé, le 19 janvier, à l'occasion de l'audition du chef du Pentagone le général Lloyd Austin devant la commission de Défense du Sénat. Antony Blinken a éludé une question sur le même sujet au cours de sa première conférence de presse en sa qualité de chef de diplomatie. C'est dire la sensibilité du dossier dans un contexte nouveau qui a rendu nécessaire les sorties médiatiques du chef de la diplomatie et de certains ambassadeurs parallèlement aux négociations avec l'administration Biden qui se tiennent quant à elles à l'abri des caméras.