La stratégie de Nicolas Sarkozy à l'approche du deuxième tour de la présidentielle, n'est plus seulement de stigmatiser les musulmans, mais elle est également de rapprocher François Hollande des musulmans voire de l'islamisme. Objectif : empêcher le candidat socialiste de bénéficier d'un report de voix du Front National et renforcer celui dont Nicolas Sarkozy va lui-même bénéficier. «La preuve a été apportée que M. Ramadan se mobilise contre moi et soutient M. Hollande. Quand il y a deux candidats et que M. Ramadan – dont je conteste qu'il soit un intellectuel, parce qu'un homme qui est capable de demander un moratoire sur la lapidation des femmes adultères, cet homme n'a pas le droit de cité – dit «je veux faire battre M. Sarkozy» [c'est qu'il soutient M. Hollande, ndlr] […] Chacun a ses soutiens. Moi je suis très heureux que M. Ramadan, qui fait la honte d'un certains nombre de nos compatriotes qui méritent d'être mieux représentés, …» a affirmé Nicolas Sarkozy, hier soir, jeudi 26 avril, sur France 2 (52e minute), dans le cadre de l'émission des Paroles et des Actes, avant d'être interrompu par David Pujadas. Peut-être voulait-il finir : «heureux que M. Ramadan apporte son soutien à M. Hollande plutôt qu'à moi-même.» Cette sortie médiatique fait suite à une autre remarque, sur France Inter, plus tôt dans la journée, du même candidat à la présidentielle : «Le 11 mars 2012, à Lyon, dans le cadre du printemps des quartiers, Tariq Ramadan a appelé publiquement à voter pour François Hollande ou pour un parti politique qui serve l'islam.» En rapprochant François Hollande de l'islam et de Tariq Ramadan, parce qu'il représente une figure musulmane médiatique très critiquée en France, il associe directement son opposant à ce que les électeurs de Marine Le Pen repoussent. Depuis hier, Tariq Ramadan, qui s'était déjà justifié, explique « J'ai dit qu'il ne devait pas y avoir de consigne de vote musulman, que cela ne voulait rien dire. J'ai simplement appelé les citoyens français, de confession musulmane ou autre, à voter en conscience et à faire le bilan de la politique de Nicolas Sarkozy, qui est très mauvaise». Dans un billet d'humeur et avec beaucoup d'ironie, sur son blog, il lance même un appel à voter Nicolas Sarkozy. Si Tariq Ramadan nie tout soutien à François Hollande c'est peut être autant par conviction profonde que par crainte de voir son soutien produire le contraire de l'effet escompté. L'ironie de son dernier billet peut être également interprétée comme une façon de reporter sur Nicolas Sarkozy, l'ostracisme dont il fait lui-même l'objet, en lui apportant «son soutien». Reporter sur Hollande l'ostracisation des musulmans Déjà le 25 avril, sur TF1, Nicolas Sarkozy avait dénoncé sur TF1 le soutien de François Hollande par 700 mosquées. Un discours repris plus tôt dans la même journée par les membres de l'UMP. «Je tiens à dénoncer l'attitude complice et irresponsable du Parti socialiste et de son candidat suite à l'appel en faveur de François Hollande lancé par certains représentants religieux faisant partie d'un réseau de près de 700 mosquées», s'enflammait le député UMP des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, dans un communiqué. Abderrahmane Dahmane, ancien conseiller de Sarkozy, a effectivement reconnu dans Le Point être l'initiateur de la mobilisation des mosquées en faveur de François Hollande. Ces trois derniers jours, Nicolas Sarkozy tente donc de rapprocher à toute force François Hollande des musulmans et de l'islam, pour l'éloigner des électeurs du Front National qu'il convoite pour lui seul. Sa stratégie tente de masquer un élément : François Hollande a «bénéficié» de ces soutiens sans jamais, semble-t-il, les avoir sollicités. Abderrahmane Dahmane l'assure et tout auditeur de l'actuel débat électoral le croira sans peine tant la volonté de François Hollande de se rapprocher de l'auditoire de Marine Le Pen est forte. Hier soir, dans le débat indirect mené sur France 2, dans la même émission, il a refusé de s'exprimer clairement sur la question de l'immigration, de même qu'il le fait depuis plusieurs mois. Le Parti socialiste, sur cette dernière question, a choisi de ne pas choisir et poursuit avec obstination sa stratégie d'évitement. Seule entorse à la règle, ce matin même, François Hollande a indiqué, sur RTL, «dans une période de crise, la limitation de l'immigration économique est nécessaire, indispensable». La stratégie de Nicolas Sarkozy de lui attribuer les soutiens de musulmans, et par extension, dans l'imaginaire collectif des électeurs du Front National, des immigrés eux-mêmes, ne peut qu'embarrasser le candidat socialiste dans sa volonté de les séduire.