Le plus rapide passage dans un ministère… Nabila Rmili, maire de Casablanca et désormais ex-ministre de la Santé et de la Protection sociale, a quitté le gouvernement moins d'une semaine après y avoir été nommée et après avoir effectué sa passation avec son prédécesseur, et depuis hier successeur, Khalid Aït Taleb. Une bonne nouvelle, donc, et quelques questions… 1/ Le pouvoir de la société civile. Nous le disions, et aujourd'hui, la dure réalité le prouve : l'opposition aujourd'hui n'est plus celle des partis supposés l'assurer. Elle est le fait de la société civile, médias, réseaux sociaux et rue. Depuis la désignation par le roi Mohammed VI des 24 ministres qui accompagneront M. Akhannouch dans son aventure quinquennale, les Casablancais ne décolèrent pas contre leur maire. Conscient des grands enjeux de leur métropole, ils ont rejeté en bloc les petits jeux de Mme Rmili. Il faut cependant retenir cette bonne nouvelle qui est celle de l'écoute et de la réactivité des dirigeants au grondement citoyen. Réputé être un bulldozer qui ne plie pas, Aziz Akhannouch a dû se résoudre à le faire cette fois, obligeant Nabila Rmili, cadre RNI ultra-loyale, à jeter l'éponge, car personne ne croira que l'initiative soit venue d'elle, elle qui avait fait élire son époux, promoteur immobilier, à la vice-présidence de cette grande ville de l'immobilier qu'est Casablanca et qui était si heureuse de se retrouver au gouvernement. 2/ Injustice pour les Marrakchis. La Ville ocre, à son tour, voit sa maire appelée à de hautes et très prenantes fonctions à Rabat. Elle devra s'y occuper de l'aménagement du territoire national, de l'urbanisme, de l'habitat, de la politique de la ville, et du PAM. Or, Marrakech est à 300 km de la capitale et la journée ne dépasse jamais 24 heures… Marrakech est aussi une ville sinistrée, avec son activité touristique quasiment à l'arrêt et, avec le maintien des restrictions, sans perspective riante pour les prochains mois. Et, enfin, Marrakech, ville cosmopolite, universelle, gagnerait et mériterait d'avoir une maire de la qualité de Mme Fatima-Zahra Mansouri, à demeure et non se servant de « sa » ville comme d'un escabeau ! Lorsque les Marrakchis constateront la différence de traitement entre eux et leurs semblables Casablancais, ils auront des raisons aussi valables que sérieuses de colère accrue, eux qui sont pourtant connus pour leur gouaille inégalable et leur bonne humeur éternelle ! 3/ Les autres cumuls de mandats. Mme Rmili a été empêchée de cumuler les mandats en quittant le gouvernement, et Mme Mansouri sera tôt ou tard appelée à lui emboîter le pas, ou de démissionner de la mairie, selon l'article 21 de la loi organique 113-14, ouvrant sur une nouvelle élection de maire ; il devrait donc en aller de même pour les autres cumulards au gouvernement que sont Abdellatif Ouahbi (maire de Taroudant) et Aziz Akhannouch lui-même. Si, pour le second, le cumul peut faire sens en raison du nouveau statut d'Agadir comme ville du centre appelée à recevoir des investissements et des infrastructures relevant directement du pouvoir central, pour le premier, on peut penser qu'il est préférable pour Taroudant – ville marginalisée – d'être dirigée par un maire certes absent mais ministre de la Justice que par un maire présent mais dont la notoriété et l'influence ne sont que locales… sans compter que depuis la création de la présidence du parquet, le ministre de la Justice n'a plus grand-chose à faire… 4/ La représentation féminine au gouvernement. Le Pr Khalid Aït Taleb, ministre de la Santé sortant puis revenant, sorti mais finalement revenu, est un technocrate qui, contrairement à tant de ses collègues ministres, n'est affilé à aucun parti. Être ministre de la Santé dans le gouvernement Akhannouch, c'est être en charge d'une double mission, claire et bien définie : lancer le chantier de la protection sociale et hisser la Santé au niveau requis. Il existe tant de dames technocrates, non partisanes, plus que compétentes, rompues à ce type de missions dans le privé. Peut-être eût-il fallu…
Une nouvelle donne marque cette phase politique que le Maroc a entamé le soir du 8 septembre, une donne marquée par, si ce n'est la mort de la politique, du moins sa mise en veilleuse. Il revient à Aziz Akhannouch, « technocrate chef de parti », de le comprendre, comme il semble avoir (un peu) compris les Casablancais. D'autres mouvements d'humeur peuvent naître, voire exploser, face à un gouvernement et une majorité qui, pour une grande partie de leurs membres, sont compétents dans leurs secteurs mais plutôt amateurs en politique. Comprendre, répondre à la société qui les a élus les grandirait et les renforcerait.